Chapitre 33

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Il fallait que je sauve Rose de sa mort prochaine. Elle ne pouvait pas se sauver elle-même, car elle n'était pas dans son état normal.

Sans plus réfléchir, je descendis de l'arbre. La seule personne dangereuse ici, c'était cette créature sur l'estrade, car elle n'avait pas l'air envoûtée. Il allait falloir que je sois extrêmement prudent.

Je me faufilai tout au bout de la file. Puis, je pris une grande inspiration pour me donner du courage.

- Tu peux le faire, Éthéas ! me murmurai-je à moi-même.

Les doigts croisés dans le dos, je dépassai la dernière personne de la file. Elle n'eut aucune réaction, continuant à regarder droit devant elle, tel un automate. C'était horrible à voir, mais ça m'arrangeait ; il y avait une faille dans le plan du roi.

Alors, rapidement, j'enchaînai. Je passai devant toutes les personnes derrière Rose, jusqu'à me retrouver juste derrière elle.

- Rose ?

J'avais l'espoir ridicule qu'elle se retournerait vers moi et me prendrait de haut pour me dire :

- Qu'est-ce que tu fabriques ?

Malheureusement, ce moment tant attendu n'arriva pas. Bien entendu.

J'étais seul. Tant pis, j'allais devoir faire avec.

Je regardait aux alentours. En admettant que la créature de l'estrade ne me voit pas m'enfuir avec Rose, nous pouvions courir jusqu'à l'entrée du parc, et sortir de cette ville affreuse.

Je pesai le pour et le contre. Stressé, je me rongeai les ongles en observant la file qui avançait, avançait... C'était bientôt le tour de Rose. 

Six personnes, et elle mourrait.

Elle ne devait pas mourir. Et je n'avais pas envie qu'elle meure. Cette aventure solitaire m'aura au moins appris que j'appréciais beaucoup Rose. Mais je le lui dirai plus tard, quand nous aurions tout notre temps pour ça.

En même temps, les prochains jours, nous serions seuls (sans compter Trù, bien sûr), alors je pourrai lui montrer combien elle est importante pour moi.

Cinq personnes.

J'avais peur, mais m'efforçais de conserver une expression impassible. Peut-être que quelqu'un nous observait en ce moment-même ?

Quatre personnes.

J'avais pris ma décision.

Trois personnes.

C'était le moment.

J'attrapais le bras de Rose et la tirai hors du rang. Tant pis pour la discrétion, c'était l'effet de surprise qui comptait.

Rose se laissa entraîner sans opposer de résistance. Mais elle n'avançait pas vite, si bien que je la pris sur mon dos. Lorsque je relevai la tête, je croisai le regard orange de la créature de l'estrade. Un sourire cruel lui déforma les lèvres.

Je serrai les mâchoires, et courrai jusqu'à la sortie, Rose sur le dos.

Mais lorsque je passai le portail du parc, Rose poussa un cri déchirant, qui me remua les tripes. Je m'arrêtai aussitôt, de peur de lui causer encore plus de douleur.

Des formes bougèrent dans les ombres.

- Elle mourra dans tous les cas, fit une voix sifflante. Laisse-là...

J'ignorai cette voix en resserrant les jambes de Rose autour de moi. Hors de question que je laisse Rose à cette créature !

Les créatures se rapprochaient. Je me sentis vidé de toute émotion. Plus rien dans ma tête. Qu'est-ce que j'avais l'intention de faire, déjà ?

Je vis le portail du parc. J'aperçus les maisons.

Puis je me souvins.

Et le monde se déchira.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant