Because of us ( TERMINÉE )

34. Gerald

« Unlike other forms of psychological disorders, the core issue in trauma is reality »

Bessel A. Van Der Kolk, Traumatic stress : The Effects of Overwhelming Experience on Mind, Body, and Society.

(Contrairement aux autres maladie mentales, le principal problème du traumatisme est la réalité.)

Avril 2001, Boston.

Comme je n'ai pas revu Grace depuis notre craquage, je ne m'attendais pas à ce qu'elle vienne avec Nancy ce week-end. Elle n'est pas venu me voir.

— Hey mec ? Ça va ?

Je souris à Luke. Pourquoi faut-il prolonger le supplice ? Elle est venue pour vérifier que je fasse bien les choses avec ma fiancée. Mes efforts seraient plus visibles si je ne devais pas me retenir de lui sauter dessus alors que nous sommes si proches.

J'ai rejoins Nancy à la voiture mais je ne sens que Grace.

— Gerald, me salue-t-elle.

Elle va vers la fraternité, Luke l'embrasse et l'accompagne à l'intérieur. Son pas est assuré mais elle a changé. Ses habits sont toujours aussi classes que d'habitude mais je sens mon empreinte sous le col roulé de sa robe.

Nancy frissonne.

— Tu ne devineras jamais ce que Grace m'a confié dans la voiture.

J'ouvre l'oreille, prêt à entendre ma fiancée trahir le secret de ma meilleure amie. En y repensant, ses yeux étaient rouges quand elle est passée devant moi. J'ai remis la faute sur le froid mais le printemps revient et nous sommes loin des températures négatives de décembre.

— Elle est amoureuse de Luke.

— Mais non !

Ma surprise maquille ma jalousie. Une jalousie inutile parce que c'est impossible. Grace transforme la vérité en mensonge.

— Je t'assure. J'ai senti qu'il se passait quelque chose cette semaine. Elle a passé ses nuits à pleurer dans son lit.

Elle baisse d'un ton de peur qu'on nous surprenne.

— Elle pense qu'on ne l'a pas entendue mais les murs sont faits de papier.

— Tu sais pourquoi ?

Il n'y a rien de pire que de savoir que la personne que vous aimez le plus au monde souffre à cause de vous. Pourtant, cette souffrance a un arrière goût de satisfaction. Je la contrôle autant qu'elle me contrôle. Nous restons sur le porche pour continuer de parler sans être entendus.

— Justement, j'ai creusé dans la voiture. Elle m'a parlé de Luke. C'est avec lui qu'elle était le week-end dernier. Elle m'a dit à quel point c'est dur pour elle d'aimer le mari de son amie.

— T'en penses quoi, toi ?

Elle hausse les épaules.

— Je sais pas trop. Elle me fait de la peine, elle l'aime mais elle est prête à souffrir en silence pour ne pas blesser Hannah.

— Tu crois qu'elle a déjà couché avec Luke ?

Je connais déjà la réponse mais il me faut celle de Nancy.

— Au moins une fois, je les ai vus lors d'une soirée. Et elle m'a dit que c'était à ce moment qu'elle s'est rendue compte qu'elle tombait amoureuse.

Elle fait une pause dans sa réflexion.

— Mais ce n'est pas grave, n'est-ce pas ? Hannah et Luke sont pas vraiment ensemble de toute façon.

Elle a bien choisi son mensonge. Luke et Hannah sont comme Nancy et moi : ensemble sans l'être vraiment. Avec une différence primordiale : ils s'aiment. Même si leur relation est intermittent, ils souffrent trop pour se montre qu'ils s'aiment, alors il se font du mal.

— Mais il y a Peter.

— Pauvre petit. Je connais pas vraiment Hannah mais je comprends pas comment elle fait pour ne pas aimer son bout de chou.

Je ravale durement ma salive.

— La naissance de Peter peut être considérée comme un traumatise pour Hannah. Elle était jeune, seule et ne comprenait pas grand-chose. Sa relation avec Luke, c'est juste un mécanisme de défense.

Hannah a perdu beaucoup l'année de son accouchement. Elle est redevenue l'adolescente qu'elle était pour oublier ce passage de sa vie. Comme au lycée, elle enchaîne les coups d'un soir, quitte Luke pour mieux le retrouver, va à toutes les soirées du campus. Elle trouve un moyen de faire comme si. Certaines personnes ont besoin de ça pour survivre. On fait comme si.

— On parle de moi ?

Hannah est derrière nous, dans l'encadrement de la porte, les bras croisés.

— Hannah !

Le regard noir qu'elle lance me donne des frisson dans le dos. Grace sait choisir ses amies. Elle prend son sac à main sur le banc de l'entrée et me bouscule pour rejoindre sa voiture dans l'allée. Nancy se mordille la lèvre, gênée d'avoir causé ça.

— Je n'aurais pas dû en parler, c'est de ma faute.

Je la pousse à l'intérieur.

— Non, ce n'est pas de ta faute. On ne disait rien de mal.

— On parlait d'elle dans son dos.

La voiture part à toute vitesse dans l'allée.

— Qu'on le dise à voix haute ou non, tout le monde s'inquiète pour elle.