6. Gerald

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« But who prays for Satan? Who in eighteen centuries, has had the common humanity to pray for the one sinner that needed it most ? » Mark Twain

(Mais qui prie pour Satan ? Qui, en dix-huit siècles, a eu l'humanité de prier pour le pécheur qui en avait le plus besoin ?)

Octobre 2000, Boston.

Le videur ne bronche pas alors que je passe devant la file qui attend d'entrer dans le club.
C'est l'avantage d'être un habitué. La fille qui danse à moitié nue dans le couloir me salue par mon nom tandis que je pénètre dans le salon de la luxure. Contrairement aux boîtes de nuit, les bar à strip-tease ont trouvé la recette parfaite entre la musique et la lumière : rien de trop fort pour que nos sens les plus importants soient décuplés. Une serveuse me met un verre de whisky dans la main, je la remercie et continue ma progression jusqu'au salon où les filles se trémoussent autour d'hommes obnubilés par l'absence de leurs vêtements.

Quand je suis arrivé à l'hôtel tout à l'heure, j'ai tout de suite eu un mauvais pressentiment. L'absence de Gee dans la chambre me l'a confirmé. Si bien que, comme un malfrat, j'ai déposé Nancy à la fraternité — en sécurité avec Hugh et Luke, et me suis éclipsé pour aller, un vendredi soir, en plein Boston, dans un bar à strip-tease.

Les corps de femmes qui dansent partout sur la scène ne m'excitent pas le moins du monde quand je sais ce qui m'attend dans le carré VIP. Je n'ai pas besoin de franchir la corde, qui pourtant pourrait bien céder sous le poids de mon statut, pour observer. Observer... je ne fais que ça quand elle est dans les parages.

Mirage. Elle a les mêmes cheveux que Margaret Swift, la meurtrière de mon futur beau-père. En venant ici, j'ai failli faire demi-tour.
Je ne pensais pas qu'elle reviendrait après tout ça. Elle m'a dit qu'elle avait jeté la perruque mais si j'en crois les cheveux qui se balancent dans son dos, Margaret est au moins aussi bonne menteuse que Gee.

Sa main se balade dangereusement sur sa peau encoure bronzée par notre été en Californie. Elle joue avec la bretelle de son soutien-gorge, laissant à l'homme en face d'elle le loisir d'espérer. – en vain. Les vrais habitués savent que Mirage n'enlève pas sa lingerie. Elle est loin d'être pudique et je suis sûr que ça ne la dérangerait pas plus que ça – un corps est un corps, comme elle dit – mais son éthique de voleuse le lui interdit. Elle est si enchanteresse, que son vol perdrait de sa valeur si sa victime est vidée de conscience. C'est pourtant le cas, même habillée, elle mène à la perte de trop d'hommes, alors n'imaginons pas les dégâts qu'elle ferait si elle utilisait toutes ses capacités.

De toute façon elle n'aime pas ça. Ce qu'elle aime par dessus tout, c'est de faire croire aux hommes qu'ils ont le pouvoir. Elle adore mener la danse pendant qu'ils se croient maîtres, pour voir dans leur regard la lueur de la réalisation lorsqu'ils se balancent dans ses bras et qu'elle n'a qu'à les lâcher pour les faire tomber. Dans ce bar à strip-clubs, ça lui est d'autant plus appréciable qu'elle repère celui les pécheurs et leur pique juste assez d'argent pour le punir.
L'homme qui est assis devant à elle n'a pas conscience de la chance qu'il a. N'étant qu'un parmi d'autres, il ne connaîtra jamais l'agréable douleur qu'est d'être la cible de Graziella DeBardi et pas seulement le fruit du hasard.

Je joue machinalement avec la montre que j'ai volée à un prof ce midi. Avec les faibles lumières, mon cerveau se concentre surtout sur les fesses de ma danseuse préférée. L'homme qu'elle va dépouiller n'a d'yeux que pour elles, lui aussi. Puis pour la cuisse de Gee – Mirage – qui se pose sur la banquette à côté de lui. Elle le laisse jouer avec la jarretière et en profite pour décaler son talon juste entre les jambes du client. La douleur de se faire broyer les couilles par un stiletto ne doit pas être si forte parce que sur son visage un désir inattendu apparaît. Fasciné par le spectacle, il ne se doute de rien alors qu'elle se penche vers lui pour lui offrir la vue du siècle sur ses seins. Elle susurre des mots à son oreille qui le font rougir.
Ma lèvre me fait mal tant je la mordille en la voyant être aussi maîtresse de leurs corps. Gee est une artiste. Elle maîtrise son art à la perfection et arrive encore à le rendre un peu plus parfait chaque jour. Il bave presque devant les seins doux et moelleux qui lui troublent la vision.

Because of us ( TERMINÉE )Where stories live. Discover now