Chapitre 43

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- Réveille-là, s'il te plaît, dis-je d'une voix ferme.

Je désignai Rosessa.

Mes poings tremblèrent brusquement, me trahissant.

Luzraël me jeta un regard accompagné d'un sourire mesquin. Il croise les bras sur son torse et soupire, l'air faussement déçu :

- Je t'ai dit que je le ferai, seulement si j'en ai envie.

- Eh bien, fais-le.

- Non.

- Comment ça, "non" ?

- C'est si drôle de te voir aussi prêt à tout pour ta Rose chérie...

- Quand elle se réveillera, je lui raconterai tout. Je lui dirai que je t'ai démasqué, et que tu es un imposteur.

- Si je décide de la réveiller, penses-tu réellement qu'elle te croira ?

- Si ce n'est pas le cas, ça voudra dire que tu l'as ensorcelée.

Il penche la tête sur le côté, puis applaudit lentement, se moquant ouvertement de moi et de mon impuissance face à une telle situation.

- Je suis l'Élu, rétorqua-t-il avec mépris. Retiens bien ça. Et tu es l'imposteur, Éthéas.

- Réveille-là immédiatement, lui ordonnai-je.

- Parce qu'en plus, tu penses que je vais t'obéir ? Tu es encore plus bête que je le pensais.

Il s'esclaffa d'un rire sans joie. J'eus comme l'impression que ce garçon n'était pas capable de ressentir de la joie.

Alors que je m'apprêtai à répliquer, le sol trembla sous nos pieds. Rosessa fut projetée à l'autre bout de la caverne, et je me précipitai vers elle. De sa tempe s'écoulait un mince filet de sang, mais la blessure n'avait pas l'air si grave. Je la tamponnai avec le bas de mon haut.

La terre trembla encore, et je agrippai aux rochers qui sortent du sol d'une main, l'autre accrochée à l'épaule de Rosessa pour l'empêcher d'être envoyée trop loin.

Les secousses étaient particulièrement violentes.

Des bouts de roche commençaient à tomber autour de nous, et je compris dans un cri que la caverne n'allait pas tarder à s'effondrer.

Je jetai un coup d'oeil dans mon dos, et avisai Luzraël, qui marmonnait d'étranges incantations, les yeux mi-clos.

- Il faut que nous sortions d'ici ! criai-je.

- Qu'est-ce que tu crois que je fais ?

Je me rendis compte que, avec ses  incantations, il creusait peu à peu un passage dans la roche. Au bout d'un moment qui me sembla être une éternité, la roche se perça, et la lumière éblouissante du jour pénétra en flots abondants dans la caverne. Je me protégeai les yeux en les fermant brusquement.

Rosessa me fut brutalement arrachée, et je rouvris aussitôt les yeux, paniqué.

Luzraël me surplombait de toute sa hauteur, Rosessa dans les bras.

- Laisse-là !

Je ne supportai pas l'image de Luzraël en preux chavelier.

Il agrippa Rosessa plus fort.

- Tu veux qu'elle vive, ou qu'elle meurt ?

- Qu'elle vive ! m'écriai-je aussitôt, sans hésiter une seule seconde.

- Alors arrête des jérémiades et sortons tout de suite de cette maudite caverne !

Il fut le premier dehors. Je me jetai derrière lui, alors que derrière moi, c'était le chaos.

Je fus à peine arrivé à l'extérieur qu'une pierre tombait derrière moi, bouchant l'entrée.

Je restai un long moment planté devant l'endroit où nous aurions pu mourir, hébété.

- Tu comptes rester là toute la journée ? m'interpella Luzraël, la voix moqueuse.

Je ne répondis pas, mais me retournais, afin de lui faire face.

Il avait reposé Rosessa au sol, et se tenait juste derrière elle.

- Et si tu la fermais ? lui suggéré-je, sur un ton faussement gentil.

Il ouvrit la bouche puis la referma sans rien dire.

- C'est bien.

Telle fut ma réplique. Satisfait, je me posais sur une pierre qui sortait du sol et pris une grande inspiration.

Je me passais une main sur le front, avant de me figer brusquement dans mon mouvement.

- Trù, soufflai-je.

Pris d'une panique sans nom, je me levais en quatrième vitesse.

Je me mis à faire les cent pas, devant Luzraël qui, comme à sa très mauvaise habitude, ricanait pour montrer combien il appréciait se moquer de moi.

- Nous avons laissé Trù dans la caverne.

- Trù ?

Pour une fois, il avait réellement l'air intrigué.

Je m'énervai, et balançai mes bras dans tous les sens.

- Oui, Trù ! La créature qui était avec nous !

Je me mordis la lèvre.

- Oh mon Dieu ! Nous l'avons laissé à l'intérieur ! Il doit être mort à l'heure qu'il est, avec tous ces éboulements ! Je suis vraiment une mauvaise personne...Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte plus tôt...?

Je continuai à me lamenter, puis retombais d'un coup sur ma pierre et me tus brusquement. 

C'était un cauchemar, c'était simplement un affreux, un très affreux cauchemar... Il ne pouvait pas en être autrement.

- C'est bon, Éthéas ? Tu as fini de pleurer comme une fillette ?

Il rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

- Pathétique. Voilà ce que tu es, Éthéas. J'ai trouvé l'adjectif qui te correspond le mieux ! Pa-thé-ti-que. Retiens-le bien.

Je lui jetai un regard noir.

Mais je me recachai aussi, la tête entre mes mains, en pensant à Trù. 

Je l'avais oublié... J'étais vraiment un bien piètre ami. Et j'avais causé sa mort. J'étais le seul responsable.

Coupable.

Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now