Chapitre 7

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La dénommée Samantha, alias gérante d'hôtel sans vie, me vante les mérites de ce stupide fête. Tout ça pour que je fasse un don à ces gens qui ont laissés des enfants crever à deux pas de chez eux. Il me devient difficile de jouer la comédie de la touriste intéressée, alors, je délaisse la dame en prétendant vouloir regarder par moi-même.

Il me faut juste assez de temps pour disparaître de sa vue, retourner à l'hôtel et prendre mes affaires. Je laisserais la clé, comme prévu, sur son comptoir, elle pensera que je suis partie si elle rentre plus tôt. Il va falloir que je cache ma voiture prêt de la ferme, mais pas trop afin que le père Anton ne s'aperçoive pas de ma venue.

Mon cœur bat à tout rompre, j'ai également la respiration saccadée d'appréhension. Une pression étrange dans le ventre, elle monte et descends, me rappelant depuis hier ce mal que j'ai subi, pour ensuite chuchoter que tuer son prochain n'est pas le meilleur des choses à faire, cependant, le regard affligé de Maya m'enlève tous mes doutes. Je dois garder sa mort à l'esprit, et ne plus laisser ma conscience me faire douter.

Comme je m'y attendais, il reste tout le temps cloîtré chez lui. Samantha me l'a confirmé mine de rien, sauf que de son point de vue, l'homme de Dieu se fait vieux, fatigué, alors il passe ses derniers jours à profiter de sa solitude. Mes fesses, oui. Je devrais m'assurer qu'il n'y a pas des gamins qu'il maltraite avant de rendre l'âme. Il en est capable, cette ordure égoïste ne pense qu'à lui.

La lune est pleine de soir. Je n'ai pas besoin d'allumer mes phares. Je connais la route comme ma poche. Lentement, je me rapproche le plus possible de cet endroit, me gare aussi prêt que le bruit du moteur me le permet. Mon sac est avec moi, j'ai sorti tout ce qui est inutile pour ne garder que mon matériel.

Tout comme la veille, il n'y a que le salon qui est illuminé. Je me demande ce que sont devenu nos chambres, puis chasse cette idée de ma tête. Il faut que je reste concentrée et ne laisser aucune place au passé, même si au dedans j'ai l'impression d'être en combustion.

Tout est si calme. Comme autre fois. Dire qu'il y avait des fillettes qui hurlaient de douleur dedans, et pourtant, au dehors, tout semblait si serein. Cette constatation me donne envie de vomir de fureur.

La porte de dernière possède une vitre que je peux casser, sauf qu'en poussant la porte, je la trouve ouverte. Et merde. Je regarde autour de moi, il n'y a pourtant personne alors pourquoi le vieux cinglé ne ferme pas à clé ? J'entre, la poitrine douloureusement martelée par mon cœur qui cogne comme jamais... Enfin, si, autrefois... De peur... Ces souvenirs me poussent à poursuivre.

Le bruit de la télévision se fait entendre. On n'avait jamais le droit de la regarder. Je dépose silencieusement mon sac et prends ma batte. En entrant dans le salon, je vois un crâne dégarni, lui, sur son fauteuil. Il regarde un truc dégelasse avec des enfants innocents. Le pire est que les lieux semblent correspondre avec cet endroit... Il filmait... Seigneur, combien était-ils avant nous ? Pire, après nous !

Je dois retenir ma respiration pour calmer un sanglot inattendu, la honte, la peine, la rancœur, tout ce mélange et me déstabilise. Il faut que je garde Maya à l'esprit pour ne pas perdre le contrôle de moi-même.

Tenant fermement ma batte en main, j'avance, la respiration difficile. Je lève le morceau de bois sculpté et deux prunelles ébène se détournent rapidement, me faisant sursauter, suffoquer, les cris de ma sœur retentissent dans ma tête alors que je frappe de toute mes forces tout en lâchant un hurlement désespéré.

Plus rien, il est hors d'état de nuit. Sans conscience. Alors pourquoi suis-je pétrifié ? Le souffle court, le cœur douloureux et ces larmes qui inondent mes joues ? J'ai besoin de lui faire plus de mal, tellement plus.

Comme il a l'aire pitoyable, en ce moment, âgé, seul, ridés. Je l'observe quelques secondes, il n'a plus rien d'impressionnant, d'effrayant, il est vieux et laid tout comme son âme. Il est à ma merci...

