Un beau discours

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Maud plaça ses mains des deux côtés du pupitre pour se donner de la constance. Elle commença à parler. Sa voix, faible, résonna dans l'air. Elle chercha du regard un appui. Elle trouva celui de Justin Trudeau qui l'encouragea des yeux.  Elle fronça les sourcils, se redressa et continua en renforçant le ton.


«  Je voudrais tout d'abord remercier le Président de la République, Monsieur Hollande qui m'a permit de prononcer ces quelques paroles. Et également, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, sans qui ça n'aurait été possible » elle fit un léger geste de la main dans sa direction, et celui-ci répondit en hochant affectueusement la tête un sourire triste en coin.





« Je ne supporte plus l'odeur des bougies. Elle me donne envie de vomir. À Nice, à Paris , à Orlando, à Istanbul, à Bruxelles,  au Québec, et partout où ils ont semé la mort, ce sont les mêmes scènes. Les mêmes portraits accrochés. Les mêmes fleurs déposées. Les mêmes bougies allumées. Et cette odeur âcre qui me laisse dans la bouche le goût du sang versé.

Je pensais ne plus avoir assez de larmes. Je pensais que le pire était passé. Je pensais m'être habitué. Je me trompais. À chaque nouvelle attaque j'ai pleuré. Ils étaient des hommes, des femmes, des enfants. Ils avaient des envies, des peurs, des désirs, une vie. Ils sont morts. Et nous allumons une bougie.

Contre un camion lancé à pleine vitesse, contre des Kalachnikovs chargées de rancœur, contre des explosifs prêts à sauter, c'est peu une bougie. Pourtant c'est une arme plus puissante que toutes celles qu'ils pourront utiliser . Parce que le jour ou la mort de l'autre nous laissera sans réaction, le jour où nous n'allumerons plus de bougies, nous serons devenus comme eux.

Des êtres sans peur face à la mort. Mais pour ne pas craindre la mort, il faut trembler de peur devant la vie. Alors craignons la mort et embrassons la vie. Dès le lendemain j'ai allumé une bougie que j'ai posée sur le rebord de ma fenêtre. Elle brûle encore aujourd'hui. Elle me rappelle l'odeur de la peur, de la haine, du renoncement. Elle me rappelle l'urgence de la vie ».

L'émotion fit trembler sa voix. Ses yeux s'humidifièrent. Elle changea sa jambe d'appui et releva la tête pour affronter le regard de tous. Des probables et possibles futurs tueurs, des victimes, des proches de victimes, des Français, des Canadiens, de tous les citoyens du monde, s'ils avaient l'occasion de la voir. Elle remarqua les larmes du Premier ministre Canadien qui se mordait la lèvre inférieure comme s'il tentait de se retenir, le visage à moitié baissé.

« Je souhaiterais lire un extrait d'un poème de Victor Hugo, cher à mon ami, Pierrick, tombé sous les balles des terroristes.

Sauver Paris, c'est plus que sauver  la France , c'est sauver le monde.
Paris est le centre même de l'humanité. Paris est la ville sacrée.
Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain.

Paris est la capitale de la civilisation, qui n'est ni un royaume, ni un empire, et qui est le genre humain tout entier dans son passé et dans son avenir. Et savez- pourquoi Paris est la ville de la civilisation ? C'est parce que Paris est la ville de la révolution.

Qu'une telle ville, qu'un tel chef-lieu, qu'un tel foyer de lumière, qu'un tel centre des esprits, des cœurs et des âmes, qu'un tel cerveau de la pensée universelle puisse être violé, brisé, pris d'assaut, par qui ? par une invasion sauvage ? cela ne se peut. Cela ne sera pas. Jamais, jamais, jamais !

Citoyens, Paris triomphera, parce qu'il représente l'idée humaine et parce qu'il représente l'instinct populaire.
L'instinct du peuple est toujours d'accord avec l'idéal de la civilisation.
Paris triomphera, mais à une condition : c'est que vous, moi, nous tous qui sommes ici, nous ne serons qu'une seule âme ; c'est que nous ne serons qu'un seul soldat et un seul citoyen, un seul citoyen pour aimer Paris, un seul soldat pour le défendre.

Pour Pierrick, mon ami, qui ne méritait pas non plus de mourir, qui illuminait nos vies par sa joie et son talent d'écrivain et son humour... Sa voix se brisa. Pour Pierrick, pour la joie, pour la vie... ».





Quelques secondes s'écoulèrent et des applaudissements retentirent dans la cour et dans la rue. Maud lança un regard reconnaissant  à l'assistance et se dirigea vers le président dont elle serra encore une fois la main humblement. « Merci pour ces belles paroles, Mademoiselle ». Elle descendit les escaliers les jambes tremblantes et croisa les visages humides de la délégation Canadienne.

Le premier ministre Canadien sorti du rang et s'avança vers elle alors que la Marseillaise entonnait son chant.

Maud le trouva bouleversant. Alors qu'il parcourait les derniers mètres qui les séparaient, elle l'admira. Ses yeux bleus étaient rougis par les larmes. Ses lèvres pincées par la peine et la mâchoire serrée. Il semblait chamboulé.

« Maud, c'était magnifique » dit-il, la voix rauque, en la prenant par les épaules. Il oscilla sur ses jambes et étreignit la jeune femme. « Merci... » Murmura-t-il, dans le creux de son oreille. Le parfum de ses cheveux, la chaleur et la force de son étreinte lui arracha un soupir.





Alors, qu'en pensez-vous? :)

Tome 1. Un stage avec Justin TrudeauWhere stories live. Discover now