38. Grace

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« The only thing you've proven is that there's no one who ever has done better at makin me feel worse. Now you really are the winner. »

Conan Gray – The winner

(La seule chose que tu as prouvée c'est qu'il n'y a personne qui me blesse autant que toi. À ce jeu, tu es là gagnante.)




Juin 2001, New-York.

Selon le four de la cuisine, il est midi douze. Hugh, sa sœur et sa mère vont arriver d'une minute à l'autre. Le traiteur vient de déposer le repas de ce midi. Je vide les barquettes dans les assiettes pour laisser croire que j'ai cuisiné leur contenant. Il faut dire qu'il vaut mieux un petit mensonge sur mes capacités culinaires plutôt que de faire subir à ma future belle-mère ma cuisine approximative. Surtout d'après ce que Hugh m'a dit à son propos.

Je finis ma petite tricherie quand l'interphone retentit. J'ouvre à mon fiancé. Nev et Nancy nous ont laissé l'appartement pour le week-end. La famille de Hugh ne vient que ce midi mais je préfère avoir l'appartement à moi seule cette nuit. En attendant leur arrivée, j'enlève mon tablier et passe un coup d'éponge sur le plan de travail. Si tout va bien ma belle-mère ne viendra pas dans la cuisine mais je prends quand même le soin de n'avoir rien à reprocher.

Je me précipite pour les accueillir. La dame qui se tient devant la porte partage ses traits avec son fils, qui est derrière elle. Les mêmes yeux bruns se plantent au milieu d'un visage ternit par les rides que l'addiction lui a causées. Comme son visage, sa robe bordeaux est toute froissée.

— Bonjour Madame Evans, soyez la bienvenue.

Celle-ci s'avance vers moi pour me faire une bise. Bien que surprise, je la laisse faire.

— Je sais que t'es française alors je me permets.

Une fois sa tâche accomplie, je salue ma future belle-sœur de la même manière. Elle me dit de l'appeler par son prénom : Rachel. Mme Evans n'a pas attendu d'y être conviée pour prendre son aise, elle enlève son manteau qu'elle jette sur le canapé. J'embrasse Hugh qui a perdu de sa splendeur. Malgré sa carrure de footballer, il se tient chétif dans le cadran de la porte. Son air fatigué durcit les traits qu'il a en commun avec sa mère, on dirait qu'elle l'a usé pendant le trajet.

— Je suis là, le rassuré-je.

— Pardonne-moi de te faire endurer ça, murmure-t-il à la même hauteur.

Le claquement des talons sur le plancher se fait pressant.

— Alors, c'est pour ça que mon fils me quitte.

Je hausse un sourcil, que je transforme en sourie quand elle se tourne vers moi. Elle sait être accueillante, même chez moi. Sa fille s'excuse pour sa remarque et me tend une bouteille de vin. Je le remercie et la pose sur la table tandis que Hugh ferme la porte d'entrée.

— Je vous en prie, assez-vous, les invité-je.

De toute façon, Mme Evans s'est déjà assise. Je fais le service des petit-fours – livrés par le traiteur – comme la parfaite ménagère que je tente d'incarner. Le silence pourrait être accablant si elle ne commençait pas déjà ses remarques, la bouche ouverte.

— D'abord ton école de bourges, et maintenant ça. Ta bonne femme nous a même fait des petits-fours.

Je ne cache pas ma réaction, vu comment elle m'ignore, je ne pense pas qu'elle m'en voudra. Rachel, assise à côté d'elle et en face de nous, échange des regards gênés entre son frère et moi. Je sers le vin. Par respect pour mes invitées, je sers d'abord le vin qu'elles ont ramené. Bien que ce soit de la piquette, je ne veux pas que sa mère trouve un autre moyen de me juger.

Because of us ( TERMINÉE )Where stories live. Discover now