L'aventure à tes côtés

29 - Non-retour ?

L'issue de la course était à prévoir, avec un démarrage à la vingtième place, Daniel est arrivé 18ème. Un résultat plus que décevant. Les médias se déchainent, les fans spéculent sur son potentiel départ et les attachés de presse rament pour sauver la situation.  

"Daniel. Je sais que c'est difficile d'être là et on t'en remercie. On va faire court. Qu'est-ce que tu souhaites retenir de cette course ? 

- Rien. Tout est à oublier. Pas de rythme, pas de suspense, même les arrêts aux stands ne sont pas bons. On est vraiment dans les choux avec cette voiture. 

- Alors tu mets derrière toi cette course et tu travailles déjà sur la suivante ? 

- Non, non. Je pense que c'est important d'analyser et de comprendre d'où viennent tous ces problèmes. Les améliorations apportées sur la voiture ne semblent pas fonctionner et c'est frustrant. 

- Il va donc y avoir une analyse technique avec les équipes du paddock et les équipes de l'usine. Mais toi, comment tu te sens ? 

- Je ne le sens pas ... Je suis terrible et je suis impuissant." D'un regard Daniel supplie la jeune femme d'arrêter l'interview et de le laisser partir. Partagée entre la volonté de faire son travail et l'envie de protéger Daniel, Hélène se tourne vers Esteban pour poser quelques questions supplémentaires. A la fin de l'interview, Daniel n'attend pas Hélène : il part très rapidement vers sa chambre pour récupérer ses affaires et rentrer à l'hôtel.  

Une fois le dîner terminé, Hélène embrasse Cyril, salue Elena et Esteban puis rassemble ses affaires. Elle voit rapidement que Daniel a déjà emporté les siennes, la jeune femme s'inquiète : le pilote coule littéralement et elle ne sait pas comment le garder à la surface de l'eau ...

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"Je te raccompagne ? 

- Max ! Je suis contente de te voir ! 

- Daniel est déjà parti ? 

- Oui, il m'a laissé quasiment en plan sur scène et réellement en plan ici. 

- Il doit lâcher ... Il doit décompresser, penser à autre chose. Ce n'est pas simple." Max et Hélène discutent un long moment dans la voiture garée dans le parking de l'hôtel. Dans l'ascenseur le pilote néerlandais serra la main de la jeune femme : 

"Aussi belles, intenses et incroyables sont les victoires et les podiums, aussi sombres sont les défaites, les défaillances et les remises en question. Personne ne peut vraiment se mettre dans la tête de Daniel. Ce que tu fais pour lui, c'est exactement ce que je voudrais qu'on fasse pour moi dans ce genre de moment : être là et surtout ne pas sortir d'expressions toute faites, type "de nouveaux jours arrivent ..." ! Même si c'est vrai ...

- Merci Max. Bonne soirée !" Alors que le jeune homme continue de marcher dans le couloir vers sa chambre, Hélène entre dans sa suite. Elle pose ses affaires dans le vestibule, enlève ses chaussures et relève ses cheveux en se regardant dans le miroir. Elle respire profondément. Elle doit trouver une manière d'aider et d'apaiser Daniel. 

Alors qu'elle pousse la porte qui mène au salon, elle entend un bruit sourd et des grognements : Daniel, dans une fureur noire, s'est attaqué à la décoration de la chambre. Il a retourné la table basse et balancé tous les coussins du canapé au travers de la pièce. Comme hier, son regard est noir profond. Il ne voit même pas la jeune femme dans l'encadrement de la porte. Hélène tire légèrement la poignée vers elle pour refermer la porte et observe le pilote quelques secondes. 

Il jure avec un tel accent qu'Hélène ne comprend pas, les voyelles australiennes lui échappent totalement, la jeune femme jusqu'alors très calme sent son coeur s'emballer, elle commence à stresser et prendre peur : elle est impuissante ce soir. Daniel attrape son ordinateur sur lequel elle aperçoit des graphiques de courses, après quelques secondes de lecture debout au milieu du séjour, il secoue l'appareil qu'il envoie valser contre un mur. Sa colère est intense, si elle n'a pas peur de Daniel, elle a peur de se mettre entre la colère et lui. 

