31. Grace

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« If we choose to, we can live in a world of comforting illusions. We can allow ourselves to be deceived by false realities. Or we can use them to hide our true intentions. »

Emily Thorne, Revenge (Episode 6, saison 2)

(Nous pouvons très bien vivre dans un monde d'illusions réconfortantes si nous choisissons de le faire. Et dans ce cas, nous pouvons nous permettre d'être déçus par de fausses réalités. Ou de les utiliser pour cacher nos véritables intentions.)



Mars 2001, New-Yotk.

— Très bien, les filles. La semaine prochaine on travaillera les portés, prenez vos genouillères.

— Oui, Mademoiselle Grace, répondent-elles en cœur.

— Pour fêter mon retour j'ai une petite surprise pour vous.

Elles s'étonnent entre elles, impatientes de la découvrire.

— Mais il faut que ça reste entre nous, leur susurré-je sur le ton de la confidence.

Elles hochent la tête. Alors je sors la petite boîte au trésor. Des exclamations et gloussements remplissent la salle avec convoitise.

— Venez prendre un bonbon.

Si une de mes professeurs me voyait faire ça, je serais radiée de l'ordre imaginaire des danseurs. Le milieu est si exigeant que même un corps rachitique comme le mien n'est pas assez maigre.

Au lycée, une enseignante m'a offert un quart de pomme en guise de cadeau d'anniversaire. Elle m'a dit que c'était tout ce que je devais manger chaque midi pour avoir un corps parfait. La Graziella de quinze ans, des étoiles dans les yeux, l'a crue. La Grace actuelle est consciente qu'elle est maigre, mais elle est perfectionniste. Du muscle, juste du muscle et des os, pas d'air, pas de graisse.

C'est trop tard pour moi, pas pour mes jeunes élèves. Je leur offre ce que je ne m'offrirais pas à moi-même pour qu'elles comprennent qu'il ne faut pas se priver de ce qui nous fait plaisir pour réussir.

Les parents arrivent alors que leurs filles se changent. Je vérifie que chaque enfant s'en aille avec le bon parent et les remercie. Ils me sourient, me remercient en échange. Ça fait deux semaines que je n'ai pas donné de cours. Ma cheville foulée s'est transformée en entorse.

Sans ma fierté, je regretterais d'avoir danser dans cet état. Mais ces deux dernières semaines d'immobilisation valaient le coup face à la défaite de Gerald. Rien ne mettra ma carrière à la poubelle, je danserais avec la jambe brisée pour le prouver.

Contrairement à ce que Gerald avait annoncé, personne n'a essayé de me tuer. C'est pourtant ce qui l'a soit-disant motivé à me pousser dans les escaliers.

Penser à lui me donne des ulcères. Ma chute aurait pu être plus grave, il aurait pu me tuer, ou pire, me briser un os.

La porte s'ouvre puis se referme alors que toutes les filles sont parties. L'une d'elle a peut-être oublié quelque chose.

Je fais un pas en arrière. Des yeux gris froid me font face.

— Comme on se retrouve.

Je l'ai prise de cours. Le coup d'avance qu'elle pensait avoir sur moi disparaît sous ses yeux. Mais elle se ressaisit.

— Puisqu'on en n'est plus aux présentations, vous devez savoir pourquoi je suis là.

Ses talons, ridiculement petits, claquent contre le parquet du hall. Elle est plus grande que moi, une demie-tête me domine. Je baisse les yeux pour observer l'enveloppe qu'elle me tend.

Because of us ( TERMINÉE )Where stories live. Discover now