Chapitre 10

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Je fonce, le cœur battant au rythme des essuies-glace, le visage en sueur comme la buée s'accumulant sur les vitres. Appuyée sur le volant que j'agrippe tel un koala à sa branche, je guette au travers de mon pare-brise opaque les numéros des quais que je dépasse un à un.

Je ralentis à l'approche du bon numéro et me concentre tandis que le commissaire continue de me harceler de questions au travers de l'oreillette. Bordel, je ne comprends rien à son charabia !

A proximité du quai, vide mis à part du matériel de déchargement, je distingue vaguement sous les trombes d'eau que le ciel s'évertue à pleuvoir à l'instant fatidique, un bateau. Un genre de petite navette, avec une cabine. Le ravisseur serait-il à l'intérieur ? Pas de signe de vie. J'attends un instant puis me décide à sortir du véhicule pour y voir plus clair. J'ai le cœur au bord du précipice. Et s'il me poussait à l'eau ?

Je fais quelques pas sous la pluie, faisant claquer mes semelles dans les flaques sur le bitume. La météo ne pouvait pas être plus flippante. J'ouvre la portière arrière de la voiture et récupère le sac de billets que je cale sous mon bras. Je guette à droite, à gauche, rien. Puis j'entends finalement un bruit de véhicule qui s'approche, mais vraisemblablement pas le bruit d'un moteur de bateau. Je songe d'abord aux voitures de police qui m'auraient rejointes mais cela serait assez risqué de débarquer avant même l'arrivée du ravisseur. Pas le moment de le faire fuir les gars, on y est presque.

Sortant de nulle part d'entre les containers, un van banalisé beige s'avance vers le quai ou je me trouve.

- Véhicule en approche, je dis doucement au travers de mon col de veste remonté pour transmettre l'info au commissaire.

Je me rends compte que j'ai parlé comme un flic, et ça me donnerai presque envie de rigoler si la situation n'était pas aussi dramatique. Le van arrive à mon niveau tandis que je suis plantée et tremblante comme une feuille. J'imagine déjà le gars me tirer une balle, prendre le sac et se barrer. Je vais peut-être mourir maintenant, sur un quai logistique miteux. Le commissaire me demande des informations mais je ne suis plus vraiment en mesure de répondre sans éveiller les soupçons du ravisseur que j'imagine me voir depuis son siège conducteur. La fenêtre s'abaisse alors et me laisse apercevoir l'homme, affublé d'une casquette noire et d'une sorte de chèche foncé recouvrant le bas de son visage. D'épaisses lunettes noires cachent également ses yeux. A part le fait qu'il soit blanc je ne peux pour le moment déceler aucun indice concernant son identité. Je crois même pouvoir dire que je n'ai jamais vu ce type.

- Montez côté passager, ordonne t'il en posant délicatement un flingue sur le rebord de la vitre ouverte.

La menace passée et le stress à son paroxysme, je rétorque :

- Où est mon fils ?

- Montez. Il est dans le véhicule.

Sa voix est froide, mesurée. Mais je n'ai pas d'autres options que de le croire. D'un côté, j'ai l'espoir qu'il dise vrai et que mon bébé soit effectivement là à quelques mètres de moi, mais j'ai aussi peur que ce ne soit qu'un piège. Le commissaire me précise dans l'oreillette qu'ils ont encerclés la zone du quai et que plusieurs flics sont planqués derrière des containers, à environ 500 mètres de notre position. Il me précise de dire le mot « abandonner » comme signal d'intervention. C'était un scénario que nous avions répété et qui devait me laisser l'opportunité de choisir le moment où le danger serait imminent ou bien si j'avais pu mettre Adam en sécurité et que le ravisseur pouvait être « pris en chasse ». Pour le moment, pas de raison de donner l'alerte. Je décide donc de suivre mon cœur et de croire l'homme glacial qui me domine depuis le siège de son utilitaire. Je contourne le véhicule, remarque que la plaque d'immatriculation est cachée (évidemment) et ouvre la portière passager la main tétanisée.

Et je l'aperçoit.
Adam, dans un couffin posé à même le sol du véhicule, calé entre le siège et le dessous du tableau de bord. Il est emmitouflé d'une couverture un peu sale, mais il est là. Mon enfant. 

- Dépêchez-vous, gueule le type en me pointant son flingue.

Je monte d'un bond et m'assieds, puis vais pour prendre mon bébé dans mes bras.

- Attendez !

Je m'immobilise.

- Avant de récupérer votre fils vous allez ouvrir ce sac et me sortir les liasses de billets. Vous gardez le sac, et vous me retirez les balises GPS. Vous mettez l'argent dans le sac de sport qui est là.

Euh... Ok. Donc le mec est loin d'être con. Ou bien il regarde beaucoup les Experts.

- Ok, mais, est-ce que mon fils va bien ? Je demande en le voyant immobile à mes pieds et paniquée de ne pas pouvoir le prendre.

- Il dort. Je lui ai donné un sédatif léger pour ne pas que cette transaction se passe mal. Pas d'inquiétude, il se réveillera d'ici une petite heure.

La voix de l'homme s'est adoucie, et me laisse un instant imaginer qu'il est peut-être père de famille. Il a pris le soin de couvrir Adam et de l'allonger dans une nacelle prévue pour les bébés. Soit il avait ce matériel à disposition chez lui, soit il a acheté le couffin, mais cela montre qu'il avait réfléchi au fait de garder et s'occuper d'un bébé pendant quelques jours. C'est presque avec soulagement sur la nature de ce sale type que je m'exécute à sortir les billets.

- Dites au commissaire que si son équipe tente un mouvement, je vous tue vous et le gosse.

Je ne dis rien, soudainement tétanisée. Il a parlé plus fort, pour s'adresser directement à la police au travers de mon oreillette. Il sait tout sur ce qui est en train de se passer. Ce mec a une longueur d'avance sur nous et mène tout le monde en bateau depuis le début. Je me surprends à penser qu'il s'agit peut-être d'un flic ?

- C'est fait, je dis d'une voix chevrotante en montrant le petit émetteur qui était caché dans le sac.

Il le saisit et le balance par la fenêtre, puis remonte sa vitre.

- Bien. On va faire une petite balade en voiture tous les trois. Si une seule voiture de flic nous suit, je tue le gosse, c'est compris ?

Et il allume le moteur du van.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Where stories live. Discover now