Chapitre 42

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« Faolàn ? », Freyja demande et se rapproche. Le jeune homme ne réagit pas, il a les yeux qui fixent la fenêtre en face de lui, des larmes éclairées par la lune roulent le long de ses joues et Freyja hésite dans ses pas.

« Faolàn ? », demande-t-elle à nouveau, plus doucement, tout doucement. Elle avance encore un peu et pose une main sur le bras de Faolàn qui tourne d'un geste brusque la tête vers elle. Un bâillon en tissu l'empêche de prononcer la moindre parole. La jeune fille lève les mains vers lui et défait délicatement le nœud. Le tissu tombe à terre, elle inspire un coup, et essuie la bouche du jeune homme d'un revers de main. Il a un regard dur quand il la regarde. Elle sent la rougeur lui monter un peu aux joues lorsqu'on son cerveau fatigué tente de trouver des solutions.

« Tu as vu... »

Une grimace de dégoût tord le visage de Faolàn lorsqu'il répond.

« Ou, j'ai vu, j'ai tout vu. »

« Faolàn... »

« Ne me parle pas comme ça ! »

Freyja se fige et lui jette un regard implorant. Pourquoi réagissait-il comme ça ? Pourquoi n'essayait-il pas au moins d'écouter ce qu'elle avait à dire ? La jeune fille serre les poings. Elle était stupide. Faolàn n'avait jamais écouté, les quelques semaines d'équilibres entre eux n'étaient que le résultat de sa faiblesse. Il avait été si différent. Semblait être sincèrement désolé de ses actes. Semblait être même attiré vers elle. Mais elle s'était trompée, trompée, sur toute la ligne ! Un monstre reste un monstre !

« Alors c'est ça ! », crache-t-elle, la rancœur, la honte d'avoir été observée pendant un acte sexuel et la rage lui embrouillant la pensée, « Et bien tu sais quoi, Faolàn ? J'ai pris du plaisir, j'ai aimé sa bouche sur mon corps, ses mains et ses mots ! Contrairement à toi, Erohel ne me répugne pas, toi... Toi, tu es né et restera un être abjecte toute ta vie ! » Faolàn pâlit légèrement et serre les dents avant de répondre.

« Ton mari a bien raison de te traiter de catin, sale gamine ! »

Pendant quelques instants, le temps semble se figer avant que la main de Freyja ne claque contre la joue de Faolàn, tremblante de rage.

« Crève. », réplique-t-telle, le visage glacial. Elle se retourne et part, sans même attendre de réponse. Elle avance jusqu'à la porte d'entrée et la fixe. Si elle entre, elle doit s'allonger près d'Erohel. Jour après jour, elle devra endurer ses mots et ses mains, et supporter Faolàn en prime.

Freyja ne réfléchit pas plus et se met à courir, ignorant une petite voix intérieure la traitant de lâche.

~***~

Lorsqu'il voit Freyja partir en courant, Faolàn fulmine. Il tire sur ses chaînes, jure. Déjà la silhouette de la jeune fille s'éloigne. C'est ça, court, sale traînée, sale chienne, sale... Il n'a pas d'autres mots, pas d'autres insultes qu'il peut lui lancer à la figure, son cœur bat la chamade. Il lève les yeux au ciel et pose sa tête contre le tronc d'arbre et attend. La trace de la main de Freyja sur sa joue brûle un peu. Comme le reste de son corps d'ailleurs. Brusquement, le jeune homme prend conscience de chaque bleu et coupure infligé à ses membres et il tire plus fort, désespérément, sur les chaînes. La transpiration dégouline le long de son visage... Il abandonne à nouveau et ferme les yeux. Il déglutit, ses pensées divaguent.


Vila. ..

Des pas se rapprochent mais Faolàn ne bouge pas, pensant qu'il s'agit de Freyja.


« Où est-elle ! »

La voix enragée d'Erohel le tire de sa trance.

« Où est ...qui ? », marmonne-t-il. Erohel lui offre un rictus moqueur.

« Qui ? Ne me prend pas pour un idiot, louveteau, ton bâillon ne s'est pas défait tout seul et les cris que j'ai entendu provenait certainement d'une voix féminine. C'est si peu intelligent de se disputer à grand cri directement sous mes fenêtres. »

Faolàn garde une mine stoïque alors que son cœur accélère. Freyja est partie ? Elle l'a abandonnée ? Elle est ... partie ?

« Ce n'est pas mon problème. », rétorque-t-il simplement et Erohel éclate d'un rire féroce.

« Mais qui crois-tu tromper ? Pas ton problème ? Tu penses que je ne vois pas avec quels yeux tu la regarder, comme un chiot mal léché en attente d'une caresse ! Tu la regardes comme tu le faisais à l'époque avec Vera ! Et ne me dupe pas, je sais que tu as écouté mes mots. »

Le masque de Faolàn se casse la figure.

« Comment connais-tu Vila ? », demande-t-il. Erohel se rapproche de lui.

« Tu ne me reconnais pas, louveteau, tu ne me reconnais pas ? »

Faolàn le fixe sans comprendre, cherchant à associer le visage de l'homme en face de lui à une des personnes de son sombre passé. Erohel sourit et lui tapote l'épaule.

« Ah mon vieux... Si tu savais... Et si j'avais su... Je ne me serais jamais laissé traiter comme ça, si j'avais su qu'un jour je te verrais ainsi, désespéré et enchaîné ! »

Faolàn secoue ses chaînes en tentant de lever ses mains.

« Mais t'es qui bordel ! »

Erohel rit à nouveau.

« Demain, louveteau, demain au lever du soleil je te dirais tout. »

Ensuite, il rentre à l'intérieur, son rire poursuivant Faolàn à qui la respiration se fait difficile.

Vila... Elle avait été si douce et si gentille, ses grands yeux le regardant avec tant d'amour et d'affection. Ses longues nattes lui caressaient les bras de temps en temps, quand elle tournait la tête ou qu'un coup de vent lui secouait sa chevelure. Elle venait le voir et lui caressait ses plaies et les embrassaient de ses petites lèves rouges.

Vila, douce Vila, il n'en avait pas eu de nouvelle depuis qu'on l'avait emmené chez Vam. Et il n'avait même pas eu le temps de la remercier. Son cœur se serre. Et se serre et se resserre encore plus à l'idée de la jolie jeune fille aux boucles blondes et yeux verts feuilles épousant Erohel. A l'idée sa mort.

Cette nuit-là, Faolàn ne dort pas, les yeux fixés sur le ciel, les pensées tournées vers le passé, attendant que l'astre solaire se lève pour obtenir des réponses. Et quelque part au fond de son cœur, une voix se demande où est Freyja.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now