Le Monde Interdit T1 [EN RÉÉCRITURE]

Chapitre 35

Rose ne se réveilla pas dans le ciel.

Je finis par demander à Trù d'atterrir. Je ne savais pas où nous nous trouvions, mais il fallait que nous nous remettions de nos émotions. Et je pensai que nous étions assez loin du dôme du roi pour ça.

Trù atterrit avec le plus de douceur possible. Je le remerciai d'un hochement de tête. Nous avions notre langage à nous, mais ça fonctionnait.

Trù s'était posé sur un terrain plat, au pied d'une montagne. A ma gauche se tenait une grande arche de pierre qui m'intrigua aussitôt.

Je passai sous la voûte de pierre pour rejoindre un petit espace aménagé sous la roche. Trù me suivit joyeusement. Mais lorsque je posai Rose au sol, la terre trembla brutalement, et nous fûmes, Trù et moi, projetés à terre.

Je m'accrochai désespérément à un rocher et hurlai le nom de Rose, avec l'espoir qu'elle se réveille. Mais ses yeux ne s'ouvrirent pas. Elle était ballottée dans tous les sens comme une molle poupée de chiffon. Ce spectacle me donna la nausée, et je tentai de m'approcher d'elle pour la maintenir et qu'elle ne se fasse pas mal contre les pierres.

Mais ce fut peine perdue, car tout disparu. Comme plongés dans un trou noir, les couleurs disparurent. Il n'y avait plus rien, seulement le vide qui me cernait de toutes parts. Où me trouvais-je ? Qu'allait-il nous arriver, maintenant ?

Le sol arrêta de bouger. Je n'y voyais toujours rien. Cette cécité me mit mal à l'aise. A tâtons, je touchai le sol. C'était de la terre. Je fronçai aussitôt les sourcils. N'était-ce pas de la pierre quelques minutes auparavant ?

- Rose ! Trù ! appelai-je.

Seul le silence me répondit. Étais-je mort ? Déjà ? Avais-je trop utilisé ma magie ?

- Je n'ai rien fait, dis-je alors. Je ne contrôle pas ma magie. Je n'avais pas le choix. Je suis désolée si j'ai tué des créatures, ma seule intention était de nous protéger, Rose et moi, et de faire en sorte que nous sortions de sous ce dôme bizarre sains et saufs. Je suis désolé si j'ai...

Un gémissement plaintif m'interrompit. J'ouvris grand les oreilles.

- Trù ?

Couinement léger.

- Où es-tu ?

Là, un petit bruit, sur ma droite. Je m'orientai vers lui et tendis la main jusqu'à sentir son doux pelage contre ma paume ouverte.

Trù était là, c'était déjà ça. Mais Rose ? S'était-elle enfin réveillée ?

- Rose ? questionnai-je.

Pitié, faites qu'elle ne soit pas morte !

Je réussis à me relever.

- Je reviens Trù, dis-je. Je vais essayer de trouver Rose, d'accord ?

Petit couinement. Je pris ça pour un oui.

En tendant une main devant moi, je pus mettre un pied dans l'autre. Étais-je devenu aveugle, ou  est-ce qu'il faisait simplement noir, ici ? Et puis, d'ailleurs, où étions-nous ?

Tant de questions ma traversaient, mais celle qui revenait le plus était : Est-ce que Rose va bien ?

Je finis par me prendre les pieds dans quelque chose de plutôt mou.

- Rose ? Rose ?

Je me penchai sur cette chose dans laquelle j'avais buté avec mon pied. Aveugle, je la secouai. Je reconnus son odeur. Il s'agissait bien de Rose.

- Rose !

Elle ne bougea pas. Je conclus qu'elle devait être encore évanouie. Je lui donnai de petites tapes sur les joues. J'avais lu ça un jour, dans un journal.

- Rose ! Réveille-toi ! Rose !

Elle finit par prendre une grande inspiration. Je sursautai.

- Rose ?

- Qu'est-ce que... Éthéas ? Pourquoi je ne vois rien ? Qu'est-ce qu'il 'est arrivé ? J'ai mal...

- Où as-tu mal ?

- La tête, gémit-elle. Ouille !

- Ça doit être un effet secondaire. Moi non plus, je ne vois rien. Ne t'inquiète pas, on va se sortir de là.

- Tu as essayé de créer de la lumière ?

- Heu...

- Ça, ça veut dire non, soupira-t-elle. Essaye, Éthéas. Je ne peux pas le faire.

- Bien sûr.

Je me redressai et expirai un grand coup.

- Tu peux le faire, Éthéas, souffla-t-elle en me serrant la main.

Je fus surpris par ce brusque contact, mais ne me dérobai pas.

- Vas-y. Je crois en toi.

Je sentis son regard sur moi, mais ça me rassura. Je me concentrai sur un doigt, pour commencer. Je l'imaginai allumé, étincelant, comme dans le tunnel que j'avais emprunté avec Rose, la toute première fois, après notre rencontre dans le terrier. Et je réussis, après quelques essais, à l'allumer.

Nous nous trouvions dans une caverne. Comment nous étions arrivés là, par contre...C'était encore un mystère, sans doute encore étroitement lié avec la magie.

Rose était là, face à moi, les yeux ouverts, les yeux normaux. Son regard brillait de fierté tandis qu'elle regardait mon doigt allumé par la magie.

- Tu es là, soufflais-je, ému de la retrouver.

- Oui, sourit-elle. Je suis revenue, Éthéas, et je te promets que je ne t'abandonnerai plus jamais.

Et je sus que c'était vrai, car jamais Rose n'aurait fait une promesse à la légère. Je lui souri. Nous restâmes un moment dans cette position, elle allongée, moi accroupie à côté d'elle, nos mains liées.

Puis, son regard changea. Son visage s'assombrit, mais elle resserra sa main autour de la mienne. Trù grogna.

- J'imagine que tu n'as pas trouvé la Prophétie ? me demanda Rose.

- Il ne peut pas l'avoir trouvée, fit une voix grave derrière moi, qui résonna contre les parois de la caverne. Il n'est pas le véritable Élu.