22. Grace

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« He's like an exotic bird collector... He only wants a woman who is free because his dream is to put her in a cage »

Trevor Noah,

(Il est comme un collectionneur d'oiseau exotiques (...) il veut une femme libre parce qu'il rêve de la mettre en cage.)





Janvier 2001, New-York.

En sortant de la clinique, j'ai demandé à Nev de me conduire chez Gerald. Elle n'a pas compris pourquoi, mais elle l'a fait. Selon le portier, il n'est pas là. Nev a la clé de l'ascenseur qui y mène mais a refusé de ma la donner.

Il ne m'a resté qu'un dernier recours. J'ai arboré mon plus beau sourire et j'ai profité de ma tenue décontractée pour aller voir l'homme que je déteste le plus au monde, au dernier étage de la tour qui abrite la famille Lense. Le portier appelle l'étage pour vérifier que j'y suis la bienvenue. C'est ce moment que j'aime le moins ; Mark ne me refusera jamais dans son antre.

Le portier m'a accompagnée dans la fosse au lion. L'ascension des quarante quatre étages qui nous séparent du sol sont là pour nous rappeler que de là haut, il n'y aucun espoir de fuite.

Comment les journaux peuvent-ils penser que le diable est à Harlem alors qu'il se prélasse dans son tout nouveau penthouse de l'Upper-East Side ? Réponse : le diable a les journaux les plus influents du pays dans sa poche.

Quand j'ai connu Gerald, j'ai tout de suite détesté son père. Au début, c'était, comme tout le monde, pour son comportement avec ses fils. Il les négligeait et ne revenait dans la maison familiale que pour se disputer avec leur mère. Puis, il a commencé sa petite obsession...

À croire que les mineures qu'il force au proxénétisme ne lui suffisent pas. Un vrai prédateur ne veut pas d'une proie facile. Il a gagné. Il m'a eue. Je suis devenue le monstre qu'il voulait que je sois. Il a mis sur mes épaules le poids de ses erreurs. À cause de moi, son fils le voit comme un pervers, un proxénète.

Il aurait pu le haïr pour son indifférence, il l'abhorre aujourd'hui pour sa présence.

Le ding de l'ascenseur retenti. C'est d'abord l'odeur nauséabonde qui m'agresse. Le personnel de maison fait bien son travail pour cacher la pourriture qu'il est, mais la fermentation de son âme ne m'échappe pas.

— Graziella ! Quel plaisir de te revoir.

Il a eu quarante-quatre étages pour prévoir son entrée théâtrale. Il m'accueille à bras ouverts, comme Satan accueillerait sa famille en enfer.

— Comme tu as grandi ! Ça fait quoi ? Un an que je ne t'ai pas revue ?

Six moi, treize jours.

— Au moins ! Mens-je. Bonjour Monsieur Lense, ça me fait plaisir de vous revoir.

Il balaie l'air épais de sa main. Nos sourires sont aussi faux l'un de l'autre. Le sien est une préambule, il espère encore me mettre dans son lit, de gré ou de force. Le mien, est une menace, je veux être celle qui verra la vie quitter ses yeux.

— Je t'ai déjà dit de m'appeler Mark.

C'est le portrait craché de Gerald. Bien plus que Chris et David, c'est mon ex qui a le plus hérité des tares de leur père. Ils ont les mêmes réactions, les mêmes mimiques. Pourtant Gerald évite son père autant que moi.

— Alors appelez-moi Grace. J'insiste.

Je serre fermement sa main sèche sans le quitter du regard.

— Mark.

Il prend ça comme une entente. Il capitule.

Martha – je crois que c'est le nom de sa dame de maison – retire mon manteau. J'aimerais lui dire que ce n'est pas la peine, que je ne reste pas, mais... C'est mal connaître cette obsession qui nous anime l'un l'autre.

Because of us ( TERMINÉE )Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