Chapitre 9 

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Bon, je récapitulai : j'étais seul dans une forêt inconnue, dans un autre monde que je ne connaissais pas non plus, abandonné par la seule personne que je connaissais un petit peu et poursuivi par des affreuses créatures, des chiens-hommes qui me dégoûtaient. J'avais vraiment une de ces chances...

Il fallait que je retrouve Rose. Elle seule pouvait m'aider. Mais j'avais beau regarder partout, je ne la voyais nulle part. Où était-elle ? Elle ne m'avait quand même pas abandonné ici ? Elle disait qu'elle m'attendait, qu'elle avait besoin de moi pour desceller ces maudites trappes ou je ne sais quoi. Bon. Tant pis. Il fallait que je décide de ce que j'allais faire maintenant que j'étais seul.

Mais avant que j'ai pu faire quoi que ce soit, une forme tomba presque sur moi. Mon corps avait déjà anticipé et j'avais déjà reculé de quelques pas sans m'en rendre compte. Je déglutis de peur. Qu'est-ce que c'était que ça ?

Puis je reconnus la personne grâce à ses yeux. Des yeux vairons. Un violet et un doré : Rose. Je me demandais pourquoi elle était là et pourquoi elle était tombée.

- Rose ? C'est bien toi ?

- Bien sûr que c'est moi, répondit-elle, l'air exaspérée par ma question.

Elle était exaspérée par une question que j'avais posée parce que je croyais qu'elle m'avait abandonné. Qu'est-ce que c'était que ça ? Elle m'avait laissé seul, mais c'était toujours de ma faute. Je pouvais bien me montrer exaspéré, moi-aussi.

- Pourquoi tu m'as laissé en plan ?

- Je ne t'ai pas laissé en plan, riposta-t-elle en levant ses yeux bizarres vers le ciel. J'étais dans l'arbre, juste-là, et je t'observais, tu sais.

Je regardai l'arbre en question et je me dis : « Comment elle a fait pour grimper là-haut ? ». Les branches les plus basses se trouvaient à plus d'une centaine de mètres du sol, quand même !

- Comment as-tu fait pour y grimper ? je demandai, curieux.

- Pour y grimper ? C'est simple.

Elle me disait ça comme si j'étais sensé tout savoir de ce monde ! J'étais nouveau dans cet univers, moi ! Peut-être que les arbres étaient magiques au point de se plier pour que l'on puisse y grimper plus facilement ? C'était ironique, bien sûr. On était peut-être dans un monde magique, mais bon. Tout avait des limites.

Puis Rose reprend :

- J'ai sauté, parbleu !

Je faillis éclater de rire, mais je me retins de justesse. De quel siècle venait-elle ? Qui disait « parbleu » de nos jours ? Décidément, Rose était une extraterrestre. Tant pis ! Je ferais comme si je n'avais rien remarqué. Ce voyage promettait d'être passionnant !

- Bon. On y va ? Je te rappelle que les chiens-homme sont à nos trousses.

- Je sais, me coupa-t-elle. Je les entends déjà nous chercher. Mais je te rappelle que j'ai dressé une protection.

- Ah. Les dessins, c'est ça ?

Rose leva les yeux au ciel une seconde fois.

- Ce ne sont pas de simples dessins, commença-t-elle à expliquer en prenant de grands airs.

Je l'arrêtai aussitôt en posant un doigt sur ma bouche. Un chien-homme venait de pousser un long hurlement à la façon des loups, ce qui ne présageait rien de bon. Je déglutis, et vis du coin de l'œil Rose devenir toute pâle.

- Il fait vraiment y aller, dis-je en insistant sur ce mot.

Pour une fois, Rose hocha simplement la tête, mais ne pipa mot. Bien.

Puis Rose se mit à courir à une vitesse presque surnaturelle. J'allais être incapable de la suivre si elle s'éloignait si vite ! Je fis un pauvre pas en avant. Soudain, un souffle chaud sur ma nuque, et je me pétrifiai. Rose, plusieurs mètres devant, s'était arrêtée et regardait derrière mon dos, les yeux écarquillés de frayeur.

Je savais qu'un chien-homme se tenait derrière moi et je compris. Plus le créateur de ces « dessins » s'éloignait, la force du sortilège faiblissait.

Le chien-homme me poussa sur le sol e m'immobilisa. Je fermai les yeux. Je ne voulais pas voir cette horrible créature. Je fis la seule chose que j'étais encore capable de faire : je criai :

- Rose ! Cours !

Mais elle ne l'entendait visiblement pas de cette oreille. Aucun bruit de course. Je rouvris les yeux et regardait dans la direction où elle se trouvait la dernière fois que je l'avais vue. Elle n'avait pas bougé.

- Rose, répétai-je, la voix rauque.

Ses yeux apeurés s'arrêtèrent sur moi. Puis, sur un hochement de tête qui me sembla désolé, elle quitta sa place et s'enfonça plus profondément à travers la forêt. Là, elle m'avait vraiment abandonné. Mais c'était mon choix. Elle vivrait, et moi je serai mort.

Je reposai ma tête contre le sol et regardai le chien-homme dans ses yeux noirs et vides. Il se léchait les babines. J'étais son repas. Mais je n'avais pas peur de mourir. Qu'il me dévore !

Je refermai les yeux, attendant la mort. J'aurais dû penser à mon monde. A ma famille, à mes amis que j'avais laissé dans le parc. Et pourtant, la seule personne à qui je songeai était Rose. La dernière personne que j'avais vue. Le dernier monde que je verrais n'étais pas le mien. Je m'étais toujours imaginé ma mort dans d'autres circonstances : très vieux, avec mes descendants autour de moi, rassemblés autour de mon lit de mort pendant que ma vieillesse m'achèverait.

Je ne voulais pas mourir comme ça. Pas de cette façon. Je rouvris les yeux, mon corps rempli d'une force et d'une puissance nouvelles.

Et le monde explosa autour de moi.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now