Chapitre 18

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Quelqu'un rentre dans la tente et Freyja s'assoit pour regarder qui est le visiteur: ce n'est pas Faolàn mais un autre homme qu'elle a déjà vu plusieurs fois durant ces derniers jours. Il la regarde quelques instants et dans ses yeux bleus verts se reflètent des éclats de rire et de sérieux.
"Qui êtes-vous?", demande-t-elle d'une voix incertaine, douleur et appréhension l'empêchant de parler normalement.

Allait-t-il lui faire mal, comme les autres guerriers durant les derniers jours? Était-il la dernière vengeance de Faolàn? Freyja se recroqueville légèrement. S'il lui fait quoi que ce soit, elle meurt à le seconde. Mais l'homme ne lui lance qu'un sourire compréhensif.
"On m'appelle Pranan.", répond-t-il.
"Pourquoi es-tu là?"

Pendant quelques secondes, elle sent qu'il la regarde pour juger comment répondre: finalement, il vient s'asseoir à côté d'elle et commence à parler d'une voix calme.
"Petite, ce que tu as du enduré ces derniers jours, même moi je n'aurais pas survécu. Tu es gravement blessé, aussi bien physiquement que mentalement: la peur et la douleur t'empêchent de dormir. Mais tu as besoin de sommeil ou tu peux dire adieu à la vie dans peu de temps. C'est pour ça... Pourrais-tu boire un verre de la boisson dans la carafe ?"

"C'est Faolàn qui t'envoie?"

Pranan soupire et hoche la tête.
"Alors je refuse de prendre quoi que ce soit. " Freyja tente de garder la tête haute mais sa lèvre inférieur tremble et ses yeux rougis traduisent sa furieuse envie de pleurer. "Et puis à quoi bon vivre comme ça? Je n'ai plus rien et je suis entourée d'homme violents et cruels. Je ne peux pas continuer à avancer avec ce sentiment de peur qui me ronge le ventre, cette solitude, ces... Ces sentiments de... ", sa voix se brise et elle met sa tête dans les mains, le corps secoué de spasme. Pranan la regarde quelques instants sidéré, puis, lentement, il lui pose une main sur les épaules. Il se racle la gorge: la gamine réveille en lui le souvenir de sa petite soeur ayant disparue lorsque Vam était venu et avait massacré son village. Sa gorge se noue.

"Tu sais, petite, je sais ce qui se dit sur nous et sur ce que nous sommes. Je sais ce qu'on t'as fait. Mais... Mais beaucoup n'ont pas choisi d'être ici, moi en premier. Et Faolàn non plus. Il s'est comporté comme une bête avec toi, il est colérique et borné mais fondamentalement... Ce n'est pas quelqu'un de mauvais."
Freyja relève la tête.
"Vous tuez des êtres humains!", hurle-t-elle," Vous détruisez des vies sans même broncher! Et tu appelle ça ne pas être fondamentalement mauvais?"
Pranan sert les dents.
Quelle gamine insolente.

"Tu juges trop vite. ", dit-il alors simplement. Mais sa colère, se rend-il compte, se dirige principalement contre lui car Freyja lui rappelle tout ce qu'il est mais ne veut pas être.

La respiration de la jeune femme est haletante, son visage rougi mais ses yeux lancent des éclairs.
"Je ne sais pas ce que vous avez décidé de faire de moi mais qu'une seule chose soit clair. Je ne serai jamais l'une des vôtres et encore moins la femme de ce monstre et jamais je ne me soumettrai."
Pranan ne répond rien et se contente de lui remplir un verre qu'il lui tend.
"Non!", rugit Freyja. Pranan attend.
"Un seul verre et tu es tranquille pour quelques heures."
Les larmes réapparaissent sur ses joues tandis que sa colère se tasse pour laisser place à l'apathie. Elle prend le verre, découragée.

Première gorgée.
Je ne sortirai plus jamais d'ici.
Deuxième gorgée.
Je les hais tous ces monstres, ces monstres!
Troisième gorgée.
Je veux mourir...
Quatrième gorgée.
S'il-vous-plaît... Sortez-... Moi...
La conscience de Freyja divague et elle ferme les yeux, s'endormant au bout de quelques secondes et tombant dans un rêve des plus étranges.

🌌

"Je ne sais pas exactement quand est-ce que j'ai commencé à être comme ça.", murmure une voix à son oreille. Freyja ne sait pas où elle est, elle ne sent plus son corps et elle n'est même plus sûr de qui elle est elle-même. Tout semble perdu dans un brouillard rouge et épais que seul cette voix masculine légèrement déformée traverse. "Quand il m'a trouvé, j'avais onze ans. J'aime à raconter que je suis le fils d'un noble et que c'est pour cela que j'ai du souffrir mais ce n'est pas le cas. Pas vraiment en tout cas. Mon père était bien un noble: il était déchu et aimait à dormir avec les prostituées et esclaves. Ma mère travaillait dans ses cuisines et un jour, il l'a prise puis mise à la porte enceinte. Elle a ensuite trouvé du travail chez un homme violent. Je suis né là-bas. Au début, je ne recevais que des coups lorsque je n' effectuais pas mon travail correctement: mais peu à peu, je fus punis de plus en plus violemment. Avec les autres esclaves, je ne dormais quasiment pas, je ne mangeais pas à ma faim et me faisais battre régulièrement. Souvent, la nuit, on m'accrochait à un poteau, les pieds dans la boue et le corps quasi nu exposé au froid et la pluie et je devais tenir ainsi jusqu'au matin... Mais le pire... Le pire c'était qu'il avait une passion pour les jeunes garçons." Freyja fronce les sourcils et essaie de donner un sens à cette voix et cette histoire sordide.

La personne qui parle appuie sa tête dans ses cheveux et Freyja sent qu'elle pleure. Elle se remet à parler mais elle ne comprend plus les mots, tout tourne, tout tourne, elle est sur un loup qui se balade dans la neige et au bout du chemin elle voit ses parents...

~***~

Pranan observe Freyja s'endormir, puis il quitte la tente doucement. Durant la discussion avec elle, un élément lui était revenu que Faolàn semblait avoir totalement sorti de son esprit : le pari.
Il avait parié qu'il allait séduire Freyja en un mois et que s'il n'arrivait pas, elle serait tué et lui allégé de la moitié de son or.
Il ne lui reste plus que moins de trois semaines.
Il n'a que peu de chances de réussir vu ce qu'il a fait.
Et Pranan est persuadé que quoiqu'en dise Faolàn, il ne tient pas à ce que Freyja meurt de si tôt.

Vénus a froidWo Geschichten leben. Entdecke jetzt