Chapitre 4

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Nous sommes de retour dans notre foyer après une semaine à la maternité, cette semaine qui m'a paru durer une éternité tellement j'ai peu dormi mais qui est également passée à une vitesse folle jusqu'au moment où j'ai dû boucler ma valise pour partir.

Le grand saut, dans ma nouvelle vie de maman, a quelque chose de grisant et d'effrayant à la fois. Certes, j'ai tout à disposition pour que cela se passe à merveille : un compagnon aimant, une grande maison entièrement équipée (et je pèse mes mots en disant ça, il faut voir tout l'argent que Jamie a dépensé en décoration, jeux et accessoires pour que notre fils ne manque de rien), une femme de ménage pour m'éviter les corvées et me consacrer 100% à ma famille et enfin, du temps. Le temps étant à la fois une bénédiction et une épée de Damoclès en ce qui me concerne car je n'ai jamais été inactive de toute ma vie. Mon travail d'écrivain est en pause depuis le début de ma grossesse et je ne reprendrai qu'une fois Adam à l'école. Enfin ça, c'est le plan annoncé mais je ne sais pas si je suis capable d'être mère au foyer pendant 3ans. Je me dit qu'il faut au moins essayer. Jamie et moi arrivons à un âge où Adam sera sûrement notre seul enfant (surtout qu'il a déjà deux filles), il faut donc que je m'investisse à fond dans mon nouveau rôle.

La première chose qui m'interpelle a l'arrivée dans notre quartier de Kensington est l'odeur printanière des arbres fleuris, incomparablement plus agréable que celle des couloirs de l'hôpital. J'hume, au travers de la vitre baissée de notre Audi Q7, les effluves de fleurs, pollens et même quelques âpres odeurs de gasoil, tout ce qui me permet de savourer la sortie de ma chambre de clinique et d'apprécier le retour à la maison. Jamie conduit doucement tandis que je suis à l'arrière avec Adam attaché dans un cosy ultra sécurisé. Il dort paisiblement, bercé par les mouvements du véhicule et affiche un sourire bienheureux. J'affiche le même. Jamie se gare devant l'allée et j'aperçois Mme Botten, notre gouvernante, sur le pallier, nous attendant de pied ferme. Elle vient m'ouvrir et m'aider à descendre tandis que Jamie s'occupe de sortir le cosy. La césarienne m'a empêché de marcher pendant plusieurs jours et j'y arrive désormais avec peine et beaucoup de tiraillements. Me relever, me baisser, ou toute autre mouvement qui tire sur ma cicatrice est assez pénible à supporter car j'ai encore les sutures pendant 15jours, du coup je marche penchée comme une grand-mère, c'est drôle à voir. J'évite donc de porter Adam quand je suis debout, c'est donc Jamie qui s'occupe de le rentrer à la maison tandis que Mme Botten me tend son bras comme appui pour marcher jusqu'au perron.

- Bienvenue à la maison Madame, me dit-elle.

- Vos petits plats m'ont tellement manqué ! Je plaisante en lui souriant, je vais me jeter sur n'importe lequel des restes que vous avez préparé ces derniers jours Anna.

Je l'appelle par son prénom car je n'aime pas mettre de la distance avec une personne qui vit quasiment sous notre toit. Elle préfère m'appeler madame et Jamie monsieur, parce que c'est son travail et qu'elle est plus à l'aise avec ça. Du coup c'est parfois cocasse mais elle m'a certifié qu'elle n'était pas gênée que je l'appelle Anna.

- Il y a des lasagnes au saumon pour vous madame.

Mes yeux pétillent de bonheur ! Mon plat préféré, qui m'attends, après avoir mangé lyophilisé pendant 7 jours, ça c'est une excellente nouvelle. Tout a tellement de saveur en comparaison à ma semaine passée. J'étais très entourée mais comme j'ai passé 3 jours allongée dans un lit sans pouvoir marcher, tout était laborieux et anxiogène. Prendre Adam de son berceau quand il pleurait, le faire téter, tirer mon lait toutes les 2h pour assurer la montée de lait, subir les soins (lavage, remplacement de la sonde etc.). 3 jours sans me doucher, à rester imprégnée dans des draps transpirants et malodorants, avec des couches, des cheveux gras, un éclairage néon rendant n'importe qui épileptique et une seule petite fenêtre pour ouverture sur l'extérieur. Je me dégouttais et me demandais comment Jamie arrivait à rentrer dans cette chambre nauséabonde. Tout cela, je n'y étais pas vraiment préparée. Je pensais pouvoir m'occuper de mon fils dès sa naissance mais j'étais constamment dépendante de mon homme ou des sages femmes pour ne serait-ce que manger ou me redresser. J'ai loupé les premiers soins, le premier bain d'Adam, j'étais spectatrice depuis mon lit. Du coup, je compte bien savourer chaque moment que mon fils m'offrira à compter d'aujourd'hui.

Cela sera possible si je peux dormir. L'allaitement, c'est un truc de fou à quel point ça anéanti tout espoir de sommeil. Un bébé, ça pleure, mais un bébé qui tète, il vous réveille toutes les deux heures pour manger, ça dure 15/20min, puis il a mal au ventre pendant 30mn, il se rendort et 1h après c'est reparti. Donc je dors 45min par 45min depuis 7 jours. Résultat des courses, je suis un zombie humain, avec des cernes jusqu'au bas des joues et le cerveau en vrille. Jamie m'a proposé d'arrêter d'allaiter et passer au biberon mais ce serait un échec d'abandonner si tôt donc je veux me donner les moyens d'y arriver. A la maison, je serai plus sereine et j'aurai sans doute plus de facilités à me reposer.

- J'ai installé le cododo et tout le nécessaire à côté de notre lit, rajoute Jamie, tout fier.

- Merci à vous deux, vraiment, de rendre tout ceci plus facile.

Nous rentrons dans la maison et nous installons dans la salle à manger pour savourer notre premier déjeuner tous ensemble. Encore quelques jours tous les 3 avant la déferlante familiale : les parents viennent passer le week-end prochain avec nous puis nous avons les filles de Jamie dans 15 jours, pour une semaine. Un sacré programme ! Vivement que je dorme d'ici là.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Where stories live. Discover now