Chapitre 3

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Kate !

Son nom tourne en boucle dans ma tête tandis que nous arrivons à la maison dans un taxi payé triple pour qu'il roule aussi vite que possible, car « nos vies en dépendent » comme l'a souligné Jamie en s'engouffrant sur la banquette de cette Volvo blanche. Inutile de dire que nous avons passé les dernières minutes de trajet à extrapoler sur tous les scénarios envisageables.

Nous arrivons dans notre quartier, où règne une ambiance pesante et morose très contrastante avec le paradis que nous avons quitté aux Maldives. Sous le crachin londonien, nous sortons du véhicule et sommes rapidement escortés par des policiers pour pénétrer chez nous. Mais ce n'est plus chez nous.

On se croirait dans un épisode des experts, avec une équipe de flics en combinaisons blanches, vraisemblablement la police scientifique, affairés au milieu de notre salon à observer/identifier des objets ou des indices tandis que d'autres en uniformes vont et viennent dans la baraque. Pour ne pas attirer l'attention des journalistes, la maison n'a pas été mise sous scellée et les voitures dans la rue sont banalisées. Pour le moment, il n'est pas prévu de communiquer sur l'enlèvement ou de faire de conférence de presse - la police veut rester prudente.

Un homme très grand a l'air bourru, vêtu d'un impair beige froissé, nous accueille dans la précipitation. Il sent le tabac froid, a une barbe de quelques jours mal taillée et m'inspire à la fois agitation et flegme.

- Monsieur et Madame Dornan, dit'il en nous bousculant vers le salon, je suis le commissaire Anders.

Nous n'avons pas le temps d'en placer une qu'il enchaîne, sans s'encombrer d'une poignée de main à notre égard.

- Nous avons cherché des informations sur la femme que vous avez mentionné, Mme Kate Waldor, votre voisine décoratrice d'intérieur. Il semble que ce soit un faux nom car elle n'est pas référencée comme citoyenne anglaise.

- Hein ? Un faux nom ? S'égosille Jamie.

- Vous savez quoi d'autre sur elle ? Reprend le commissaire.

- Elle habite à côté, la résidence mitoyenne ! Je m'excite, pensant soudainement que mon fils se trouve la porte d'à côté.

- Allons-y, ajoute vivement le commissaire en sortant son arme de son fourreau, comme si nous étions sur le point d'affronter un gang.

A la hâte, nous sortons de la maison accompagnés de plusieurs policiers, en direction de l'immeuble voisin. Puis je réalise, en cherchant le nom de Kate sur l'interphone, que je ne sais même pas quel appartement elle habite. À quel étage. Durant tous ces mois de courses matinales et de discussions féminines sur le trottoir, elle ne m'a jamais invité chez elle ni ne m'a parlé de son appartement. Chaque matin, elle était toujours déjà dehors en tenue de sport, prête, à m'attendre.

Je cherche toujours sur l'interphone, sans succès, tandis que Jamie se montre furax et agité au milieu de cette équipe de flics.

- C'est peut-être sous son vrai nom ! Je ne trouve pas de Kate Waldor... dis-je en panique.

- Avez-vous essayé de l'appeler ? Demande Jamie au commissaire.

- Oui. La ligne téléphonique que vous nous avez communiqué n'est plus attribuée.

Putain. Elle s'est volatilisée. Cette femme, que je redoutais par jalousie, nous a menti depuis le début sur toute la ligne : son identité, son lieu d'habitation, sans doute son métier, et surtout ses intentions ! Et si elle avait planifié cela depuis le début ? Et si sa cible n'était pas Jamie comme je le craignais mais bien mon bébé et qu'elle avait tout fait pour se rapprocher de moi afin de récolter des informations précieuses pour pouvoir l'enlever ?

- Mais c'est qui cette femme bon dieu ! Et qu'est-ce qu'elle nous veut ! S'écrit Jamie qui pête un câble au beau milieu de la rue.

- À priori, une femme qui vous a manipulé pour arriver à ses fins. Mais rien ne nous dit qu'elle détient votre enfant à l'heure actuelle.

- Et pourquoi aurait-elle mis une caméra dans notre chambre alors ? Pour faire du voyeurisme ? S'agace Jamie.

Je m'approche de lui pour lui caresser le dos afin d'apaiser un peu la tension. Nous décidons, bredouilles, de retourner à l'intérieur de la maison afin d'explorer d'autres pistes, et chercher à retrouver Kate par tous les moyens.

Nous sommes rejoins par les parents de Jamie, qui étaient encore au poste ces dernières heures et ne sont désormais plus suspectés de l'enlèvement. Mme Botten est rentrée chez elle ; il n'était pas approprié qu'elle vienne ici même si elle s'est proposée pour nous aider. Elle n'aurait fait que perturber le bon déroulement de l'enquête.

Jamie et moi attendons désormais que de nouveaux éléments se présentent, assis sur le canapé au milieu du salon, le regard dans le vide et le ventre noué, face au temps qui passe et nous éloigne de l'espoir de retrouver notre fils vivant. En ces instants lasses, les pires images et horreurs me hante : imaginer mon enfant sans vie, affamé, pleurant, malade... l'imaginer déjà hors du pays, peut-être pour du trafic d'organe ou d'enfant, que sais-je. Je suis dévastée.

Puis le téléphone de Jamie a sonné.
Et cette sonnerie était celle que nous attendions tout en la redoutant.

Numéro inconnu.

Le commissaire fit un signe rapide de la main à Jamie en fronçant les sourcils, afin qu'il comprenne qu'il fallait qu'il mette son téléphone en haut parleur. C'était comme si nous savions déjà le but de l'appel, dont les sonneries martelaient nos angoisses profondes.

- Allo ? Bégaya Jamie.

- 2 Millions de livres demain à 12h. Ou je tue le petit.

Un silence.

- Le lieu sera précisé demain à 11h30.

Puis il raccrocha.

- Allo ? Allô !!!!! Hurle Jamie totalement désarmé face à ses instructions froides et déshumanisées.

Mes mains, froides et raides, se crispent sur le rebord du sofa. J'ai envie de crier, mais la seule émotion qui réussisse a sortir sont les larmes de désarroi.

Quelques instants plus tard, alors que tous les policiers réagissent à cet appel, l'un d'entre eux pénètre dans le salon depuis je ne sais quelle pièce pour s'égosiller :

- M. Anders, on vient d'apprendre que Mme Harrington a fait deux fausses couches ces derniers mois.

- Maria ? Je dis en déglutissant et en me relevant du canapé.

Le commissaire se tourne vers moi, l'air furieux :

- À quel moment aviez-vous prévu de nous dire que votre meilleure amie avait fait deux fausses couches et devenait donc une suspecte dans cet enlèvement ?

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Where stories live. Discover now