21. Gerald

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When you betray somebody else, you also betray yourself.

Isaac Bashevis Singer – The New York Times Magazine

(Quand vous trahissez quelqu'un, vous vous trahissez vous même.)


Janvier 2001, New York.

— Bonjour Maman, bonne année !

Nancy embrasse sa mère que je salue à peine. Je dépose la bouteille de champagne et les chocolats sur la table de sa suite.

— Bonne année à vous deux, les amoureux.

Nous lui sourions pendant que Nancy se colle à moi. Elle nous dit d'attendre comme si nous allions partir. Je profite de sa courte absence pour prendre mes aises dans la suite de la Trump Tower. Je ne prends tout de même pas la peine d'enlever mon manteau. La vue imprenable sur Central Park qui se couvre de neige suffit à me donner un semblant de liberté.

Susan est revenue trop vite de sa chambre. Elle a deux boîtes entre les mains.

— Comme vous n'êtes pas venus pour Noël.

Elle tend la plus fine à sa fille et à moi, un cube. Nancy est la première à ouvrir son cadeau. La parure de diamant lui plaît, elle me demande de la lui mettre. Elle lui va bien.

— Et bien Gerald, qu'attendez-vous ?

Le couvercle s'ouvre dans un clic. En dessous, une montre se dévoile. Malgré son état usé, elle vaut cher. Très cher. Nancy ne se rend pas compte de mon faux air ravi. Elle demande à la voir mais sa mère trouve un subterfuge. Ma belle-mère distribue les coupes de champagne. Nous trinquons, à la nouvelle année, à notre amour, à sa nouvelle menace.

Nancy est la première à descendre au restaurant de l'hôtel. Elle ne se doute de rien, sa mère a pris l'habitude de me prendre en aparté.

— Tu aimes mon cadeau ?

Je déglutis.

— Laissez-la tranquille.

Les yeux glaciaux de Susan n'ont rien à voir avec le regard océan de Gee, les siens sont d'un bleu sans vie, sans âme, ni torrent. Ses cheveux roux sont lâchés dans un brushing démodé qui doit bien plaire aux grands-pères friqués. Ces mêmes hommes, comme Ayckbourn, qui lui ont payé ses séances de lifting ratées. Ses pommettes sont tellement retroussées qu'elle a des allures félines, pas le moins sexy. Je dois l'aider à mettre son manteau en vison. Comme si elle ne m'utilisait pas assez.

Elle plonge une main ridée, dans son lourd manteau en fourrure. Je prends la direction de la sortie, qui n'est pourtant qu'à un pas de nous, mais ses griffes rouges se plantent dans mon bras.

— J'ai un autre cadeau pour toi.

Ses dents jaunies par la cigarette dévoilent un sourire malsain.

— Je ne voulais pas te le donner devant ma fille, je déteste la voir jalouse.

Entre ses serres, elle me tend une enveloppe. Elle ne l'a pas fermée, sachant que je l'arracherais de toute façon. À l'intérieur, une photo de Gee – Grace.

Elle est blonde sur la photo, mais ils ont l'air décolorés, ce qui tranche avec sa robe mauve qu'elle a sûrement acheté chez un de ces créateurs dont elle raffole. À son bras, un hommes, de trente ans son aîné qui discute avec d'autres hommes qui la reluquent. Un faux tatouage ressort sur son épaule, là où son vrai tatouage est caché, comme les autres.

— Elle est douée. J'ai failli ne pas la reconnaître.

La voix de corbeau de Susan brise mon flot de pensée.

Because of us ( TERMINÉE )Kde žijí příběhy. Začni objevovat