Because of us ( TERMINÉE )

40. Grace

« I see dance being used as communication between body and soul, to express what is too deep to find for words. »

(Je vois la danse comme un moyen de communication entre le corps et l'âme, qui exprime ce qui est trop profond pour être dit avec des mots.) – Ruth St. Denis.

avertissement scène -18

Juillet 2001, New-York.

— Ma puce, vendredi prochain je vais au Gala de charité de Mark Lense. Que dirais-tu d'être ma cavalière ?

Mes doigts étreignent le téléphone dans ma main, je contiens un cri de joie. Ça fait deux semaines que je parle avec Thomas Little tous les jours dans l'espoir qu'il m'invite à cette soirée. Je lui partage mon désir de l'accompagner avec ma voix d'enfant pourrie gâtée puiis raccroche avant de rentrer dans la salle de spectacle.

La troupe vient de partir, le régisseur et les ingénieurs remballent. Demain aura lieu ma première représentation en tant que chorégraphe. C'est la première fois qu'on me verra danser autre choseuq eu du classique, ça me rend anxieuse.

— Pour éteindre la douche de lumière, tu appuies sur ce bouton, m'explique l'ingénieur avant de partir.

Une fois seule, je cours entre les fauteuils pour rejoindre la scène mythique du Carnegie Hall. Le poste de musique fait résonner la musique qui guide mes pas dans une chorégraphie que je connais par cœur. Le ridicule lecteur de CD n'a rien à voir avec les immenses enceintes qui entourent la scène, mais je préfère sa musique grésillante et son son moins assourdissant, il me pousse à me concentrer sur la musique avant de vibrer sur les basses. C'est dans ces moments là, que je comprends pourquoi j'ai entrepris ce projet.

Mes mains se lèvent et pendant un instant j'ai l'impression qu'elles vont atteindre le ciel pour que je puisse me hisser jusqu'aux étoiles. La danse ce n'est pas les beaux costumes que j'achète depuis vingt ans, non, je me mets à nu pour la danse, seulement vêtue d'une chemise, on pourrait croire que je sors du lit de mon amant. Une bouffée d'oxygène se file un chemin dans mes poumons, jamais, en faisant du ballet, je n'aurais pu respirer si fort que le seul mouvement de ma poitrine soit un pas à part entière. Je danse pour donner un sens à ma vie, et ma vie, ce n'est pas les pirouettes parfaites. Le tumulte de ma vie depuis ces trois dernières années se révèle dans chacun de mes pas, donnant à quiconque me lance un regard, le vertige de son obsession pour moi.

Je n'obsède pas pour ce que je suis mais parce qu'ils se retrouvent en moi. C'est comme ça que je veux que ma danse soit prise. Je rends coup pour coup. Cette danse est ma revanche sur la vie qui a décidé de m'abattre. Je donne le pouvoir à ceux qui le veulent pour leur reprendre une fois qu'ils ont goûté à ces délices. Ce solo en est un parce que personne ne fait face à soit même avec ses amis et sa famille. On fait tous face à notre âme comme de vaillants guerriers, seuls. Mon expérience est l'expérience de tous, ma vie est la vie de tous. Elle n'a rien de spécial, elle est juste unique. Unique comme les autres. Unique comme la somme de mes pas et de mes mouvements. Une valse devenue tango, un tango devenu gigue.

Des applaudissements remplacent la musique qui se tait. Hugh est au premier rang.

— Heureuse ? Me demande-t-il alors qu'il rejoint la scène.

— Tu n'imagines pas. C'est grâce à toi tout ça.

Sans lui, je ne me tiendrais pas ici. Il a redonné un goût à ma raison de vivre et m'a poussé dans mes retranchements pour faire de moi une meilleure danseuse que je ne l'étais. Le ballet est mon métier, mais la danse est ma passion. J'ai tellement hâte que le public voit cette part de moi. Il y a quelques mois, j'aurais été terrifiée à cette idée de me dévoiler au monde, mais avec Hugh, j'ai franchis cette étape. Il me fait briller. Il a ajouté étoile à la danseuse que je suis. D'ailleurs, le directeur de l'opéra Garnier sera dans le public demain soir.