Chapitre 35

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Je me souviens avoir plaint les habitants de ce centre aux allures de château. Trop de monde, dehors, se contente des apparences. Ça à l'air beau, c'est suffisant. Détourner la tête est finalement plus simple pour ne pas ressentir la détresse de ceux qui sont instables émotionnellement. Maintenant que j'y suis, je me rends compte combien ces patients on besoin d'être vu et entendu, heureusement que le personnel exhausse au mieux cette requête.

La gentillesse des infirmiers, leurs sourires, leurs tendresses face à ceux qui en ont besoin me fait plaisir à voir. Il y a également des patients un peu plus difficiles, ceux qui ne désire que la paix, et là encore, leurs souhaits sont respectés. Je pense que je fais partie de ceux qui s'isolent, car personne ne m'a encore donné l'impression d'être en prison, forcé à déballer des choses que je ne peux pas partager. C'est rassurant, cependant, mon heure viendra, et cette idée me broie la poitrine.

Je n'aime pas vraiment cet endroit pour autant, Alexandre me manque. Les journées passent trop vites, mes nuits sont courtes, et je repense à Marcus, il m'a certifiée que les médicaments l'empêcher de rêver, qu'il était comme en veille, son corps se repose, mais pas son esprit. C'est la même chose pour moi... C'est horrible.

Et puis, je tente de réfléchir, trouver les mots pour justifier ma présence ici, commencer à me soigner, mais... je ne sais pas par quoi commencer, et cet homme trop souriant, trop gentil, trop attentif me met mal à l'aise. Il sait, pourtant, il insiste pour m'entendre parler, parce que selon lui, il n'a qu'une version, et ça ne sera pas la bonne tant qu'elle ne vient pas de moi... Alors, je parle de tout et de rien... de rien la plupart du temps.

J'essaye pourtant, mais un rien me semble plus intéressant que ma pitoyable vie.

La présence de Marcus m'a été sollicitée, et j'ai refusée. Nous nous sommes croisés, contempler avec malaise, et mon mutisme a été respecté. C'est effrayant, car c'est la preuve en soi qu'Alexandre disait vrai, il l'a compris avant moi. Marcus comprends parfaitement ce qui ne va pas chez moi, mais ce n'est pas une raison pour m'abandonner à lui.

N'est-ce pas ?

De temps en temps, souvent même, Marcus prend place à mes côtés durant les repas, il ne me dit rien, observe son plat tout en restant sensible à mes états d'âmes. Étrangement, sa présence à elle seule me fait me sentir... moins perdue. Elle ne me gêne aucunement, alors je me tais, et la savoure silencieusement.

Je crois qu'Alexandre lui a dit... Il lui a parlé de mes crises, de ma folie, et de mon soi-disant besoin d'avoir quelqu'un d'aussi cinglé à mes côtés, mais je ne veux pas... j'ai l'impression de le trahir, encore. Je comprends que Marcus se soit attaché à moi, il y a ce lien qui nous lie depuis des années, on vient des ténèbres, alors la lumière nous fait peur. C'est un besoin de se rassurer, rien de plus.

Alors, je m'adapte, fais de mon mieux pour taire le chaos dans ma tête. Malheureusement, je me sens redevenir la comédienne que j'étais... Ce n'est pas bon, je ne peux néanmoins m'en empêcher. Pitoyable, je suis plus misérable que je ne l'étais, jadis, car je me cache, me mens, fui, encore et toujours.

Je me retrouve dans Lyse, et réapprends à ignorer la colère de Marie... Même si ce n'est pas la bonne chose à faire... cependant, j'en ai besoin, juste un instant, le temps de me reprendre... Et j'ouvrirai les portes de mon passé dès que je me sentirais plus stable, moins perdue.

- C'est l'heure.

Un frisson désagréable me traverse l'échine, oui, c'est l'heure. Une fois de plus, je vais me retrouver devant le docteur Maurice, son regard me mettra mal à l'aise, parce qu'il sait, et ma bouche ne sortira que des niaiseries pour passer le temps et enfin retourner dans ma chambre pour m'isoler.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now