Chapitre 47

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Ce fut brutal.

Un bref éclair de lumière, puis le néant.

Le vide, quand Rosessa ouvrit enfin les yeux.

Elle ne me regarda pas. Pas une seule fois.

Elle planta ses yeux vairons dans ceux de Luzraël, et un message silencieux passa entre eux.

Je me sentis bizarrement absent.

Plus aucune émotion ne me traversait.

J'avais envie de hurler à Rosessa que j'étais là, que j'avais bataillé pour que Luzraël la réveille.

Mais les mots ne voulaient pas sortir de ma bouche. Ma langue était comme soudée à mon palais.

Alors je restai là, devant eux, tandis qu'ils se regardaient, les bras ballants.

Seul.

Rosessa cligna les paupières, fronça les sourcils, mais ne détourna pas son regard de Luzraël.

J'étais comme inexistant. Invisible.

Je détestais aussitôt cette sensation.

Alors c'était ça, que l'on ressentait, au lycée, quand on était pas populaire, quand les autres nous marchait dessus ?

Je vacillai sur mes jambes.

J'étais encore plus bête que je ne le pensais.

Rosessa avait raison de ne pas me regarder.

J'avais fait des choses méchantes. Très méchantes.

Je vois, dans mes souvenirs, ce que j'ai fait.

Du mal. De la peine.

Une fille vient me voir. Elle a le visage boutonneux, et je suis dégoûté qu'elle ose se montrer devant moi. Je ne connais même pas son prénom. Je me trouve sur un banc dans la cour, entouré de mon groupe de copains.

Lorsqu'elle me dit qu'elle m'apprécie, je ricane, hautain. Je la prends de haut, comme si je valais mieux qu'elle.

Alors que c'est faux. Terriblement faux.

- Toi, tu m'apprécies ? Moi, non, je lui jette à la figure. Tu as vu ta figure ?

Ses yeux se remplissent de larmes. Elle tente de les retenir, mais elles dévalent ses joues lorsque mes amis rigolent, se moquant ouvertement d'elle.

Aujourd'hui, je comprends combien cette fille était courageuse. Venir seule, me dire qu'elle m'appréciait, devant tout mon groupe de copains. Nous n'avions pas été sympas. Pas du tout.

Même si je ne la connaissais pas, j'aurais pu, j'aurais dû, lui demander son prénom, ou essayer de la connaître. Même si je ne l'appréciais pas particulièrement en retour, j'aurais pu, j'aurais dû, lui dire autrement, et ne pas me moquer d'elle avec mes copains. La prendre à part.

Un petit roi pourri gâté. Voilà ce que j'étais.

Rosessa avait tout à fait raison de me détester, même si j'avais tout fait pour la sauver.

Quoique...

Luzraël ne pouvait pas être mieux que moi.

J'avais peut-être fait des choses méchantes dans ma vie, mais je comptais changer, évoluer, devenir meilleur.

Je n'étais pas sûr que ce soit son cas à lui.

Il devait être encore plus mauvais que moi.

J'avais réalisé mes erreurs, et j'avais l'intention de rectifier tout ça.

Lui... Je pensai qu'il resterait ainsi à vie, et qu'il ne comptait certainement pas changer pour les autres, ni pour lui.

Il aimait être méchant.

Je pouvais parfaitement comprendre cette sensation.

Avec mes copains, quand j'avais humiliée cette fille, je m'étais senti fort.

Je ne l'étais pas. Pas du tout.

J'étais faible.

Alors, Luzraël aussi devait l'être. Je ne le connaissais pas en détail (et je doutais de le connaître un jour), mais il se trompait en fanfaronnant, en disant qu'il était fort.

"Chacun possède une part d'ombre et de lumière en soi. Celle qui compte, c'est celle que l'on choisit de montrer dans nos actes."

Ma mère m'avait dit cette phrase un jour. Elle ne savait pas quelle personne j'étais au lycée, mais se doutait de quelque chose. Elle me répétait de faire attention à mes paroles, à mes actes. Bien sûr, je lui promettais à chaque fois, plein de bonnes intentions, mais une fois retournée avec mes amis, je ne pouvais pas m'empêcher de recommencer.

Bref.

Je pouvais me montrer meilleur que Luzraël.

Peut-être qu'en devenant meilleur, Rosessa m'apprécierait. Ou alors, elle me jetterait. Mais je pouvais, je devais au moins essayer.

Rien que pour ma mère.

Essayer de devenir gentil.

Pour que mes parents soient fiers de moi, même si je doute de les revoir un jour.

Pour que Rosessa m'aime, comme je l'aimais.




Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now