Chapitre 3 

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- C'est ça, le moyen, pour rentrer chez moi ?

- Oui, répondit-elle avec un grand sérieux.

Je fus un peu déçu. Ce n'était pas ce que j'appelais une mission-suicide.

- Et en quoi est-ce que c'est dangereux ? demandai-je.

- Comme je te l'ai dit, dans ce monde, il y a des créatures...

Elle s'interrompit brusquement et se traîna à quatre pattes jusqu'à ce qui ressemblait à une porte.

- Que fais-tu ?

Elle m'intima le silence en esquissant un geste de la main, et je me tus, car elle avait pâli.

- Elles nous ont retrouvé, souffla-t-elle tout bas.

- Qui ça ?

- Les créatures.

- Et..en quoi sont-elles dangereuses ?

Elle se retourna face à moi, mais garda sa tête penchée vers la porte.

- Elles nous cherchent, pour nous tuer. Pour elles, nous sommes des intrus. Il faut partir d'ici.

J'avalai ma salive.

- Elles sont comment ?

- Celles-ci sont...mi-homme, mi-chien, fit-elle avec un dégoût palpable.

- Des chiens qui peuvent se transformer en hommes ? Et vice-versa ?

- Non, dit-elle en respirant un grand coup par le nez.

Je réfléchis un moment puis faillit m'étouffer de frayeur.

- Tu veux dire que ces créatures... sont chiens et hommes en même temps ?

Je sentis mon propre dégoût dans ma voix. Elle hocha la tête.

- On ne s'est pas présenté, observai-je. Je m'appelle...

Elle fit pivoter sa tête vers moi, si rapidement, que j'en eu le tournis.

- Plus tard, me coupa-t-elle brusquement. Ce n'est pas du tout le moment !

Je fus surpris par son ton sec et je rétorquai aussitôt, avec acidité :

- Pourquoi est-ce qu'on ne s'enfuit pas, dans ce cas ?

Elle ignora ma question. Je soupirai, de plus en plus agacé par cette attitude. Aucune fille, aucune, que j'avais rencontrée dans ma vie n'avait jamais agi de cette manière avec moi.

Elle tourna une nouvelle fois la tête vers moi, et me regarda d'un regard...que je ne su interpréter. Il y eu un silence. Long, et lourd de sens.

- Je ne suis pas très sociable, je sais, s'excusa-t-elle soudain.

Mais j'étais trop énervé pour accepter ses excuses.

- Vraiment ? je fis mine de m'interroger, acerbe.

- Je suis désolée...

Mais je l'ignorai (comme elle l'avait fait avec moi) et me rapprochai du mur de terre en face de moi. Je le frappai avec colère, voulant sortir d'ici au plus vite.

La fille se figea, je ne la sentis même plus respirer, mais je m'en fichais. Elle m'énervait, à ignorer chaque question que je posai. Puis, d'un coup, elle se remit en mouvement, comme une machine qui aurait bugué. Elle s'approcha de moi ; je sentis son souffle dans mon dos. Étrangement, elle ne faisait aucun bruit en se déplaçant. J'aurais dû me douter de quelque chose et me méfier, mais je n'arrivai pas à me concentrer, beaucoup trop dérangé par sa proximité. J'inhalai. L'air sentait la terre, mais ça n'avait rien de désagréable. Il y avait aussi une autre odeur...

Quelque chose de léger comme une plume d'oiseau toucha mon épaule. Une main humaine. Enfin, humaine... De près, la peau paraissait plus verdâtre que blanche, comme je l'avais cru tout d'abord. Je sifflai, me dégageai et bondis en arrière, me préparant à attaquer férocement, tel un animal sauvage. Je croisai l'étrange regard de la fille, curieux, comme si elle se demandait ce qui se passerait si elle poussait les choses plus loin. Elle n'en fit pourtant rien, mais elle continua à me fixer avec une curiosité débordante, comme si j'étais un sujet de laboratoire, et elle, une scientifique chargée de m'étudier.

Puis, elle regarda le sol, et je la vis fermer les yeux. J'étais toujours en position d'attaque, mais elle n'avait pas l'air d'avoir peur. Elle rouvrit les yeux, et me dévisagea calmement, ne se doutant pas du danger qu'elle encourait si elle ne s'écartait pas tout de suite. Je la fixai à mon tour, le regard haineux. La rage qui avait pris possession de mon corps m'aveuglait, et je commençai à avoir des envies de meurtres, à commencer par cette fille qui m'énervait depuis la première fois que je l'avais vu. Elle parut hésiter un instant, son pied droit à quelques centimètres du sol, puis se décida enfin et recula d'un grand pas. Elle paraissait toujours ne pas avoir peur, mais elle avait reculé comme si elle avait trop envahi mon espace vital, comme si c'était elle qui avait déclenché cette rage sourde en moi. Elle baissa la tête, mit ses mains en coque sur ses yeux, et devint immobile, comme si elle attendait que quelque chose se produise. Je redevins aussitôt calme, et je fus rassuré de ne plus sentir la colère dans chacun de mes mouvements.

Puis je me rappelai brusquement que des chiens-hommes (je frissonnai de dégoût à l'idée qu'une telle créature puisse exister) nous pourchassaient.

- Bon, commençai-je avec un calme qui me surprit moi-même. Que fait-on ?

Les épaules de la fille s'affaissèrent.

- Il faut sortir d'ici, murmura-t-elle, les yeux dans le vague.

Je me tournai en direction de la porte, mais la fille siffla d'une voix chargée de colère :

- Surtout pas ! Tu veux nous faire tuer ?

- Alors que proposes-tu ?

- Il y a un passage secret.

D'accord. Et on ne pouvait pas s'enfuir plus tôt, si elle avait une solution à tout ?

- Au fait, on est où ?

- Un terrier, me répondit-elle. Je suis arrivée ici, et j'ai tué les occupants.

Elle racontait ce qu'elle avait fait avec une décontraction et une impassibilité surprenantes.

- Et il est situé où, ce terrier ?

- Une colline, une des plus petites, entourée de forêts.

- J'imagine que ce n'est pas la peine de te demander comment tu as su que des chiens-hommes étaient à notre recherche ?

- Non, répondit-elle en tournant la tête du côté de la porte, comme si elle a entendu un bruit.

- Et on ne peut pas se battre avec des armes contre eux ?

- Tu en vois quelque part ?

Je regardai autour de moi, mais ne vis rien, seulement un sac de toile rêche de bon marché qui devait appartenir à cette fille.

- Non... Mais attends, comment as-tu fait pour tuer les occupants ?

Elle m'adressa un sourire en coin.

- La magie.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now