Chapitre 49

15 5 8
                                    

Nous nous installâmes, Luzraël et moi, de part et d'autre du feu, qui nous séparait. C'était comme une barrière de sécurité entre nous, pour nous empêcher de nous entretuer.

Rosessa était allongée non loin de nous, sur un tapis de mousse, au pied d'un arbre.

Je m'étais installé en boule près du feu pour profiter de sa douce chaleur. Mais je n'arrivais pas à m'endormir.

Il y avait maintenant trois bonnes heures que nous nous étions couchés, et je ne dormais toujours pas.

Je me remis en position assise d'un geste sec. Il fallait que je bouge. Maintenant. Sinon, j'allais devenir fou, à rester allongé là, à attendre le sommeil qui ne viendrait sans doute jamais.

Alors je me levai, en essayant de faire le moins de bruit possible.

Je m'enfonçai au milieu des arbres. La forêt était silencieuse, trop silencieuse.

Je pressentais que quelque chose allait se produire...

Une chose bonne ou mauvaise ? Ça, je n'en avais pas la moindre idée.

Mais c'était certain. Il allait se passer quelque chose.

Une chose importante...

Je dirigeai mon regard vers la brume qui entourait doucement les troncs d'arbres. Je m'étais éloigné du feu, et il faisait tellement noir que je ne voyais plus où je mettais les pieds.

Je trébuchai sur une racine, et m'étalai par terre en pestant. Pourquoi fallait-il qu'il m'arrive toujours un truc ?

Alors que je m'appuyai sur mes mains pour me redresser, quelque chose, quelconque de vivant, me sauta dessus, et mon corps fut à nouveau projeté à terre.

Ma tête cogna le sol, et des étoiles dansèrent devant mes yeux.

Je savais ce qui se trouvait au-dessus de moi.

Une créature.

Elle grogna férocement, et je me protégeai inconsciemment la tête.

Pourtant, rien ne vint.

Puis un hurlement déchira le silence, et j'ouvris les yeux après avoir écarté mes mains protectrices de mon visage.

Non loin de moi,deux bêtes, deux créatures, se faisaient face. Je n'arrivais pas bien à les voir. L'une n'était qu'une masse informe, et la seconde ressemblait à un oiseau. Un gigantesque oiseau.

Bref, j'étais fichu. Deux créatures contre moi... Pourquoi diable avais-je quitté le campement ?

Bon. Ce qui était fait, était fait. Je n'allais pas m'appesantir sur la passé.

Je pivotai sur mes talons, avec la ferme intention de faire demi-tour sans attirer l'attention des deux créatures étranges sur moi.

Seulement... Comme j'avais toujours de la chance, une brindille craqua son mon pied droit.

Je me figeai, dans l'espoir de passer inaperçu.

Je n'étais pas là...

Je n'étais pas là...

Je n'étais pas là...

Une bête se jeta sur moi dans un feulement. Sérieux ? Un feulement ?

Je compris qu'il s'agissait de l'oiseau, car quelques plumes me chatouillèrent le visage lorsqu'il prit le haut de mon col dans son bec.

Je fis face à ses yeux. Ils étaient jaunes, et particulièrement lumineux ; je les voyais comme en plein jour !

Lorsque la bestiole me relâcha et me plaqua brutalement contre le sol, je compris qu'il ne s'agissait pas d'un allié.

Mais soudain, le poids qui m'oppressait disparut.

Quelque chose de très lourd tomba sur le sol, et je sursautai.

Je me relevai difficilement, et assistait à un combat spectaculaire : les deux bêtes se battaient !

Toutes les créatures de ce monde n'étaient-elles pas supposées être amies ?

Je haussai les épaules. Peu importait.

La créature informe arracha quelque plume à l'oiseau bizarre, qui se recroquevilla. Puis il m'adressa un regard meurtrier de ses étranges yeux jaunes, et battit des ailes. Il s'envola, et disparut loin de nous.

L'autre créature resta immobile après son départ. Puis elle s'effondra. Brusquement.

Je fis un pas en arrière, puis refit un pas en avant.

J'hésitai pendant de longues minutes, puis me persuadais qu'il s'agissait de la bonne chose à faire.

Je m'accroupis à côté de la bête.

- Merci. Tu mas sauvé la vie, dis-je.

Elle couina. Apparemment, cette créature était blessée. Et je ne savais pas quoi faire pour la sauver...

Soudain, un rayon de lune éclaira la clairière...et la créature.

Je vis enfin son poil. Et ses yeux. Il étaient à-demi fermés, mais je pouvais deviner leur couleur violette. Elle avait aussi des cornes...

C'était Trù.

- Trù ? demandai-je, la voix pleine d'espoir.

La créature redressa la tête et acquiesça. Il me comprenait ?

Puis il referma les yeux, et j'approchai mes mains de sa blessure. Je posai mes doigts dessus, et il poussa un gémissement à fendre le cœur.

- Je vais te guérir, Trù. Tu vas bientôt aller mieux, je t'en fais la promesse.

J'agitai mes doigts, et appelai ma magie, croisant les doigts pour qu'elle daigne faire son apparition.

Cela fonctionna. Subjugué, j'assistai à quelque chose d'incroyable : je guérissais quelqu'un. J'observai la douce lumière dorée qui s'échappait de mes paumes.

Tout le corps de Trù s'illumina.

Puis la blessure se referma, et ce fut comme si elle n'avait jamais existé.

Trù rouvrit les yeux, et me lécha le visage.

J'éclatai de rire.

Il n'y avait plus de doute possible, à présent.

C'était bel et bien lui.

Il était revenu. Il n'était pas mort.

La culpabilité qui m'oppressait la poitrine s'envola, et je serrai Trù dans mes bras, aussi fort que je le pu.

- Je suis content que tu sois revenu, Trù. Bon retour parmi nous.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now