Chapitre 41

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Je repris lentement conscience dans mon corps.

Mes yeux s'ouvrirent. Et la première chose que je vis fut Luzraël qui, penché au-dessus de Rosessa, marmonnait des mots incompréhensibles, mais qui ressemblaient étrangement à une incantation maléfique.

Brusquement, je me relevai. Je me sentis bizarrement en forme, comme si je ne m'étais jamais évanoui.

- Éloigne-toi immédiatement d'elle ! criai-je à Luzraël.

Je n'avais vraiment pas confiance en lui.

Il releva la tête vers moi, et ses yeux s'agrandirent sous l'effet de la surprise. Apparemment, il ne comptait pas me voir réveillé de sitôt.

Mais il reprit bien vite contenance, et ricana en rejetant vivement la tête en arrière.

- Et tu vas faire quoi, exactement ? Tenter d'utiliser ta magie même pas fiable ?

Il rit encore, puis se pencha à nouveau au-dessus de Rosessa. Je me précipitai sur lui et le fis tomber par terre. Il avait plus de force que moi mais, par chance, l'effet de surprise joua en ma faveur.

Luzraël grogna en se relevant. Il me toisa.

- A quoi tu joues ? demanda-t-il.

- Et toi, à quoi joues-tu ? le provoquai-je.

Il s'avança vers moi jusqu'à ce que nos nez se touchent presque. Je lui rendis son regard noir et articulai lentement :

- Tu arrêtes tes manigances avec elle. Compris ?

Luzraël sourit bizarrement puis me donna un violent coup de poing au menton. Je m'effondrai au sol, et ne bougeai plus, la mâchoire en feu.

Je sentis Luzraël me donner un coup de pied dans les côtes. Apparemment il pensait m'avoir assommé, car je l'entendis rire à nouveau, et dire :

- Pauvre petit Éthéas... J'aurais préféré qu'il ne se réveille pas. J'aurais pu le laisser moisir ici. Mais c'est bon, maintenant. Je vais pouvoir continuer ce que j'ai commencé sur Rose.

Je l'entendis marmonner à nouveau. Je tentai d'ouvrir les yeux, mais je ne réussis pas à le faire. J'ordonnai à mon corps de bouger, mais rien à faire. Pourtant, j'étais bel et bien réveillé, alors pourquoi mon corps réagissait-il comme si j'étais assommé ?

Une ombre passa au-dessus de moi, et un cri de surprise se fit entendre. Puis quelque chose tomba lourdement au sol. Et ce fut le silence.

Je ne sus combien de temps je restai ainsi. La seule chose que j'entendais, c'était des gouttes tomber sur le sol de la caverne, faisant : plic, ploc.

J'eus soudain peur que Luzraël ait réussi ses manigances et ait emmené Rose loin d'ici. J'eus peur qu'ils m'aient laissé. J'allais peut-être mourir ici, en fin de compte.

Soudain, une douce chaleur inonda tout mon corps. Elle se propagea partout, et je me sentis...bien.

Et puis, tout disparut, et je me relevai.

Plus aucune chaleur ne me traversait. J'avais à nouveau peur, et froid.

Je ne compris pas la situation, la scène devant mes yeux.

Trù était effondré sur le corps de Luzraël apparemment évanoui, ou mort.

Et Rosessa avait toujours les yeux fermés.

Trù leva brusquement la tête vers moi. Il se leva et se dirigea sur ma personne. J'eus peur qu'il m'inflige la même chose qu'à Luzraël lorsqu'il sauta sur moi.

Mais il ronronna, alors je le caressai maladroitement. Et, comme s'il pouvait me répondre, je lui posai une question :

- Que s'est-il passé, Trù ?

Il dressa les oreilles à l'entente de son nom, mais ne fit rien pour me répondre. Je lui grattouillai les oreilles.

Soudain, je le sentis se tendre, et il gronda férocement, ses yeux violets fixés sur quelque chose à l'autre bout de la pièce.

Du corps de Luzraël sortirent des volutes de fumée d'un noir d'encre effrayant.

Trù grogna plus fort lorsque Luzraël se redressa. Ah ! Au moins je n'étais pas le seul à ne pas aimer ce type étrange !

Les ténèbres se figèrent autour du corps de Luzraël. Le temps sembla s'arrêter à cet instant précis.

Et toute la pièce devint sombre. Les ténèbres étaient partout, partout, partout. Elles se dirigeaient toutes vers Trù et moi, par des chemins différents. Je me doutai qu'il ne s'agissait pas de gentilles petites choses.

Il ne fallait pas les laisser nous attraper.

Avant même que je puisse faire le moindre geste, mon corps réagit tout seul. Ma magie se manifesta, illuminant la pièce là où les ténèbres n'étaient pas.

A travers les ténèbres, je vis les yeux de Luzraël s'écarquiller. Apparemment, il n'avait pas prévu que ma magie réagisse.

Mon corps s'illumina. Je devins un soleil ambulant, qui éclairait tout autour de lui. Certaines volutes de ténèbres battirent en retraite, se dirigeant vers Luzraël. Elles semblaient avoir peur de ma lumière...

Alors je m'approchai de Luzraël, donc de ses ténèbres. J'étais apparemment plus fort que lui. Ou plutôt, ma magie était plus fort que la sienne, car, dans la pièce, toute ma lumière remplaça les ténèbres.

Lorsque ma lumière illumina la moitié de la caverne (l'autre moitié se constituant de la noirceur de la magie de Luzraël), je me sentis faiblir.

Bien entendu, Luzraël le sentit et m'adressa un sourire carnassier.

Il leva les mains, paumes tournées vers le plafond de la caverne.

J'appréhendai. Il allait gagner, c'était certain. Je forçai ma lumière à aller plus loin, jusqu'à ce que ma vision faiblisse, et que mes jambes s'alourdissent. Je m'obligeai à rester debout, à garder les yeux ouverts, mais c'était difficile.

Pourtant, il fallait que ma lumière l'emporte sur les ténèbres de Luzraël. Je n'avais pas le choix. Je le sentais dans chaque fibre de mon corps, dans chaque chose qui me constituait. Je devais aller jusqu'au bout, qu'importe les symptômes affreux que je ressentais.

Mes paupières s'alourdirent. Ma vision se rétrécit, devint floue. Bientôt, je ne vis plus rien. Je me sentis glisser vers une direction inconnue.

Une substance coula de mon nez jusqu'à ma bouche. Je sentis le goût du fer, de la rouille. C'était du sang.

Je fis encore un effort. Mais Luzraël leva les mains plus haut, m'adressa un sourire encore plus grand, plus authentique. Je compris que les seuls moments où il était heureux étaient les moments où il s'apprêtait à terrasser ses ennemis.

Ses mains changèrent brusquement de direction, sans que j'arrive à l'anticiper.

Les ténèbres me repoussèrent de tous les côtés, et me propulsèrent en arrière, droit dur une pierre coupante de la caverne.

Ma tête heurta la pierre dans un horrible craquement, et ce fut la fin.

Ma lumière s'éteignit, et mon dernier souvenir fut le bruit du rire machiavélique de Luzraël.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now