Chapitre 33- Marcus

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L'angoisse rend ma respiration difficile, c'est pourtant loin d'être une crise, c'est juste cette désagréable sensation, comme si toute ma poitrine était comprimée, que mon cœur battait plus fort au point de se faire sentir contre mes côtes, que mon estomac se contracte de lui-même, la nausée est présente mais pas l'envie de vomir, et cette moiteur sur mes paumes, j'ai beau l'essuyer, rien n'y fait.

Je n'ai plus le choix, il faut que je parle de Lyse.

J'ai pourtant fait tout ce que j'ai pu pour éviter ce sujet, j'ai parlé de ma mère, du souvenir que j'en garde, que ce soit durant sa vie, ou après. Elle m'a aimé, j'en suis sure, c'est le psy qui me l'a fait comprendre, j'ai dû l'accepter. La folie pousse les gens à faire des choses horribles, même à abandonner l'être qu'on a mis au monde.

J'ai détaillé chaque enfant, ceux qui ont marqué mes souvenirs, ceux que je ne pouvais qu'entendre, ceux que je pouvais voir, ceux qui avaient peur, et ceux qui osaient se rebeller... Pour un court laps de temps, parce qu'ils étaient calmés sans attendre... Par moi. Sauf que ça, je ne suis pas sûr d'avoir le courage de le décrire.

Et maintenant, il est temps que je parle de ce qui m'a insufflé le courage de poursuivre une vie dans l'enfer de la cruauté humaine. J'ai déjà parlé de ces deux sœurs qui ont attiré mon attention, il ne me reste plus qu'à mettre des noms, ceux qui manquent cruellement à toutes ces victimes. Marie est celle qui m'a donné espoir, Lyse est la force qui me pousse vers l'avant, il est temps de les dévoiler.

- J'ai longtemps détesté ces enfants, ils prenaient l'attention de mon père, et malgré la douleur qu'il m'infligeait, il était là, et de temps en temps, il me félicitait pour mes leçons, ou alors, pour le plaisir que je lui donnais sans rechigner... La solitude était la pire des souffrances pour moi... Je détestais mes pensées, elles arrivaient à éteindre ma raison, je devenais fou...

- Qu'est-ce qui vous venait à l'esprit ?

- La mort... avoué-je honteusement. La mienne, au début, je me disais que ma mère à bien fait d'échapper à tout ça aussi lâchement... Au moins, elle ne souffrait plus comparé à moi... Ensuite, je voulais la mort des autres. J'ai imaginé la mort de père de plusieurs manières, et à chaque fois, la délectation grandissait, l'envie aussi, cela m'effrayait.

- C'est une réaction normale, Marcus, poursuivez je vous en prie, m'encourage le psy.

Le docteur Maurice peut se montrer courageux à sa manière, car il insiste pour que je me dévoile toujours plus, me pousse à extérioriser toutes cette honte, cette horreur, pourtant, mes récits le mettent mal à l'aise, souvent il gigote, blêmit, ravale la bile du dégout sans perdre son sang-froid. 

Revenir dans cette cave me donne toujours cette impression d'impuissance. Je pense que c'était le pire. La faiblesse, ne pas pouvoir se défendre contre la méchanceté, la violence, la douleur. Chaque souvenir répand en moi les sensations, émotions, comme si je les revivais encore, cependant, plus je me livre, plus libre je me sens.

- Chaque rébellion a été sévèrement sanctionnée. La pire de toute était quatre jours passé à genoux, mon cou était attaché de sorte à ce que je garde la tête droite, mes mains liées entre elles comme si je priais, mes jambes jointes au sol, maintenue par une corde... Je ne pouvais pas bouger, j'avais mal partout, et je devais réciter la bible de mémoire...

- De mémoire, répète-t-il perplexe, vous avez souvent mentionné ce détail, j'ignorais que vous ...

- Car Dieu a dit : Honore ton père et ta mère, et celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. Tu aimeras ton prochain comme toi-même... Écoute, mon fils, l'instruction de ton père, et ne rejette pas l'enseignement de ta mère. Honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, et honorez le roi... C'est de Pierre, ça, je... Je commence à oublier... bafouillé-je avec satisfaction.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now