Chapitre 58

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Mais ma douleur ne s'apaisa pas, bien au contraire. Elle empira. Et, bientôt, elle ne fut plus ciblée sur mon flanc, mais elle se propagea petit à petit dans tout mon corps, telle une maladie. Était-ce cela que ma mère ressentait chaque jour où elle devait rester au lit, faute de pouvoir se lever ?

Puis j'eus un flash.

- Leur magie finit par les consumer.

Était-ce cela ? Ma magie était-elle en train de me consumer ? L'avais-je trop utilisée ? Étais-je en train de mourir à petit feu ?

Peut-être allais-je mourir avant la fin de notre périple ? Luzraël serait certainement très heureux de ne plus m'avoir dans les pattes.

Mais...non. Je ne pouvais décidément pas mourir maintenant. Je voulais encore faire des tas de choses. Je voulais revoir ma mère et mon père une dernière fois avant de mourir. Je voulais revoir le monde dans lequel j'avais vécu. Au moins une dernière fois, avant ma mort.

J'aperçus un mouvement vers ma gauche. Alors je tournai la tête et vis quelque chose d'étrange : Luzraël caressait les cornes de Trù, et ce dernier resta immobile.

Puis Luzraël ramena sa main dans sa poche. Et Trù, sans un regard en arrière, disparut à travers les arbres.

- Trù..., murmurai-je.

Pourquoi venait-il de partir ? C'était le seul ami que j'avais dans ce monde, la seule personne (créature) qui me restait.

Je me pliai en deux. J'avais mal, de plus en plus mal. Je glissai contre le tronc de l'arbre.

Je vis soudain flou. Je compris que je pleurais de douleur.

- Rosessa..., soufflai-je doucement, en repensant à la fois où je l'avais appelée comme ça, quand elle était apparue, habillée tout en blanc, dans mon rêve.

Je croisai le regard de Rosessa qui restait debout, les bras ballants. Puis, comme dans un rêve, elle se tourna vers Luzraël et lui demanda :

- Tu ne peux pas l'aider ? Avec ta magie ? J'en suis incapable, mais tu es plus fort.

Il hésita. Puis il s'approcha et s'agenouilla à côté de moi. Il me regarda. Attentivement. Très attentivement. Ce fut comme s'il me découvrait pour la première fois. Comme s'il me voyait vraiment.

- S'il te plaît, murmura Rosessa à l'intention de Luzraël, d'une voix angoissée. Je ne veux pas le voir mourir...

Je la regardai. Elle me parut soudain...différente. Différente d'il y a quelques minutes. Différente d'hier. En fait, elle paraissait être à nouveau celle que j'avais connue.

J'étais persuadé que Luzraël lui avait fait quelque chose. J'en avais maintenant la preuve.

Et Luzraël parut aussi sentir que Rosessa changeait, car il releva la tête vers elle, l'air méfiant.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? demanda-t-il.

Sa voix était troublante. Légèrement hypnotique, envoûtante. Mais elle ne me charma absolument pas.

Puis Luzraël marmonna autre chose, une énième incantation.

Et Rosessa s'effondra au sol.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? voulus-je crier.

Mais je ne fis émettre qu'un grognement rauque incompréhensible.

- C'est drôle, dit Luzraël en se redressant lentement.

Il me regarda. Je devais être dans un état pitoyable, allongé à ses pieds, tordu de douleur.

- Qu'est-ce qui est si drôle ?

- Votre histoire me fait penser à Roméo et Juliette. Même si tu es loin d'être une personne héroïque.

- C'est toi qui...

- Je ne suis pas responsable de ta douleur, Éthéas. En tout cas, pas directement.

- Et à elle ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?

- J'ai encore besoin d'elle. Elle est la Seconde.

- Tu n'es pas l'Élu. Jamais quelqu'un d'aussi sombre que toi, un tueur, serait choisi pour incarner l'espoir d'un monde.

- Tu crois ça ?

Je soutins vaillamment son regard, alors que la douleur me vrillait de toutes parts.

- J'en suis persuadé.

Il esquissa un sourire diabolique, et leva les mains.

- Je ne sais pas exactement ce que tu représentes. Mais je sais que tu vas bientôt mourir. Car oui, Éthéas. Ta magie te consume. Et c'est moi qui vais devenir encore plus puissant. Quand tu seras mort, je pourrai réaliser ce que je veux faire depuis très longtemps. Ce à quoi j'ai été préparé.

- Et quel est censé être ton avenir ? Tu dois réaliser la Prophétie.

Son sourire s'élargit.

- Non, Éthéas. Mon destin est de détruire, de tout détruire. De voler leur magie aux gens, de régner sur Le Monde Interdit. De réduire humains et créatures en esclavage.

- Il y a déjà un roi.

Luzraël se pencha vers moi, toujours en souriant cruellement.

- Et ?

- Il ne te cèdera pas sa place aussi facilement, fis-je en redressant la tête, malgré la douleur qui devenait de plus en plus insupportable.

- Tu n'as toujours pas compris, Éthéas ? Je suis le fils du roi de ce monde. Je vais lui succéder. Et quand je serai roi, ce sera la chaos. Je te le promets. Mais, malheureusement, tu ne sera pas là pour voir ça.

- Tu es son...fils ?

- Eh oui. Ça te surprend, n'est-ce pas ?

- Et que souhaite ton père ? demandai-je.

- Que je te tue. Et ensuite, que je fasse ce que je viens de te dire.

- Il me connaît donc, soufflai-je.

Une certaine douleur passa dans les yeux normalement vides de Luzraël.

- En effet, Éthéas, il te connaît. Même bien plus que tu ne le penses, d'ailleurs...

- Comment ça ?

Il ne répondit pas, et leva les mains.

- Tu dis que tu vas devenir plus puissant après ma mort... Comment serait-ce possible ?

Il ricana.

- Je vais récupérer ta magie, Éthéas. Ou plutôt, le peu de magie qu'il te reste. J'ai déjà commencer à te la voler, et c'est pour ça que tu te retrouves dans cet état pitoyable.

- Comment as-tu réussi à voler ma magie ?

Il pencha la tête sur le côté.

- J'espère que tu le découvriras, Éthéas. Que tu le découvriras après ta mort.

- Qu'est-ce que tu...

Je ne pourrai jamais finir ma phrase.

Car Luzraël leva les mains vers le ciel, si haut que la douleur me cloua sur place. Puis il me jeta un dernier regard, et forma une boule de magie dans ses mains.

Une étrange boule. La même que j'avais inintentionnellement crée la première fois que j'avais utilisée ma magie.

Mais il ne me laissa pas m'attarder sur ce détail.

Et il jeta la boule de magie sur moi.

Je me crispai. Une douleur effroyable me traversa, et je fus entièrement parcouru de tremblements.

Puis je ne sentis plus rien. Tout s'était arrêté.

Parce que j'étais mort.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant