Chapitre 53

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- Tu ne trouves pas Rosessa bizarre ? demandai-je à Trù.

Je m'étais assis sur le sol, sous la tente, en boule, mes bras entourant mes genoux repliés contre ma poitrine.

Il me donna un petit coup de museau. J'avais appris à décrypter ses réponses.

- On est d'accord.

Je posai mon menton sur mes genoux pour poser mon regard sur lui. Ses yeux violets renfermaient bien des secrets. Il ne pouvait pas parler, mais le silence, c'était parfois agréable.

Je fermai les yeux et pointai l'entrée de la tente.

- Il m'énerve, Lulu. Tu ne peux pas savoir...

Trù grogna, comme à chaque fois que j'engageais une conversation qui tournait autour de Luzraël.

- Tu n'en as pas marre, de lui ?

Trù acquiesça.

- Tu ne peux pas le prendre dans tes pattes et t'envoler pour l'emmener très loin d'ici ?

Il secoua la tête. Je poussai un long soupir. Ses yeux prirent un éclat amusé.

- Et tu ne peux pas le jeter par-dessus une falaise, ou dans un lac ? Il doit bien y avoir un de ces deux endroits dans le coin, non ?

Trù gloussa.

- Bon, très bien. Je dois le faire seul, c'est ça ?

Il acquiesça vigoureusement.

- Bien. Alors je vais attendre un peu, et réfléchir à la meilleure manière de le tuer. Tu ne peux pas m'aider à trouver un endroit ?

Il secoua la tête, puis s'immobilisa, et acquiesça.

- C'est vrai ? Tu as un endroit en tête ?

Il me fit un clin d'œil, et abaissa les paupières. Je n'obtiendrai plus rien de sa part ce soir.

Le laissant dormir, je ressortis de la tente. J'avais trop chaud. Je voulais m'éloigner un peu de ce feu étouffant, afin de me rafraichir. Ensuite, et seulement ensuite, je pourrai me coucher et tenter de trouver le sommeil.

Mais j'avais d'abord une question importante à poser à Luzraël.

Je le vis m'observer par-dessus le feu.

- Lulu ! l'interpelai-je.

Il leva les yeux au ciel.

- J'ai une question pour toi.

- Je t'en prie, Éthéas. Pose ta question, m'invita-t-il en esquissant un geste de la main.

Je serrai les dents.

- Quand part-on d'ici ?

- Bientôt, répondit-il, évasif.

- C'est-à-dire ?

- Bientôt, répéta-t-il.

- Ce n'est pas une réponse, rétorquai-je.

Il ouvrit la bouche, mais Rosessa, toujours à côté de lui et qui observait notre échange d'un air curieux, le devança :

- S'il ne te répond pas, Éthéas, c'est qu'il estime que tu n'as pas à connaître la date de notre départ. Donc laisse-le tranquille !

Mon cœur se brisa. Mais je relevai fièrement le menton, croisant le regard noir de Luzraël.

- Tu ne m'auras pas comme ça, dis-je.

Il ricana.

- C'est censé me faire peur, peut-être ?

Je haussai les épaules.

- Peut-être.

Sans un mot de plus, je leur tournai à nouveau le dos, et partis loin dans la forêt.

Je n'en pouvais plus de ce type. Il m'exaspérait tellement !

C'était épuisant de lui parler.

Et puis, pourquoi ne voulait-il pas répondre à une fichue question ?

Je donnai un coup de pied dans un tronc d'arbre. L'arbre couina et s'ébroua.

- Excuse-moi. J'aurais dû frapper le vide. Désolé.

L'arbre se fit menaçant, se penchant vers moi. Je levai les mains en signe de paix.

- Je suis vraiment désolé... Je ne recommencerai pas.

L'arbre reprit sa place originelle et pointa une branche sur moi, tel un doigt menaçant, l'air de dire : "J'espère bien !".

J'allai plus loin. Je savais que je retrouverai le campement. Et puis, au pire, si j'étais si mauvais que ça en orientation, je pourrai toujours appeler Trù à mon secours en émettant le signal dont nous avions convenu (un simple sifflement).

Il fallait que je me calme avant de revenir au campement, car j'avais vraiment une très grande envie.

Celle de jeter Lulu dans le feu.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now