Chapitre 23

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Freyja se réveille, seule dans la tente. Trois jours sont passés depuis l'évènement du lac, trois jours qu'elle ne voit Faolàn que furtivement. Lorsqu'elle le croise, il lui jette des commentaires narquois ou des regards durs. Elle le hait de plus en plus, ne comprenant rien à son comportement et ne cherchant pas à comprendre.
Freyja sort un pied du lit, puis l'autre et se lève. Elle se sent horriblement mal, un goût amer et dégoûtant sur la langue. Sa poitrine est à nouveau douloureuse, elle transpire et à la tête qui tourne.

Mais qu'est-ce qui m'arrive ?

Elle sort avec des jambes flageolantes, peut-être que l'air frais va lui faire du bien. Le vent froid le frappe en plein visage, elle inspire profondément, ferme les yeux... Une odeur métallique lui fait rouvrir un oeil et Freyja sent son ventre déjà mal en point se révulser. Des hommes sont occupés à dépecer des animaux, des filets de sang coulent sur la neige et les yeux morts la fixent.

Freyja s'écroule au ventre et vide son estomac.
"Hé! Qu'est-ce que tu fais, toi!", crie un homme, elle ne réagit pas, continue à avoir des spasmes, tout tourne dans sa tête.
"Appelle Faolàn!", crie une autre voix.
Celui-ci arrive quelques minutes plus tard. Il lui soulève doucement la tête, la lumière l'éblouit, elle essaie de détourner les yeux.
"Putain.", grommelle le jeune guerrier avant de la prendre précautionneusement et de la porter au lit. Freyja ferme les yeux, pâle comme un linceul. Elle entend quelqu'un appeler une guérisseuse.

Elle reste là, la nausée passant laissant place à une énorme fatigue. Quelqu'un entre dans la tente et elle entend la voix d'une vieille femme.
"Amenez-moi de l'eau, des tissus propres et mes herbes."
Elle se penche au-dessus de Freyja, une main froide se pose sur son front.
"Par tout les Dieux, tu es brûlante mon enfant!"
Un cliquettement et un merci soufflé indique qu'on lui a amené ce qu'elle désire. La vieille femme dit aux hommes de sortir avant de commencer à déshabiller Freyja.

Celle-ci ouvre faiblement les yeux. La femme lui lance un sourire compatissant et lui nettoie le corps avant de lui faire boire de l'eau mélangé à du miel.
"Dors, ma fille, dors."
Freyja gémit, secoue la tête et la seconde d'après, son ventre vide se révulse à nouveau, elle transpire, elle a mal et des larmes silencieuses roulent sur ses joues.

La vieille femme lui caresse le front et fronce les sourcils.
"Petite... Tu n'es pas juste malade."
Freyja lui jette un regard interrogateur mais la femme ne dit rien de plus et ne lui fait que boire un liquide sucré.
"Dors maintenant."
En quelques secondes, la jeune femme flotte dans le pays des rêves.

~***~

La vieille femme sort de la tente.
"Praga", demande Faolàn "Qu'en est-il?"
La vieille femme secoue la tête, consternée.
"Elle n'est pas en bon état mon garçon et son corps montre les signes d'une maladie dangereuse."
"Contagieuse?", demande un homme d'une voix un peu timide et Praga secoue la tête.
"Non. Cette maladie n'apparaît que dans un contexte particulier."
"C'est une infection?"
À nouveau, la vieille femme nie. Elle inspire un grand coup avant de regarder Faolàn dans les yeux.

"Ta femme est enceinte gamin, et seuls les Dieux savent si elle va s'en sortir.", elle se racle la gorge "Ce qu'elle a n'arrive que rarement, plus que des nausées matinales, elle ne cesse de... Se vider, elle est souffrante et fiévreuse. Si nous avons de la chance, cela disparaîtra au bout d'une ou deux semaines, sinon il risque d'y avoir des conséquences graves pour sa santé mentale si cela dure pendant toute la grossesse." Praga soupire.
"J'en ai déjà vu une ou deux des comme ça, elles déliraient, la douleur les rendait folles. L'une s'est suicidée, l'autre est morte en essayant de se libérer de... La douleur."

Faolàn la fixe quelques secondes avant que l'information n'arrive à son cerveau.
"Freyja... Freyja va mourir?"
Praga lui jette un regard désolé.
"Je ne sais pas, gamin. Mais la chance ne semble pas de son côté."
"Et on ne peut rien faire?"
La guérisseuse secoue la tête.
"Elle doit se reposer, boire beaucoup. Nettoie la avec de l'eau fraîche pour faire baisser cette fièvre." Elle lui tend ensuite une petite sacoche en cuir."Si la douleur devient trop forte, mélange ça avec de l'eau et du miel et donne lui à boire."

Ensuite, Praga quitte le camp, traînant ses jambes fatiguées dans la neige jusqu'à chez elle.

~***~

Freyja hurle lorsqu'une nouvelle vague secoue son estomac. Elle se rentre les ongles dans la paume de la main, se convulse désespérément. Tout autour d'elle est flou. Quelqu'un lui pose un gobelet aux lèvres, elle tente de l'éviter, le liquide roule le long de son cou. Un homme pousse un juron, Freyja le regarde. Tout tourne, tout tourne, elle ne le reconnaît pas, juste ses yeux bleus.

L'homme appuie la pointe de son arme sur le bas de son dos puis la retourne.
Elle le regarde dans les yeux, haletante, paralysée.
Il a les yeux bleus et des cheveux presque plus clairs que la neige elle-même. Il est jeune, une vingtaine d'année. Son visage est déformé par la violence.

Des cris résonnent dans sa tête, les souvenirs du massacre de son village l'assaillent.
"Ne me tuez pas! Ne me tuez pas!", hurle la jeune femme, donnant des coups de poing et de pied dans le vide.
Brusquement, elle sent qu'on l'attache.
"Non! Non! Non... "
Sa voix se perd dans des pleurs, le liquide sucré coule à nouveau sur sa langue et elle s'endort.

~***~

Faolàn soupire, le visage strié d'égratignures. La gamine s'était débattue comme un chaton en furie. Il s'assoit à côté d'elle et l'observe. De temps en temps, sa tête bascule de gauche à droite, elle hurle à la mort.
Il lui nettoie le front. Il tente de lui donner à boire mais n'arrive pas à lui tenir la tête, alors après avoir soupiré, il s'allonge sous son corps et pose la tête de la jeune fille contre son ventre.

Peu à peu, il s'endort à son tour.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now