Chapitre 57

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Nous rangeâmes tous les trois nos affaires, et repliâmes nos tentes. Luzraël les fit ensuite disparaître d'un simple claquement de doigts.

- En route, nous dit-il.

Trù se secoua le dos. Je posai une main sur une de ses cornes.

- Non, Trù. Il y a trop d'arbres. Tu ne pourras pas t'envoler.

Il s'ébroua et me jeta un petit regard. Rosessa et Luzraël partirent devant.

- En plus, je suis certain que tu n'accepterais pas Luzraël sur ton dos, chuchotai-je à Trù, tout en regardant le duo s'éloigner.

Il agita la tête, approbateur.

- Alors prends Rosessa et moi sur ton dos, et laissons Luzraël ici.

Trù me fixa droit dans les yeux, soudain très sérieux, et une voix grave s'immisça dans mon esprit :

- La vérité doit être découverte.

- Quoi ? demandai-je en pensée.

- La vérité doit être découverte. Les Élus doivent trouver la Prophétie. La guerre doit commencer. La vérité doit être découverte...

Je penchai la tête sur le côté. Était-ce Trù qui me parlait ainsi ?

- Je suis la Créature qui doit accompagner les Élus. Pas l'autre créature, non, pas elle...

La voix se coupa brusquement. Je vacillai sur mes jambes. Quelle bien étrange conversation ! Enfin, il ne s'agissait pas vraiment d'une conversation, mais bon...

- Éthéas, tu viens ? me cria Rosessa par-dessus son épaule.

Je me rapprochai à pas de loup, pour entendre leur conversation, alors que nous marchions à travers les arbres de la forêt.

- Au pire, lui glissa Luzraël, on le laisse ici, et il n'aura qu'à mourir dans la forêt.

Rosessa laissa échapper un gloussement. Pardon ?

- Il n'est pas le véritable Élu, dans ce ne serait pas si grave... Je lui en veux, tu sais, de s'être fait passé pour toi. Il a menti et pris ta place. Et le pire, c'est que je commençais à...

A quoi ?

- Je sais, la coupa Luzraël.

Il jeta un coup d'œil derrière lui. Il savait apparemment que je les épiais, car il n'hésita pas, et me regarda directement, droit dans les yeux.

Il se figea, laissant Rosessa avancer devant lui. Quand j'arrivai à sa hauteur, il murmura à mon oreille :

- Jaloux ?

Puis il esquissa un sourire tout aussi mauvais que satisfait, et partit rejoindre la fille que j'aimais. Dévastée, j'observai Luzraël passer un bras autour des épaules de Rosessa, qui ne le repoussa pas. Si j'avais fait ça il y a quelques jours, j'aurais parié qu'elle se serait dégagée et m'aurait hurlé dessus.

Je secouai la tête en me souriant tristement à moi-même. J'étais vraiment à l'ouest si je m'imaginais Rosessa me hurlant dessus. Il fallait que je me ressaisisse. Immédiatement. Je ne pouvais décidément pas laisser Luzraël gagner contre moi.

Je marchai au côté de Trù, derrière Luzraël et Rosessa. 

Je pris le temps d'observer la forêt, les arbres... Et je remarquai quelque chose d'inhabituel. Il n'y avait rien. Pas le moindre bruit. Pas de vent, aucun souffle. Comme si le monde s'était arrêté, sauf pour nous quatre. La forêt était comme morte, dépossédée de son âme. La première forêt que j'avais traversée, c'était en compagnie de Rosessa, quand Luzraël n'étais pas encore là. Je me souvenais qu'elle paraissait beaucoup plus vivante que celle-ci. Ici...il n'y avait rien. Clairement rien. Seulement le vide, et plus particulièrement le silence. Et je devais avouer que ça m'angoissait. Pourquoi tout était mort ?

Je me posai cette question en marchant, en regardant autour de moi. Puis, comme personne n'avait l'air de s'inquiéter de la même chose que moi, je décidai de faire abstraction de mon ressenti.

Nous marchâmes pendant des heures. Je commençai à avoir mal aux jambes, au bout d'un certain temps, alors que Luzraël et Rosessa paraissent infatigables, invincibles.

Je finis par m'appuyer contre un arbre, le flanc droit en feu, dû à un mauvais point de côté.

- Est-ce qu'on pourrait s'arrêter un moment ? demandai-je au duo qui avançait toujours devant moi, entre les arbres.

Luzraël se retourna vers moi. Je ne sus pas ce qu'il vit sur mon visage, mais il décréta :

- Arrêtons-nous un moment.

J'eus envie de le remercier, mais je m'abstins. Méfiance, méfiance, méfiance, chuchota mon esprit. Alors je me tus.

Et j'attendis que la douleur se calme, assis sur un tapis de mousse au pied d'un arbre aussi silencieux qu'une tombe.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin