35. Grace

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« The trust of the innocent is the liar's most useful tool. »

Stephen King, Needful Things (Bazaar)

(La confiance de l'innocent est le meilleur atout du menteur.)

35. Grace

Avril 2001, Boston.

— J'avais dix-sept ans. J'étais chez un ami et ses parents n'étaient pas là. J'avais dix-sept ans, j'étais pourrie gâtée et j'étais seule, j'avais un terrible besoin d'adrénaline. Alors je suis allée dans le bureau de son père. Je détestais cet homme et je savais qu'il y avait des choses à trouver. Sans savoir ce que je cherchais, j'ai fouillé tous les meubles. Et puis... j'ai trouvé ce dont j'avais besoin. Une distraction face à ma vie bien trop rangée. Ce soir là, je n'ai pas touché au sachet.

« J'ai passé la semaine à me tourner dans mon lit trop grand dans ma trop grande maison. Une partie de moi savait que je ne devrais pas y penser mais une autre moitié avait envie de découvrir de nouvelles sensations.

« Finalement, j'y suis retournée. J'ai pris ma première ligne dans ce bureau. Ça a continué pendant des semaines, j'y retournais chaque semaine. Le père de mon ami n'était pas souvent là, donc j'avais souvent le champ libre.

« Et puis il m'a surprise, mon ami, en train de sniffer dans le bureau de son père. Plutôt que d'arrêter, je l'ai entraîné avec moi. On est devenus dépendants à des drogues de plus en plus dures sans que personne ne s'en rende compte.

« Il était moins impliqué que moi, moi j'avais besoin de boire et de consommer toutes les drogues que son père gardait dans son bureau. Lui, il prenait une ligne de temps en temps, pour m'accompagner. Je ne me rendais pas compte que la seule personne capable de me sauver sombrait à cause de moi.

« Je crois que c'est à ce moment que j'ai eu besoin de décevoir mes parents. Ils m'avaient abandonnée et j'avais peur qu'ils ne m'aiment plus. Pour moi leur déception à mon égard est devenue une sorte de drogue. Une de plus. J'avais l'impression que ça me soignai, pas que j'en avais besoin.

« Tout s'est arrêté d'un coup. J'ai frappé un homme lors d'une soirée. J'ai voulu arrêter. Mais j'étais en équilibre sur l'une des six cent soixante-six marches qui nous séparent de Lucifer. Une bousculade, un trébuchement et je suis devenue ma pire ennemie : incapable d'arrêter ce qui me tue.

« Plus le temps passait plus mes motivations étaient fortes. Je voulais une revanche, je voulais les voir souffrir de m'avoir rendue si dépendante. J'étais pas seulement addict à la cocaïne, j'étais aussi dépendante aux mensonges.

« Je me mentais à moi même. Au moindre indice de manque je contactais mon dealer, toujours convaincue que c'était un plaisir et pas un besoin. Plus je touchais le fond, plus je creusais, plus j'étais persuadée que je trouverais une lumière au fond de l'abysse. J'y croyais parce que je ne voulais pas voir que j'avais besoin d'aide et que j'étais seule. La drogue m'a donné le mensonge, le mensonge m'a donné l'orgueil et l'orgueil a repoussé ceux qui m'aimait.

J'observe mes mains trembler sur mes genoux. Tout le monde m'écoute alors que ma logorrhée n'a pas de sens. Ils pensent comprendre, ils pensent avoir vécu ces choses mais ils ont tort. Ce n'est pas un cachet d'ecstasy, ni un rail de cocaïne qui fait trembler mes mains depuis des mois. C'est le mensonge, le meurtre, le vol. C'est ce que j'ai fait pour atteindre ma vengeance. C'est l'adrénaline qui me donne la puissance de dire « non » aux hommes qui veulent me soumettre.

— J'étais trop fière pour crier à l'aide quand je coulais et maintenant que je hurle, je suis trop submergée pour qu'ils m'entendent.

— Nous t'entendons.

Because of us ( TERMINÉE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant