Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)

Chapitre 10

- Excusez-moi un instant, dis-je à mes invités en me levant afin de m'écarter du salon, sentant les larmes monter.

L'hypersensibilité est l'une des nombreuses tares de jeune maman, et ça ne loupe pas cette fois-ci. Je sens le malaise dans le regard détourné de Philippe et la compassion dans celui de Maria que je devine vouloir se lever également pour me soutenir.

- Non non restez assis, je vais juste voir si Adam dort bien et je redescends, dis-je la voix chevrotante.

Tandis que je monte les escaliers en laissant les larmes jaillir, de tristesse ou d'épuisement moral, j'entends Jamie reprendre Dulcie :

- Je veux que tu ailles t'excuser auprès d'Inès immédiatement Dulcie. Ce que tu as dit était très blessant.

Je n'entends pas sa réponse, et pénètre dans notre chambre pour m'asseoir auprès du couffin de notre fils pour l'observer paisiblement endormi. Et c'est le torrent de larmes. Je ne sais pas si j'aurai été aussi émotive sans les afflux d'hormones que je subis depuis l'accouchement. Peut-être me serais-je moquée des réflexions de la fille de Jamie ? Peut-être l'aurais-je moi même grondée ? J'ai à peine le temps de souffler que j'entends les pas de Dulcie et son père qui montent à ma rencontre. Rapidement je me relève, essuie mes joues mouillées et retourne sur le pallier pour éviter qu'elle ne rentre dans la chambre et réveille Adam.

- Voila, je t'écoute, dit Jamie sur un ton sec à sa fille, la mine renfrognée et les poings serrés face à moi dans le couloir.

Il s'accroupit à son niveau pour l'observer tandis qu'elle chuchote :

- Pardon.

- Pardon pourquoi ? Insiste Jamie.

- Pardon d'avoir dit la vérité.

La vérité ??
Les filles de Jamie sont, de ce que j'ai vu, bien éduquées. Respectueuses des aînés, polies, et plutôt conciliantes. Dulcie, qui me regarde droit dans les yeux, sait très bien ce qu'elle est en train de faire. Elle ne veut pas s'excuser car elle estime qu'elle n'a fait que dire la vérité. Son jeune âge l'empêche peut-être encore de comprendre que dire la vérité est parfois blessant, comme de dire à quelqu'un qu'il est gros, moche ou stupide.

- Pourquoi tu as dit ça à Inès ? Ce n'est pas gentil.

- Parce que je ne l'aime pas ! S'écrit-elle soudain, délivrée de ses paroles qu'elle semblait garder en elle depuis bien longtemps.

Les mots sont durs, réels mais durs à encaisser. Le pire dans tout ça, c'est de savoir que je ne peux rien changer à ses sentiments. Elle ne m'aime pas car je ne suis pas sa mère et que son père a quitté sa mère à cause de moi. A sa place, à son âge, j'aurai sans doute eu la même réticence à apprécier ma belle-mère.

Jamie lève les yeux vers moi, choqué et inquiet de ma réaction, mais j'ai à peine le temps de comprendre ce qui se passe que Dulcie, agitée et en colère, enchaîne en hurlant :

- Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste !

La claque est partie d'un coup. Un coup sec et fort sur la joue droite, venu mordre la chair rosée et douce de cette petite fille avec qui je partage ma vie depuis bientôt 3 ans. Je l'avais à peine giflée que j'étais déjà pleine de remords. Devant le désarroi de Dulcie, la main sur son visage rougi et la surprise de Jamie face à mon geste spontané, je me liquéfie.

- Vas dans ta chambre Dulcie, dit doucement son père d'une voix que je devine irritée. Tu n'as pas été sage, tu es punie. On en parlera demain.

Je suis muette devant la scène qui vient de se dérouler. Ce geste, violent, n'a pas été prémédité. Elle m'a poussé à bout voilà tout. J'ai frappé fort et vite, et cela me fait peur de voir comment j'ai perdu le contrôle devant une gamine de 7 ans. Dulcie, sans un pleur, grimpe les marches restantes pour l'amener à sa chambre, sans un mot. Elle me lance le regard le plus noir possible et je comprends qu'elle a obtenu ce qu'elle voulait, à savoir mettre le bazar entre Jamie et moi. Son rictus aux lèvres est sans équivoque : me faire craquer était le but depuis le début. Et c'est arrivé ce soir, alors que nous avons nos amis au salon qui doivent être totalement incommodés par cette situation. Une fois sa fille disparue de notre champ de vision, je m'attends au pire en voyant l'attitude désabusée et furieuse de Jamie.

- Ne refais jamais ça ! Jamais ! Prononce t'il syllabe par syllabe comme si j'étais moi aussi une gosse qui a besoin qu'on articule pour comprendre.

- Excuse-moi, c'est parti tout seul, elle m'a poussée à bout.

- Ce n'est qu'une enfant ! Elle ne sait pas ce qu'elle dit, ne la frappes plus jamais.

- Elle sait très bien ce qu'elle fait crois-moi... dis-je à bas mots, avec l'envie soudaine de me défendre.

Parce que bon oh, faudrait pas pousser mémé dans les orties quand même.

- C'est une raison pour la cogner ? M'engueule t'il.

La cogner, les grands mots.
A l'intérieur je bous. J'en ai presque oublié qu'Adam dort à 3 mètres de là et que Maria et Philippe entendent depuis l'étage inférieur.

- Oui bah excuse-moi mais il fallait la remettre à sa place, cela fait des semaines qu'elle est odieuse avec moi et que tu ne fais rien ! Elle m'a manqué de respect et ce devant nos amis, c'était la fois de trop !

- Ah donc c'est moi qui aurait dû la cogner ? Non mais tu dis n'importe quoi !

- Je n'ai pas dis ça, je dis juste que... oh et puis merde, c'est ta fille hein, je n'en serais pas arrivée là si tu l'avais recadrée avant, dis-je d'un ton condescendant tout en commençant à descendre les marches pour retrouver nos invités.

Je veux clore la dispute, je pense que c'est le meilleur moyen, il n'osera pas poursuivre l'engueulade en bas devant du monde. Lorsque j'arrive au salon, Maria et Philip sont tous deux debout, gênés, dans l'attente de savoir quoi faire. Énervée, triste et honteuse de cette scène à laquelle ils viennent d'assister, je me jette spontanément et bêtement sur la coupe de champagne de Jamie posée sur la table basse, et la bois d'une traite.

Jamie, qui m'a emboîté le pas et est juste derrière moi, dans l'encadrure de la porte entre l'entrée et le living-room, me lance furax :

- Putain Inès et maintenant tu bois de l'alcool !!! Mais qu'est-ce que tu fous !