Chapitre 12

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- Putain mais il faut faire quoi dans ce pays pour obtenir une équipe policière fluviale ! Bordel de nom de dieu !! Gueule Anders dans son téléphone.

- Commissaire, une équipe d'intervention est disponible à Tower'Bridge, ils seront là d'ici 10minutes, répond un agent.

- 10 minutes ! 10 minutes ! Non mais on se fout de ma gueule ! Ce type sera déjà dans un vol pour Tombouctou sombre guignol !

Le commissaire fait les cent pas sur le quai, furax de voir l'homme recherché depuis 3 jours s'être fait la malle aussi facilement avec l'argent de la rançon. Le plan qu'il avait échafaudé pour l'interpeller après l'échange venait de tomber à l'eau, lui qui n'avait pas eu le temps d'envisager une fuite par bateau et de mettre une équipe en place pour une poursuite fluviale. En quelques minutes le ravisseur pouvait accoster de l'autre côté de la rive et s'enfuir sans être inquiété puisque nous ne pouvions savoir à quel niveau il allait s'amarrer. Il avait tout prévu, il était donc facile de deviner qu'un autre véhicule l'attendrait en amont de la Tamise et qu'aucune patrouille de police ne serait dans les temps sur place pour prendre en chasse un mec lambda dans une voiture banalisée. Et donc le commissaire était furieux.

Le spectacle qu'offrait la quinzaine de flics sur ce quai valait le détour. Portières de voitures ouvertes et gyrophares encore clignotants, les agents se trouvaient tous sous la pluie attroupés autour de nous à se faire hurler dessus par leur chef mécontent. Anders était rouge vif, le rouge des visages d'alcooliques, et il s'égosillait en insultes en postillonnant à tout va sur ses collègues, impuissant devant l'issue de cette cavalcade. Pour autant ils s'affairaient tous à trouver des solutions : l'un d'entre eux avait pris les devants en appelant une ambulance pour prodiguer les premiers soins ; un autre avait contacté les patrouilles de police sur la rive sud du fleuve pour donner un signalement tandis que d'autres enquêtaient déjà sur les éléments à disposition sur la scène. Le van pouvait apporter des réponses sur son propriétaire et il fallait bien commencer quelque part car à priori il n'y aurait pas d'interpellation immédiate du suspect.

Qui était-il ? Et qui l'avait aidé à mettre en place ce plan bien ficelé ? Car il y avait certainement des complices, à commencer par un ou des salariés de cette zone logistique qui lui avait laissé l'accès. Le bateau ensuite, il avait dû bénéficier d'un arrangement ou d'une autorisation pour l'arrimer à cet endroit destiné à des navires de bien plus grande envergure : les bateaux de plaisance ou de pêche n'ont normalement pas le droit de se stationner sur des quais d'affrètement de portes-containers. La camionnette sans plaque abandonnée pouvait aussi nous donner des indices : il s'agit d'un véhicule habituellement utilisé en tant qu'utilitaire, soit par des entreprises soit par des artisans. Même s'il était peu probable que le voleur ai utilisé son propre véhicule, il y avait sans doute eu accès par un biais identifiable. Bref. Il fallait remonter la piste. Assembler les éléments, les personnes, les témoins, et réussir à découvrir son identité.

Mais il fallait faire tout cela très vite. Car il pourrait très bien décider de quitter le pays et à ce moment là il serait trop tard pour agir. Interpol n'intervient pas pour des cas de ce genre : trop cher et trop de moyens à déployer pour un seul individu isolé. Cela voudrait donc dire que nous ne reverrions pas notre argent mais surtout que l'homme qui nous a fait vivre les pires heures de notre existence resterait libre et impuni. Et c'est bien ça le plus intolérable.

Mais pour l'heure cette enquête et ces problématiques demeurent le fardeau d'Anders, parce que Jamie et moi n'avons que faire de poursuivre un sac de billets. Emmitouflés tous deux sous une couverture de survie en aluminium, nous serrons notre fils dans nos bras et savourons la chance de nos retrouvailles. Nos pleurs se mêlent à nos embrassades tandis que nous contemplons notre petit bonhomme sain et sauf, qui s'éveille enfin pour notre plus grand bonheur.

Jamie me sert comme si je risquais de me briser en deux, mais il n'a pas tord. Après avoir vomi d'émotion quelques minutes plus tôt j'ai failli vaciller et tomber avec Adam dans les bras. Arrivé juste à temps pour me rattraper, nous avons immédiatement été encerclés par les policiers pour nous couvrir et établir un périmètre de sécurité autour de nous. Il n'y avait plus que nous 3 et rien d'autre n'avait d'importance. Nous n'avions pas les mots, nous savourions l'intensité de cette réunion tant attendue et relâchions enfin le stress et l'angoisse qui pesaient sur nos épaules. Adam était là, en vie. Nous ne pouvions pas être plus heureux.

Adam ouvre les yeux difficilement et semble gêné par la luminosité malgré le temps grisâtre. Il gesticule un peu dans mes bras puis s'étire avant de lever le regard vers nous qui le dévisageons sans perdre une miette. Lorsqu'il nous voit, il marque un temps d'arrêt puis semble réaliser que nous sommes là avant de se mettre à pleurer. Nous pleurons aussi, émus par le bonheur et l'apaisement de retrouver notre petit bébé.

Une personne du Samu surgit alors pour nous demander d'aller dans l'ambulance : je ne l'ai même pas vue ou entendue arrivée tellement j'étais absorbée par tout ça. Nous nous installons à l'intérieur afin d'être auscultés et j'ai du mal à relâcher Adam. Il crie et cela m'arrache le cœur. Il est encore petit mais il a compris que nous avions été séparés, il craint sans doute qu'on l'éloigne à nouveau de nous. Sans lui lâcher la main, je laisse le médecin le poser sur un brancard pour vérifier son état de santé. Nous allons de toute façon devoir aller à l'hôpital pour des examens plus approfondis. Jamie , assis à mes côtés, n'a toujours pas ouvert la bouche. Je le sens au bord de craquer.

- ça va aller maintenant, je dis à voix basse pour le rassurer.

Sa lèvre inférieur se met à trembler, il va de nouveau pleurer.

- J'ai eu tellement peur... bégaye t'il les larmes aux coins des yeux.

Je lâche un instant la main d'Adam et serre mon chéri dans mes bras pour lui donner l'occasion de relâcher tout ce qu'il a sur le cœur. Je comprends qu'il a dû lui aussi vivre l'enfer de me voir partir sur ce quai chercher Adam et de ne pas savoir ce qui allait arriver. Il a pensé perdre son fils et sa compagne. Lorsque je le regarde, je vois dans ses yeux des remords et de la gratitude. Il me dit :

- Merci. Merci d'être en vie.

Et nous sourions en pleurant.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Where stories live. Discover now