Hélène referme très délicatement la porte et se retrouve seule dans le vestibule, terrorisée. Elle attrape sa clef et son téléphone et quitte la chambre. Les larmes commencent à couler le long de ses joues et la jeune femme sent toute l'énergie du weekend de course s'échapper. L'adrénaline la quitte pour laisser place à la fatigue. La voilà, elle aussi, impuissante. 

Elle marche quelques secondes et toque à la porte de Max. Le jeune homme met quelques secondes à répondre, et quand elle commence à tourner les talons, elle entend la serrure que le jeune homme déverouille : 

"Hélène ? Ça va ? 

- ... 

- Il est en colère ? 

- Il a jeté son ordinateur contre le mur. 

- Entre. Et si tu dormais ici, ce soir ? 

- Merci Max." La jeune femme tremblante et livide entre dans la chambre et Max lui sert un verre d'eau alors qu'elle se laisse tomber sur le canapé. Le jeune homme attrape son téléphone et envoie "Hélène est avec moi." à Daniel, puis propose un jeu de cartes. 

"Tu sais, je ne veux pas défendre Daniel, contre vents et marées, surtout qu'il t'a apparemment bien effrayée ... Mais toute cette rage, c'est normal. Il se contient depuis des semaines, il tente de trouver des solutions qui ne viennent pas. Et le renouvellement de son contrat qui est en suspens ne doit pas aider à la situation. Il voit toute son équipe travailler sans résultat et c'est rageant. Certaines équipes mettent en place des suivis psychologiques pour les pilotes. Par exemple chez RedBull, quand je suis en train de monter en pression, on me propose toujours d'aller me défouler dans des endroits plutôt fous ... Daniel a besoin de sortir toute sa rage.

- Comment je peux l'aider ? demande la jeune femme à mi-voix. 

- Tous les deux, on va lui trouver un truc pour décompresser : quelque chose qui demande une bonne grosse dépense d'adrénaline, qui le calmera ! On va le faire sauter d'un avion, on va l'emmener lancer des hâches ... Je crois qu'on peut commencer soft et apr quelque chose qu'il aime : une rando. Un truc 100% nature, avec nuit dans une tente et petit feu pour les chamallow. 

- Je vais m'occuper de la rando, et toi tu nous trouves un truc sensationnel à faire. A ton tour de jouer, annonce la jeune femme en montrant les cartes disposées sur la table basse. 

- Sans tricher, c'est quand même moins drôle ..." Les deux jeunes gens jouent jusqu'à l'épuisement et la jeune femme finit par s'endormir sur le canapé. Max la soulève doucement et la dépose sur le côté droit du lit, il lui ôte ses chaussures et la fait délicatement glisser sous la couette. Après un tour dans la salle de bain, il vient à son tour se coucher de l'autre côté du lit et s'endort très rapidement. 

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TOC, TOC, TOC ! Hélène gigote légèrement dans son sommeil, Max se réveille et regarde l'heure affichée : 6h00. Il sait qui est derrière la porte, il sait qu'il a probablement attendu, toute la nuit, pour venir frapper au petit matin.

"Elle dort ? 

- Profondément. Ça va ?

- Ça ira. Je peux la voir ? 

- Évidemment, je vais au sport, je vous laisse. 

- Merci. " Alors qu'il s'apprêtait à sortir pour rejoindre la salle de sport, Max fait demi-tour et regarde son ami très sérieusement. 

"Elle t'a vu lancer ton ordinateur sur le mur ...

- Non ? Merde, putain. Merci Max. Bon sport."

Daniel entre prudemment dans la chambre, il se fait couler un café et s'installe sur le canapé en face du lit où dort encore la jeune femme. Comme à son habitude, elle a une jambe sortie et le reste du corps complètement emmitouflé, ses cheveux détachés s'étalent dans le lit et ses oreilles sont sous la couette. Elle semble encore habillée de la veille et ses chaussures sont posées au pied du lit. 

Après quelques minutes à la fixer, il se lève, entrouvre la porte fenêtre et cale son dos dans l'encadrement, le soleil qui se lève balaye son visage, il respire profondément. Daniel sait qu'il doit prendre une décision rapidement pour cette fin de saison et la suite. Mais aujourd'hui, Hélène entre aussi dans son équation et la dernière chose qu'il souhaite, c'est la blesser ou l'effrayer.