Chapitre 7

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Jamie a eu beau acheter un modèle ultra moderne et ultra cher, cette poussette est, comme disent les anglais « a pen in the ass », ce fut une vraie plaie pour la monter et comprendre comment installer Adam dedans. Maintenant que c'est chose faite, je suis prête à affronter le monde extérieur seule !

Tandis que je déambule dans les rues adjacentes à mon quartier, je contemple mon bébé endormi paisiblement, bien emmitouflé. Les traits du haut de son visage sont ceux de son papa : un nez long et fin, des yeux en amande, des petites oreilles. La bouche en revanche, c'est la mienne, fine et arrondie. Il a toujours les yeux verts pour le moment mais ils ont foncés depuis la naissance. Comme toutes les mamans de ce monde je trouve que mon fils est la plus belle créature qui existe, c'est tout sauf rationnel mais c'est un sentiment très exaltant.

Je croise quelques voisins qui tantôt me reconnaissent et me saluent, tantôt ne me remarquent même pas car trop préoccupés par leurs vies oppressantes. Les londoniens sont comme les parisiens : toujours pressés comme s'ils craignaient qu'une pluie battante ne s'attardent sur eux, toujours ronchons comme si leurs vies n'étaient que problèmes et tracas. Si j'avais le choix je crois que je préférerais vivre dans un pays ensoleillé, je suis sûre qu'une météo plus favorable adoucie les mœurs. Après mes mésaventures à Los Angeles Jamie a vendu sa maison, nous ne pouvions pas envisager de vivre ensemble dans ce lieu où j'ai de sombres souvenirs. Du coup, nous passons la plupart de notre temps à Londres, quelques vacances en Irlande dans une maison familiale et sinon nous voyageons dans des hôtels. Je me dis qu'un jour, quand ses filles seront plus grandes, nous pourrons peut-être envisager d'aller nous installer ailleurs, mais je sais que la France ne sera pas une option car Jamie ne parle pas français. A moins d'aller s'enterrer au fin fond de la Provence comme Brad et Angelina il fût un temps... Mais bon, le monde réserve beaucoup de surprises, et je sais que nous pourrions nous plaire ailleurs que sous la grisaille de la Grande-Bretagne.

Après 1h de marche, je rentre pour le déjeuner et suis interpellée par une jeune femme, en tenue de sport fluo, assise sur les marches de la résidence voisine à notre maison. Elle semble agacée, et se redresse rapidement lorsqu'elle m'aperçois. Elle est grande et mince, un bon mètre 75, un corps galbé et sculpté par la musculation, tout ce que je ne suis pas depuis mon accouchement. Elle m'aborde d'un air paniquée :

- Excusez-moi madame ! Je viens d'aménager dans un appartement ici et je suis sortie faire un jogging en oubliant mes clefs. Je n'arrive pas à joindre mon proprio sur son portable, avez-vous une clef ?

- Je suis désolé je n'habite pas ce bâtiment mais celui à côté, lui réponds-je poliment.

- Ah ! Mince.

- Vous avez essayé de sonner chez vos voisins ? Je demande.

- Oui, personne ne répond à l'interphone.

La résidence n'est pas beaucoup plus grande que la nôtre. Je regarde rapidement l'interphone et constate qu'il y a 4 locataires actuellement dans l'immeuble. Je connais l'un d'entre eux, un musicien avec qui j'ai eu quelques altercations à cause du bruit, mais je n'ai pas ses coordonnés. Je ne sais pas comment aider cette femme.

- Je suis désolé je n'ai pas les numéros de vos voisins qui pourraient avoir la clef...

- Ce n'est pas grave merci quand même, je vais attendre que mon propriétaire me rappelle.

Je lui adresse un regard compatissant. Elle doit avoir la trentaine, peut-être un peu moins, elle est brune aux cheveux longs et porte la queue de cheval. Je suis toujours à moitié en admiration et à moitié jalouse devant sa parfaite silhouette, et remarque qu'elle porte un ensemble sportif de luxe. Ce qui est plutôt logique si elle habite dans le quartier, elle doit avoir les moyens.

M'allant pour rentrer, je sens soudainement la pluie s'abattre sur nous. Au printemps les giboulées sont nombreuses, fraîches et intenses. Je me retourne vers ma nouvelle voisine, visiblement inquiète de ne savoir où se protéger durant les précipitations, et lui dit :

- Venez à l'intérieur !

Et nous nous précipitons pour rentrer dans la maison. Je referme rapidement la porte et récupère délicatement Adam de sa poussette pour le prendre dans mes bras.

- Merci beaucoup, dit ma voisine en s'essuyant le visage déjà mouillé.

Elle m'observe, attendrie à la vue du nourrisson que je porte, et je lui rends un sourire amical. Je n'ai pas trop réfléchi sur le moment mais... je ne la connais pas et j'ai fais rentrer un étranger dans notre maison. N'oublions pas que je partage ma vie avec une star planétaire, ce n'était peut-être pas très futé. Que vas t'il penser ?

- De rien, je n'allais pas vous laisser en plan sous la pluie. Je vous en prie entrez dans le salon.

- Inès ? M'interpelle Anna qui déboule dans l'entrée tout en s'essuyant les mains sur son tablier. Elle doit être en train de préparer le déjeuner.

- Oui c'est moi, tout va bien, j'ai invité...

Je me tourne vers la jeune femme pour l'interroger sur son identité.

- Kate.

- J'ai invité Kate notre voisine à rentrer le temps de cette averse, elle a un soucis de clefs.

Jamie débarque à son tour, avec Elva dans sa robe rose bonbon dans les bras.

- C'est qui ? Demande la petite en montrant du doigt Kate.

Adam se met à chouiner. Est-ce qu'on pourrait sortir de cette réunion improvisée dans l'entrée ? Mon fils a faim et il va falloir que je l'allaite. Quel parfait timing. Kate, elle, s'est stoppée net en voyant Jamie, elle l'a donc reconnu.

- Oh, M. Dornan, enchanté et... désolé pour le dérangement.

- C'est qui ? Répète Elva, une fois de plus.

- Une voisine, répond Anna à ma place en voyant mon agacement.

Jamie se retire après avoir salué Kate et part s'occuper de ses filles tandis que je laisse notre invité passagère entre les mains de Mme Botten le temps d'aller allaiter Adam à l'étage, tranquillement. Les tétées prennent entre 10 et 20 minutes, un temps suffisant pour me faire cogiter sur ce qui se passe au rez-de-chaussée. Lorsque je redescends, il est 12h30 et je constate que les filles déjeunent tranquillement avec Anna dans la cuisine. Je porte Adam contre moi pour lui faire faire son rot et limiter les coliques, vêtue d'un teeshirt grisâtre sur une brassière décousue et tachée de lait. Je m'oriente vers le salon et tombe sur Kate et Jamie, assis face à face, un verre de vin à la main, en train de discuter tous les deux.

Que tous les deux.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant