Because of us ( TERMINÉE )

4. Gerald

« Guardami negli occhi e dimmi cosa vedi
Le pupille fanno fuoco se le guardi
Prendi il cellulare e poi chiama i pompieri
I tuo occhi sono diversi dai miei » Il Tre (Apollo 13)

(Regarde moi dans les yeux, qu'est ce que tu vois ? Les pupilles s'enflamment si tu les regardent, prends ton téléphone et appelle les pompiers. Tes yeux sont différents des miens.)

Août 2000, New York.

C'est le quatrième restaurant de la ville que je fais. J'aurais dû partir il y a deux heures déjà, mais j'ai fait demi-tour avant de m'engager sur l'autoroute. Depuis hier, Grace m'a évité par tous les moyens et ses amies, comme mon frère, n'ont pas hésité à la soutenir. Depuis le temps qu'ils attendent ça.

C'est le quatrième restaurant de la ville que je fais. Cinquième si l'on compte celui où j'ai déjeuner avec Nancy et sa mère. Chaque pas que je fais sans voir celle qui inonde mes pensées est un coup de poignard dans le cœur.

C'est le quatrième restaurant de la ville que je fais. Même avec sa chevelure rousse et ses iris bruns, je la reconnaîtrai toujours. Ses yeux bleus perçants ne sont pas moins puissants à travers les lentilles qu'elle porte pour cacher son identité. Par peur de ressentir la douleur lancinante de l'avoir si près de moi et pourtant si inabordable, je m'arrête et l'observe dans un coin de ce quatrième restaurant. Même sous un faux nom, sous une autre apparence, Gee sera toujours Gee. Elle trempe toujours ses lèvres dans son verre de champagne de la même façon. Elle déteste l'alcool. Elle se cambre toujours de manière à distraire ceux qui la regardent. Tout le monde la regarde. Elle sourit toujours aux blagues douteuses de ceux qui ont le malheur de poser leurs yeux sur ses lèvres peintes au gloss. « Les hommes n'aiment pas le rouge à lèvres rouge. » Elle dit tout le temps ça. Je ne sais pas d'où elle le sort parce que moi j'aime ses lèvres dans toutes les couleurs mais elle connaît mieux les hommes que moi. Elle bat toujours des cils face à l'inconscient qui lui raconte sa vie. Elle ne parle pas d'elle parce que les hommes préfèrent parler d'eux. Leur arrogance les mènera à leur perte, parce que sa vie est passionnante. Elle perche même toujours sa voix dans les aigus quand elle complimente sa prochaine victime. Les hommes ne se méfient pas d'une écervelée. Ils devraient.

C'est le quatrième restaurant de la ville que je fais. Je suis fixé, incapable de bouger jusqu'à ce que son regard ne m'y autorise. Statufié par sa beauté, par sa présence. Elle fait tout par habitude et le fait mieux à chaque fois. L'idiot en face d'elle lui téterait les seins comme un gosse s'il le pouvait. Il ne se doute pas une seconde que son chignon délibérément brouillon est noué dans une perruque destinée à le tromper. Je plains le malheureux qui n'a pas eu la veine de se faire envoûter par ses véritables yeux qui rendraient chacune de ses cibles un peu plus dociles. Gee reste imperturbable quand son regard croise le mien et retourne à son interlocuteur qui a l'âge d'être son père.

C'est le quatrième restaurant que je fais dans la ville. C'est à mon tour d'entrer en action. Mon jean délavé et ma veste en cuir rouge ajoutent au contexte de la scène. Gee m'assassine avec son brun trop terne à mesure que je slalome entre les tables. 

Accoudée au bar, son endroit de prédilection, elle fait signe à un serveur qui vient à mon encontre. Je le repousse sans effort. Pour lui, entre une fille inconnue et le fils de Mark Lense, le choix est vite fait. Mon père est un habitué.

- C'est qui ce type ? Demande le vieillard quand j'arrive à leur niveau.

Je ne peux pas menacer la couverture de Gee alors j'attends que son compagnon la trahisse. Brianna, c'est ainsi qu'elle s'appelle ce soir. Je suis assez surpris qu'il s'en souvienne, mais c'est tant mieux pour moi. Je la somme de me suivre mais elle ne bouge pas.