Because of us ( TERMINÉE )

14. Grace (part 2)

« The blood on my hands scares me to death. Maybe I'm waking up today. »

James Young – I'll be good

(Le sang sur mes mains me fait mourir de peur. Peut-être qu'aujourd'hui je me réveille.)

Novembre 2000, Boston.

L'avantage de vivre dans une fraternité, c'est qu'il y a toujours plein de chambres. Comme je dors dans la même que Nancy cette nuit, je peux être sûre qu'elle ne couchera pas avec Gerald. Je n'ai pas de raison de penser qu'ils pourraient le faire, mais mon esprit est irrationnel en ce moment. Hannah est venue dans la chambre pour se préparer avant la soirée. Je l'ai donc laissée avec Nancy pour aller me doucher.

Sauf que quand je reviens de la salle d'eau, c'est Gerald qui sort de notre chambre. Il me lance un regard entendu que je ne comprends que lorsque je retrouve mon amie en pleurs, recroquevillée sur son lit. Au début, je ne fais pas grand-chose à part déposer mes affaires sur mon lit. Pour moi, regarder les gens pleurer est quelque chose de très intime, presque intrusif si on n'y a pas été invité, alors je me vois mal la prendre dans mes bras, sans qu'elle ne m'ait donné l'accès à son malheur.

— Gerald veut rompre les fiançailles, couine-t-elle.

J'interromps ma respiration. En prononçant ses mots, elle m'a non seulement autorisée à la réconforter, mais en plus elle a confirmé ma crainte. Je n'attends pas pour m'effondrer à ses côtés, incapable de la toucher.

— Comment ça ?

J'écrase mes mains sous mes cuisses pour calmer les tremblements. Ce que je fais n'est pas bien, je ne peux me soustraire à la réconforter avec les mêmes mains qui ont tué son père et touché l'homme qui lui a fait du mal. Ses reniflements me servent d'excuse pour aller lui chercher des mouchoirs.

— Il a dit qu'il pensait que c'était une mauvaise idée. Je pense que Hugh avait raison, il doit en voir une autre.

Le bruit qu'elle fait quand elle se mouche est à deux doigts de me faire sursauter. J'écoute ses explications et ses doutes, d'une oreille. C'est de ma faute. J'ai été égoïste en Italie. La bague m'a aveuglée, m'a empêcher de penser que je ferais du mal à une personne qui m'est chère.

— Je ne comprends pas, vous m'avez dit que c'était un mariage de convenance...

Elle hoche la tête. Ce seul mouvement suffit à m'anéantir. C'est le pire de tous mes scénarios.

— Grace...

Elle relève les yeux vers moi. Je la regarde droit dans les yeux pour ne pas laisser voir combien elle me chamboule. Même sa voix plaintive me rappelle son âge. Trois ans de différence ce n'est pas grand-chose mais ça suffit à impressionner les jeunes filles qui sortent de l'adolescence. Je me mets à sa place, elle s'éloigne de sa famille et de ses amies pour rejoindre un homme beau, charismatique et plus âgé qu'elle doit épouser, c'était inévitable...

— Je crois que je suis tombée amoureuse, me confie-t-elle.

J'acquiesce, prends son visage dans mes mains pour calmer l'aigreur que j'ai envers moi-même.

J'ai cru que mon monde s'est effondré le jour où mes parents m'ont offert leur aval pour mes fausses fiançailles avec Gerald, je n'avais pas encore expérimenté ces mots dans la bouche de sa fiancée officielle : mon amie. Mon sang qui fait des allers-retours dans mes veines, à l'image de ma main sur ses cheveux, bat trop fort dans mes oreilles.

— Ne t'inquiètes pas, tout va s'arranger.

***

Je n'ai jamais été tentée de rompre les restrictions que je me suis imposée, pas même l'alcool. Je me connais : une étincelle et le monde s'enflamme. Ce soir, je n'ai jamais eu autant envie de toucher à ce verre qu'un des amis de Luke m'a ramené dans l'espoir de me mettre dans son lit. Avec un peu de chance, il y a mis du GHB et je n'aurais même pas besoin d'en prendre un deuxième pour oublier.