28. Grace (part 2)

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« The desire to be loved is the last illusion. Give it up and you will be free. »

Margaret Atwood – A Sunday Drive

(Le désir d'être aimé est la dernière illusion. Abandonne-le et tu seras libre.)

Février 2000, Boston.

Je n'ai jamais visité Boston. Gerald ne m'emmène qu'aux endroits mondains – quand ce n'est pas dans son lit, et Hannah me traîne faire les magasins de la ville seulement quand elle se décide à sortir du campus. Alors évidemment, il ne m'est jamais venu à l'esprit de venir sur cette baie.

Je me surprends de découvrir cette immense étendue d'eau, pourtant Boston est sur la côte, c'est donc normal. Le claquement de la portière de la voiture trouble le silence ambiant.

— C'est magnifique.

Il n'y a presque pas de lumière de ce côté de la ville. Certaines réminiscence d'une forme de civilisation émettent des points éclairés sur l'autre rive, comme des petites étoiles qui ne nous éclairent pas assez pour que nous puissions nous repérer mais qui brillent assez pour rassurer.

Hugh enlace ses doigts aux miens. Il nous guide jusqu'à l'endroit parfait. Des centaines d'étoiles vivantes se meuvent dans la pénombre. Des lucioles. Je n'en avais jamais vues.

— Là où j'ai grandi, dans le Delaware, il y a un endroit où les lucioles viennent tout le temps.

Je n'ose pas bouger, par peur d'en écraser une. Hugh, qui a l'habitude, avance. Comme il voit que je doute de l'endroit où mettre les jambes, il rit de bon cœur.

— Une danseuse qui ne sait plus où mettre son corps, on aura tout vu.

— J'ai peur de leur faire mal.

Il secoue la tête et revient vers moi. Il s'est penché pour me porter. Dans ses bras musclés, je me sens à l'aise, ma main glisse dans l'air, là où les insectes s'affairent.

— Aller princesse, tu ne leur feras aucun mal.

— Princesse ? Ris-je une fois qu'il me pose sur une plaque de béton au bord de l'eau.

Le cadre des arbres qui s'ouvrent sur cet pièce ensorcelante a un air de conte de fées. Bien au-delà des lucioles qui s'agitent au dessus de l'eau, je remarque une plateforme où des jeunes font la fête. La musique tonne dans un silence agréable avec la distance, les bourdonnements des bestioles s'harmonisent avec les rires des adolescents qui se jettent dans l'eau glacée.

— Ouais. T'as des allures de princesse capricieuse.

La lumière des lucioles n'est pas assez forte pour éclairer son visage mais la Lune, si. Il a mis sa main chaude sur ma joue glacée.

— Un jour, tu comprendras à quel point ce n'est pas un compliment, soufflé-je.

Il pousse un profond soupir.

— Tu vois le mal partout. La plupart des petites filles rêvent d'être princesses et toi tu l'es et tu te plains.

Je pose ma tête sur son épaule. Nous nous sommes assis sur le bloc de béton. De là tout est plus doux, plus beau. Ma haine a disparu. Mes mensonges aussi. Hugh n'est peut-être pas le bon mais dans cette position, j'ai envie d'y croire.

— Les êtres humains sont d'éternels insatisfaits.

— Comme Gerald avec toi.

Sa voix est si posée que j'ai bien peur que ce ne soit pas une question.

— Il me déteste.

C'est la vérité. Il s'en rend compte peu à peu. La Graziella que j'étais souffre de cette situation. J'aime Gerald, Gerald m'aime, mais si j'avais à choisir je préférerais qu'on reste amis. Parce que les amis ça ne se déchire pas. Il n'y a rien au monde que je voudrais plus qu'un câlin de sa part. Rien de sexuel, tout de platonique, juste une façon de se dire que c'est nous contre le reste du monde. Mon ami me manque.

Because of us ( TERMINÉE )Where stories live. Discover now