Chapitre 22

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La pression augmente, l'air ne passe plus pour soulager mes poumons du poids de cette violence. L'ombre du père s'installe lentement, il sourit méchamment, comme s'il gagnait, car la fatalité veut que je périsse de la main d'un Anton. Non. Non, Marcus n'est pas comme son père. Il ne peut pas l'être... Ses sombres prunelles me prouvent que j'ai raison, car la lueur du désespoir brille, et la raison persiste à le sermonner.

- Tu m'as promis ! Tu ne peux pas reprendre ta parole, Marie, tu n'as pas le droit de faire ça ! Je n'ai que toi... Je n'ai que... toi.

Les larmes me brouillent la vue, mais je les chasse aussitôt, car je ne veux pas laisser Marcus s'abandonner dans l'irréparable. Il pleure si fort, me supplie de tenir parole, me conjure de ne pas le rejeter, parce qu'il n'a que moi. Suis-je folle ? Ne devrais-je pas le haïr pour ce qu'il me fait ? Je suis en colère contre lui, c'est vrai, mais je ne le déteste pas.

Je lâche ses poignets, mes forces me lâchent. Si Marcus ne se ressaisit pas rapidement, il sera trop tard. Dès que la vie aura quitté mon corps, sa folie le mènera au même sort, et le père Anton aura gagné. Nous n'avons pas tant perdu pour cette pitoyable fin. Lentement, je lève une main, mes lèvres implorent silencieusement Marcus de ne pas faire ça, et lorsque je touche sa joue humide, il se fige.

- Oh mon Dieu, non...

D'un geste brusque, Marcus me lâche, horrifié, alors que je cherche l'air qui me manque entre deux toux. Mon agresseur bondit loin de moi, il observe mon cou rougit, puis relève ses mains tremblantes pour les dévisager avec stupeur. Le dégout déforme ses traits, les larmes inondent son visage, il se confond en excuse... On dirait un enfant effrayé. C'est le Marcus que je connais.

Un claquement me fait sursauter, et le soulagement me gagne alors qu'Alexandre accourt pour me tirer dans ses bras, loin de la menace. Il se tourne vers Marcus, menaçant, fou de rage, je ne l'ai jamais vu comme ça.

- Ne la touche pas, pauvre malade ! hurle-t-il en me cachant derrière lui. Tu vas bien ? Il t'a fait mal ? Seigneur, Lyse... pourquoi ne m'as-tu pas écouté ?!

Mon corps tremble, il comprend ce à quoi il vient d'échapper, cela fait bien longtemps qu'il n'a pas été agressé, et les séquelles se ravivent sans attendre. Je cherche à calmer ma respiration, ma gorge est nouée, et aucun son cohérant ne veut sortir. Ce n'est pas le moment, j'ai tant de chose à dire, mais c'est Marcus qui se fait entendre.

- Je suis comme lui, bafouille-t-il, écœuré. Je suis comme le père... Je... je ne veux pas être un monstre, Marie, je ne veux pas !

Sa plainte me déchire le cœur, et j'ai envie de le rassurer. Après tout, il m'a lâché à temps. Cependant, Alexandre ne me laisse pas intervenir, il me garde derrière lui, crispé de colère, il semblerait qu'il ne laissera aucune chance à Marcus. Devrais-je l'écouter cette fois ? Que se passera-t-il si la colère l'emporte la prochaine fois ? Parce qu'il y aura une prochaine fois... tant que Marcus ne nous laisse pas l'aider comme il se doit. Tant qu'il ne saisisse pas combien il est mentalement instable.

J'ose un regard sur le pauvre homme tremblant, Dieu, comme il est pitoyable en cet instant. Seul. Tremblant. Malheureux comme... comme autrefois. Je cligne des yeux pour chasser les larmes, et un hoquet de surprise m'échappe alors que Maya apparaît aux côtés de Marcus. L'air me manque. Les larmes recommencent à couler et la silhouette de ma sœur s'estompe.

Lui, personne ne l'aime.

Cette réalité est un cruel rappel de ce que j'ai oublié si rapidement. J'ai eu la chance d'avoir des parents, et lorsqu'il m'ont été enlevé, j'avais ma sœur. Ensuite, j'ai été en maison d'accueil, et bien que mes craintes m'aient poussées à m'isoler, je n'étais pas seule. Pour finir, j'ai connu Alexandre, et son amour à tout changer.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now