1. Grace

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« Qui tue par l'épée périra par l'épée. »

Jésus de Nazareth

Juillet 1999, Las Vegas, Arizona.

— Merde.

Je n'ai jamais fumé de ma vie.

Ni joint, ni cigarette. On peut penser que je suis trop raffinée pour ça, que mes parents seraient déçus ou que je crains un possible cancer des poumons.

Je suis terrifiée d'aimer ça.

Ma peur de la mort ne sera jamais égale à celle qui me ronge. À chaque fois qu'une goutte d'une volute de fumée s'approche un peu trop de moi, je ne peux m'empêcher de me demander si je saurai m'arrêter après la première inspiration. La possibilité de perdre le contrôle dépasse mes envies d'essayer.

Terrifiée.

Terrifiée à l'idée d'en dépendre. Dépendre de quelque chose, de quelqu'un, de ne plus être ma propre maîtresse après avoir cédé le pouvoir. L'addiction n'est que le symptôme d'une faiblesse déjà présente.

Et je ne révèle pas mes faiblesses.

— Prends l'argent, prononcé-je calmement.

Il prend un temps avant de parler.

— Gee, je ne... il arrête de parler.

Mon bras n'est pas encore retombé sur mon flanc. Une profonde décharge fourmille dans mon corps depuis que le canon s'est déclenché sous la seule force de mon index. La brûlante odeur de poudre qui semble sortir d'entre mes mains, atteint mes narines et m'enivre. Je fixe dans le vide la fumée qui s'élève aux cieux. Là où n'ira jamais l'âme de l'homme étendu sur le sol.

Il s'est écroulé comme un vieux tas de linge sale. Deux coups.

Bang. Bang.

— Prends l'argent, répété-je.

Son regard sur moi me donne la nausée. Je n'ai rien fait de mal. Pourquoi est-ce qu'il agit ainsi ?

— Gee, on ne devrait pas rester.

Ses paroles résonnent dans mon crâne pour m'assourdir. Je ne bouge pas et mes bras sont toujours tendus en direction de ma victime. Il veut m'enlever l'arme mais je la tiens bien, comme le seul membre qu'il me reste.

Bang. Bang.

Je n'arrive pas à croire que ce soit si facile. Qu'il n'ait nécessité qu'une pression pour que cet homme ne soit plus un problème. Je me réveille de ma transe et range l'arme dans ma jarretière. Pas même lui ne verra ma faiblesse.

Il n'y a pas de faiblesse. Il est hors de question que j'aille en prison pour ça.

— Plus vite on prendra l'argent, plus vite on sortira.

Il s'affaire, derrière moi, à prendre les treize millions de dollars en diamants et billets pendant que je cherche le meilleur moyen de nous sortir de là. Personne ne saura qu'on est passés par là, mais je veux que notre passage soit marquant.

— Laisse les papiers.

Il relâche le dossier d'une vingtaine de pages.

— Les flics feront le boulot eux-mêmes, ajouté-je.

Il fronce les sourcils.

— En quoi la preuve de ses comptes offshore et de ses liens avec le réseau peut être plus utile aux flics qu'à nous ? Il est mort.

Je vais vers lui pour poser mon index vernis de carmin sur ses lèvres. Une fois que ça l'a assez déstabilisé, je me penche vers le corps et pose ce même doigt sur la jugulaire de ma victime.

Because of us ( TERMINÉE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant