Chapitre 11

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Le véhicule démarre tandis que les options pour me dégager de cette situation cauchemardesque se bousculent dans mon esprit paniqué. A contrario de ce que j'imaginais, nous ne partons pas à toute allure mais roulons plutôt doucement, je dirais même « prudemment ». Cela m'étonnerait que cet homme soit un fervent militant pour le respect des limites de vitesse et à mon avis il ne s'inquiète pas non plus de faire de l'aquaplaning. Pourquoi donc ne roule t'il pas à pleine balle pour fuir la police ?

- Balancez votre oreillette par la fenêtre, dit-il sans détacher ses yeux des rétroviseurs.

Je vais pour nier mais réalise que je ne suis pas en position de négocier quoi que ce soit. Si j'étais seule dans cette voiture je crois que je me jetterais sur le volant pour faire une embardée avec le van et finir dans la flotte, cela me laisserait une porte de sortie. Mais il y a Adam, là, à mes pieds, endormi. Je ne peux prendre le risque de causer un accident. Je m'exécute donc et retire le petit bout de caoutchouc coincé dans mon oreille alors que j'entends la voix du commissaire s'égosiller « Nonnnn ne faites pas c... ».

J'ai refermé la vitre. Je suis désormais seule à prendre les décisions et faire ce qui s'imposera pour sauver mon enfant. Même si je dois me sacrifier.

- Vous pouvez le prendre, marmonne alors le ravisseur, l'arme dans sa main gauche toujours pointée sur moi.

À cet instant rien ne m'importe plus que de serrer et protéger mon enfant, ce que je fais à la seconde même où il m'en donne l'autorisation. J'en oublierai presque la réalité de la situation. Je me penche de manière maladroite et précipitée vers mon fils et l'attrape avec la couverture qui le recouvre puis viens le coller contre ma poitrine. Il dort toujours et ne se réveille pas à mon contact mais le voir, le sentir, le toucher... c'est le moment le plus fort de toute ma vie. Je me mets à pleurer de façon un peu hystérique, à la fois soulagée qu'il soit en vie mais apeurée par l'issue que va prendre ce dénouement. Mon corps, tremblant, semble relâcher des jours de tensions et d'angoisse et je n'arrive plus à retenir mes larmes tandis que je suis prise de spasmes incontrôlables.

- On descend, ajoute soudain le type.

Je ne saurai dire combien de trajet nous avons effectué tellement j'étais absorbée par les retrouvailles avec mon enfant. A la hâte, j'ouvre la portière et sort sous la pluie pour réaliser que nous sommes toujours sur les quais. Je regarde au loin et distingue la voiture de police que je conduisais à environ 800 mètres de distance. Je serre fort Adam contre moi pour le protéger et fait tout pour tenir debout sur mes jambes. Je n'ai aucune possibilité de fuir pour me cacher, le van s'est stoppé à découvert et il me faudrait courir au moins 100 mètres pour trouver une cachette peu efficace derrière un container. Je décide donc de ne pas prendre de risque et respecter les consignes d'Anders : lui donner l'argent et le laisser partir.

Il apparaît de mon côté du van et me pointe la direction à prendre avec le canon de l'arme. Il désigne un embarcadère où un bateau est amarré. J'entends au loin les sirènes de police, lui aussi, et c'est donc dans la précipitation qu'il me fait avancer vers le ponton. Muni du sac de billets, il grimpe à bord de ce petit bateau de pêche delabré (ou de dragage du fleuve, je ne sais pas trop. En tout cas ce n'est pas un bateau rapide et certainement pas le genre de bicoque qu'on sélectionnerait pour s'enfuir à toute vitesse). Je pense qu'il va me dire de monter à bord, moi qui pris de toutes mes forces pour qu'Adam ne soit pas mis en danger, mais il n'en fait rien. Puis tout se passe très vite. Les voitures déboulent dans un vacarme de sirène assourdissant et font crisser les pneus sur le bitume humide, le kidnappeur allume le moteur, détache les bouts et se positionne au poste de commandes derrière une vitre poussiéreuse, puis démarre en trombe pour quitter le quai. Au moment de partir il m'adresse un geste qui semble presque signifier «sans rancune? ». Les policiers ont à peine le temps de poser le pied à terre que l'homme est déjà au milieu de la Tamise et s'éloigne de notre champ de vision dans le brouillard pluvieux de cette fin de matinée.

Et je suis là, plantée la. Grelotante, transpirante. Mais vivante.

Le commissaire et Jamie accourent vers nous et avant même qu'ils n'aient le temps de dire un mot, je me penche en avant par dessus Adam toujours collé à moi et vomis toutes mes tripes sur mes chaussures.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant