Chapitre 11

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Hôpitaux et aéroports même combat : je déteste m'y rendre et pour autant j'y passe bien trop de temps à mon insu. Après mon accouchement et l'accident de Jamie, me revoilà à arpenter les couloirs blancs immaculés du service urgentiste du St Thomas Hospital à la recherche de la chambre de Maria.

Philippe nous a prévenu très tôt de son hospitalisation des suites de sa fausse couche, et je ne peux venir la voir qu'aujourd'hui, trois jours après, à cause des complications survenues. De ce que j'ai compris, Maria développe des kystes ovariens et c'est ce qui cause la perte des fœtus, très faibles pour s'accrocher aux parois. La première fois, les médecins n'avaient pas fait d'examens complémentaires, car c'était sa première grossesse et ce n'était pas donc pas spécialement rare. Mais cette fois-ci, elle a fait une hémorragie importante et elle a dû être transfusée. Elle se rétablit doucement mais est gardée en observation quelques jours, le temps de vérifier que son état se résorbe et n'empire pas. Malheureusement, il semblerait que sa situation ne soit pas résolvable à long terme et qu'elle risque de nouveau d'avoir des formations de kystes si une nouvelle grossesse démarre.

Mon amie se retrouve donc devant la triste réalité de ne pas pouvoir avoir d'enfant. Est-ce à cause de son âge, son rythme de vie ou son métabolisme ? Difficile à dire. Mais quelque soit la raison, cela reste douloureux à entendre et à vivre. Je ne peux pas dire que je comprenne sa douleur, aucunement. Je me dirige aujourd'hui vers sa chambre sans vraiment savoir quoi lui dire pour la réconforter ou la rassurer. Je m'abstiendrai des phrases bidons qu'elle entendra par dizaines comme : « tu pourras adopter » ou « tu pourras en tant que marraine t'occuper d'Adam », car rien ne saura réduire sa peine de ne pas porter la vie et devenir mère. Alors je vais m'en tenir à mon rôle d'amie, à savoir être auprès d'elle et me tenir prête si elle a besoin de moi.

Je frappe doucement à sa porte, et n'entends pas de réponse. Peut-être dort-elle.

Lorsque j'entre, stressée de l'état dans lequel je vais la retrouver, je la découvre allongée dans son lit et Philippe assis à ses côtés. Elle tourne son regard vers la porte et m'adresse un sourire crispé. Je devine à son regard rougit qu'elle a beaucoup pleuré, et à la couleur de son teint qu'elle est exténuée.

- Bonjour Maria, je dis doucement.

L'atmosphère dans la chambre est lourde, et Philippe décide de nous laisser seules quelques instants. Je prend sa place et m'assois, puis saisis la main de mon amie de mes deux mains jointes. Les miennes sont chaudes tandis que les siennes sont froides et sèches.

- Comment te sens-tu ? Je lui demande.

- Mieux, grâce aux médicaments, dit-elle tout bas.

- Tant mieux. On a eu très peur pour toi.

J'ai les larmes aux yeux et je lutte pour les contenir. Je ne peux pas fléchir devant elle, surtout vu ce qu'elle traverse. Le silence s'installe, Maria regarde dans le vide, son corps immobile et mou comme si elle était dans un état léthargique. On sent qu'elle est shootée aux calmants, à la fois pour la paix du corps et de l'esprit. Je reste auprès d'elle une bonne demi-heure sans qu'elle ne m'adresse la parole. Mais au moins, je suis là. Philippe réapparaît et elle remarque à peine son entrée dans la pièce. Quelques minutes après son retour elle finit même par s'endormir. Je sors de sa chambre avec son mari pour échanger quelques mots.

- Que va t'il se passer désormais ?

- Les médecins veulent la garder au moins la semaine. Pas tant pour son rétablissement corporel mais plus par sécurité....

- Sécurité ? Ils craignent qu'elle n'atteigne à sa vie ?

Maria ne ferait jamais ça. Le suicide n'a jamais été une option parmi toutes les galères qu'elle a traversé. Que l'équipe médicale pense ça de son état me laisse perplexe.

- C'est la procédure. Éviter qu'elle soit isolée et profite d'un instant de faiblesse pour faire une connerie, dit Philippe, lui aussi bouleversé et perdu.

- Ouah. On en est là....

Nous échangeons un regard lourd de sens.

- Je suis là, à tout moment, pour elle, pour toi.

- Je sais Inès. Merci.

- Et je comprendrais si elle ne veut pas me voir non plus. Dans tous les cas n'hésites pas à m'appeler. Je ne veux pas la laisser sombrer dans la dépression.

- Je t'avoue que la femme pétillante que j'ai épousé est totalement effacée depuis cette nouvelle déchirante. Je ne la reconnais plus, elle si forte et battante... dit-il la voix chevrotante.

- C'est une battante ! Et elle surpassera tout ça tu verras ! Elle a juste besoin de temps. Soyons à ses côtés si elle a besoin mais laissons lui l'espace qu'elle nécessite pour faire le deuil de cette seconde grossesse.

- Jamie est au courant j'imagine ?

- Oui bien sur je lui ai dis. Il trouvait ça peu approprié de venir à l'hôpital, ne faisant pas partie des « proches », mais il sera là à votre retour à la maison. Je sais aussi qu'il a fait livrer des fleurs pour la fin de semaine chez vous, et si vous avez besoin de matériel médical à domicile vous n'aurez rien a régler il prendra tout en charge.

- Il n'a pas à faire ça, on peut se le payer tu sais.

- Il sait, mais c'est sa façon de montrer qu'il pense à elle. Tu sais, il vous aime beaucoup tous les deux.

- Merci.

Nous nous serrons fort dans les bras avant que je ne quitte l'hôpital, sous la pluie, le cœur lourd. Mon amie est actuellement dévastée par la perte de son enfant mais aussi par l'annonce de son infertilité probable. Comment surpasser tout ça ? Moi qui ai la chance d'avoir vu arriver Adam dans ma vie, je ne peux imaginer ma vie sans lui. Je pars en sachant que les prochaines semaines et mois seront, avec certitude, les plus durs que devra affronter ma meilleure amie.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Where stories live. Discover now