Chapitre 54

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Après quelques heures, je pris la décision de rentrer au campement, avec l'espoir que Luzraël et Rosessa se soient finalement couchés en mon absence.

Je parvins à retrouver mon chemin sans trop de peine.

Il faisait tellement sombre que je commençais à frissonner. Quelle idée d'aller dans la forêt en pleine nuit ?

Heureusement, le feu était toujours allumé, ce qui me permit de retrouver la tente que je partageais avec Trù sans mal.

Le feu projetait des ombres étranges sur la toile de la tente, mais je ne m'y attardais pas, car une voix sortit de l'obscurité :

- Alors, on se promène ?

Je me tournai aussitôt vers la source de cette voix que je commençais à bien connaître. Luzraël se tenait devant moi, droit et fier comme un paon.

- Tu n'es pas encore couché ? demandai-je.

Il s'approcha de moi, lentement, tel un animal nocturne guettant sa proie.

- Toi non plus ? Tu prépares quelque chose, Éthéas.

Je partis d'un grand rire.

- Et que voudrais-tu que je prépare ?

Il  croisa les bras sur son torse, me scrutant avec attention.

- Je ne sais pas trop, finit-il par prononcer.

- Alors ne dis pas des choses sans savoir, rétorquai-je sèchement.

Non mais, celui-là, vraiment !

- Très bien. Alors je vais te poser une question. Que fais-tu dehors en pleine nuit ?

- Tu m'as vu partir, non ? Tu ne pouvais pas poser la question à ce moment-là ?

Il m'adressa un sourire narquois.

- Figure-toi, petit, que j'étais un peu...occupé.

Mon cœur se serra dans ma poitrine, mais j'en fis abstraction.

- Arrête de m'appeler "petit". Nous avons le même âge...

- ...mais tu as la mentalité d'un gamin, Éthéas.

Un petit sourire, infiniment léger, se forma sur mes lèvres.

- Tu peux parler, Lulu !

- Tu ne vas pas recommencer ! soupira-t-il, l'air las.

Je croisai les bras, l'imitant.

- Tu ne vas pas recommencer, répétai-je.

Il ne fit que soupirer plus fort.

- Gamin, me lança-t-il.

- Qui a commencé ? rétorquai-je.

Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais une autre voix, une voix féminine que je connaissais très bien, se joignit à la conversation :

- Luzraël ? Avec qui est-ce que tu discutes ?

Luzraël se retourna. Rosessa nous observait depuis sa tente, et je ne l'avais pas remarquée jusque là.

- Je parle avec Éthéas, répondit Luzraël.

Elle s'approcha de nous, et je crispai, préparant mon cœur à souffrir.

- Ah, fit-elle. Je ne te voyais pas, de loin, me dit-elle, la voix aussi froide qu'au début de notre rencontre.

Elle se tourna vers Luzraël, et reprit d'une voix plus chaleureuse :

- Tu viens ?

Je vis qu'il hésitait. Il était partagé entre me faire souffrir en parlant avec Rosessa, ou me faire souffrir en parlant avec moi de Rosessa. Quel cruel dilemme !

Alors, bien entendu, il trouva la réponse, la solution miracle, qui me ferait souffrir deux fois plus.

- Vas-y, je te rejoins tout de suite.

Elle le regarda dans les yeux, et un message silencieux passa lentement entre eux deux. Puis, sur un hochement de tête, elle s'éloigna.

Luzraël attendit que Rosessa soit rentrée sous leur tente pour continuer la conversation. Il s'avança vers moi et me reprit sur un ton menaçant :

- Qu'est-ce que tu manigances, Éthéas ?

Je croisai à nouveau les bras, lui faisant face.

- Je ne manigance rien du tout. C'est toi qui vois le mal partout. Tu es tellement paranoïaque ! Arrête de regarder autour de toi, le mal est là (je pointai son cœur d'un doigt).

Puis je fis volte-face, sans attendre sa réponse, et rentrai sous la tente que je partageais avec Trù.

A travers le tissu, je vis son ombre, éclairée par les flammes dansantes du feu de camp.

Il resta debout sans bouger, figé en statue de pierre, une bonne partie de la nuit, avant de rejoindre Rosessa sous leur tente.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now