Il faut que je me reprenne, mes mains tremblent comme tout mon corps d'ailleurs. Je cours prendre mon sac et sort les liens, les menottes, et l'attache aussi solidement que ma force le permet. Qu'il étouffe ce connard, qu'il voit ce que ça fait de ne pas pouvoir respirer alors qu'un truc dégoutant s'enfonce dans notre gorge. J'éteins la télévision, et attend qu'il se réveille.

Je veux le voir comprendre. Je veux sentir la peur secouer son corps gras... Je veux sa mort... L'imaginer souffrir soulage un peu mon état d'anxiété, mes tremblements se calment, mon envie de pleurer, par contre, persiste, pousser par une boule de frustration dans ma gorge.

Une euphorie soudaine m'envahit. Il est là, devant moi, et il va souffrir. Comme c'est délicieux de se sentir puissant. Je pleure sans pouvoir me retenir. Les images de Maya, se tenant juste en face de moi, me regardant fièrement, m'apparait. Elle est encore ici, son âme souillée du moins.

- Je suis là, Maya... Je vais le faire payer pour tout...

Je sais que tout ça fait partie de mon imagination. Mais savoir qu'elle me voit la venger, et que peut-être tous les autres enfants sont là, me donne la force de le faire. Il n'est pas si facile de prendre la vie, mais lorsqu'on nous pousse à commettre un meurtre, s'en est délectable. La douleur que j'ai ressentie en ses lieux partira enfin. Je serais libre après avoir libérée les autres... j'ai besoin de ça !

Maya me regarde encore, elle ne sourit plus et s'en va. Sauf qu'elle ne monte pas l'étage, mais disparait devant la grande porte de la cave. L'homme inconscient se met à gémir, je ne fais pas attention à lui, cette maison, ces souvenirs, tout me revient. Et cette interdiction d'aller dans la cave... Je m'en rappelle maintenant, j'ai eu la correction de ma vie après avoir essayée.

- Qu'est-ce... Qui êtes... Marie ?

Mon sang gèle en entendant cette ordure m'appeler par ce prénom. Il m'a reconnu. Comment est-ce possible. Ses prunelle ébènes me fixent avec moquerie. La colère fait trembler mon corps. J'ai froid. Je sais que je ne devrais pas avoir peur mais je ne peux pas contrôler des années de tourment comme ça. Je le dévisage, oubliant que j'allais visiter la demeure, il n'y plus que la haine, oui, la fureur d'avoir été sa victime.

Il n'y a plus de petite fille. Je ne suis plus Marie... Je suis lyse. Lyse Marrisson... Non, pas ce soir, je vais faire une exception. Une dernière fois, avant de renaitre, je dirais adieu au passer en même temps qu'à lui.

- Tu ne m'a pas oublié... dis-je en levant la tête après avoir essuyé mon visage, il ne verra plus mes larmes.

Il ne semble pas aussi dangereux qu'autrefois. Mise à part mes souvenirs trop présents, il n'est plus tout puissant dans ma vie. Il est juste un vieillard vivant seul dans sa ferme. Il veut me blesser avec ce qui lui reste : des mots. C'est moi qui tiens les reines cette fois. Pas lui. Il ne faut pas que je l'oubli.

- Comment oublier le délice que tu étais, me provoque-t-il.

- Facilement, mon père. Je vais t'y aider...

- Oh, tu es là pour réclamer vengeance. Tu en as mis du temps ! Et dis-moi... Est-ce vraiment indispensable, tout ça ?

- Bien sûr que oui ! grondé-je agacée par ses airs moqueurs. Je veux te regarder brûler, sans pouvoir soulager ta peau de tes sales pattes.

Son sourire devient forcé. Il sent que je le ferais quoi qu'il dise. Même si ses supplices m'enchanteront, je peux très bien le faire sans, non ? Il criera à un moment donné, et c'est tout ce qui importe : qu'il crève.

Calmant ma respiration, je me reprends, me sentent toute puissante, le père Anton est à ma merci, putain ! C'est tellement délectable...

Des flashs me reviennent, je revois son ombre alors qu'il ferme simplement la porte en pénétrant ma chambre. Mon cœur tambourine comme autre fois, cette nuit. Tout se mélange, le passé et le présent... Je me souviens de ne pas avoir été surprise lorsqu'il a défait le nœud de son peignoir...

« Il va falloir te montrer reconnaissante, Marie... »

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now