Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]

Chapitre 44

Luzraël marmonna des incantations, le regard fixé sur Rosessa, pendant toute la journée.

J'avais, pour ma part, gardé les yeux rivés sur l'endroit où nous étions sortis de la caverne, avec l'espoir ridicule d'y voir apparaître Trù, vivant.

Mais alors que la nuit tombait, je n'avais pas aperçu Trù. Il était mort, ce n'était pas possible autrement.

Soudain, une voix s'éleva derrière moi :

- Si tu as fini de pleurer la mort de ton cher compagnon, Éthéas, nous pourrions peut-être aller s'abriter ailleurs.

- Tu n'as pas réussi à la réveiller ? lui demandai-je en parlant de Rosessa, sans me retourner vers ce fauteur de troubles.

Même sans le voir, je devinai qu'il souriait d'un air machiavélique. Et sa réponse allait parfaitement avec ce que je m'imaginais :

- Je n'ai jamais dit que je la réveillerais.

Je poussai un long soupir las.

- J'aurais vraiment aimé ne jamais te rencontrer, Lulu. Tout allait très bien, jusqu'à ce que tu arrives.

Je me retournai vers lui et le scrutai. Il me regarda fixement, et ce fut une véritable guerre de regards qui s'installa.

- Tu vas me dire qu'il s'agit d'une simple coïncidence, j'imagine ?

Il se leva, hautain, et me toisa.

- Exactement, par que ça l'est. Tu n'as aucun moyen de prouver ce que tu avances. J'ai fait les rêves. Tu es un imposteur.

Je levai les mains en l'air et esquissai un sourire avant de dire :

- C'est celui qui dit qui l'est.

- Tu es un gamin, termina Luzraël, tout en levant les yeux au ciel.

Je portai théâtralement une main à mon cœur et fis mine d'être affreusement triste.

- Je suis vraiment touché par tes paroles. Ça me fait mal, tu sais...

- C'est le but.

Je rejetai la tête en arrière et éclatai de rire.

- Je vais t'apprendre un truc, Lulu. Ce que je viens de faire s'appelle de l'ironie. Répète après moi : i-ro-nie.

- Tu es vraiment...

- Là, c'était du sarcasme. On t'a appris quoi, dans ton pays ?

Une lueur menaçante passa dans le regard de Luzraël, confirmant ce que je pensais.

- Si tu ne veux pas que je te laisse ici, Éthéas, tu ferais mieux de te lever et de me suivre.

- Tu sais donner des ordres, voilà une chose que tu sais faire ! Par contre, pas sûr que tu sois assez impressionnant pour que je t'obéisse.

- Et ferme-là !

- Oh ! Pauvre petit chou ! Lulu est énervé, ouh j'ai peur !

Je m'amusai à le faire tourner en bourrique. C'était tellement drôle à voir !

Je finis par me lever.

- Bon. Je te propose qu'on aille se mettre ailleurs, dis-je. La nuit tombe.

Il gonfla les narines, l'air vraiment, vraiment énervé, et leva un doigt menaçant à mon intention.

- Maintenant, Éthéas, tu arrêtes de faire la malin, et tu te tais. C'est moi qui commande, ici. Toi, tu obéis.

- Mais bien sûr, Lulu. J'obéis à moi-même. Donc si je ne veux pas t'obéir, je ne t'obéis pas, parce que je n'obéis qu'à moi, et moi seul.

Il se pinça l'arrête du nez.

- Tu veux qu'elle se réveille, oui ou non ? dit-il en montrant Rosessa.

Je la regardai et déglutis discrètement. Il n'allait quand même pas utiliser le fait qu'elle soit endormie pour me faire obéir ?

- Si tu veux que je la réveille, tu m'obéis. On va aller se mettre dans la forêt.

Eh bien, si, il l'a fait. Je le déteste de plus en plus, ce garçon.

- Mais il y a des créatures, dans la forêt. Tu veux prendre le risque qu'elles nous mangent ?

- Rose ne t'a rien expliqué ? Toutes les forêts sont différentes.

- Non, elle ne m'a pas dit. Ce n'était pas trop sa préoccupation principale, j'imagine.

Il soupira.

- Bon. Viens.

Tandis qu'il prenait Rosessa dans ses bras, je jetai un dernier coup d'œil derrière moi, en direction de la caverne. Pas de Trù à l'horizon. Il était vraiment mort.

Je ravalais ma tristesse, qui se forma en une grosse boule dans ma gorge.

Puis je suivis Luzraël dans la forêt sombre et peu accueillante.