Chapitre 40

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Je me sens étrangement calme, une sensation encore méconnue naît dans mon ventre, j'ai l'impression qu'elle me chatouille, et j'ai sans cesse envie de sourire... de rire même. Est-ce la joie ? Le soulagement ? Le bonheur, peut-être ? Non, ça ne peut être le bonheur, j'ai encore un poids dans la poitrine, et celui-ci ne va pas disparaître de sitôt.

Je n'arrive pas à le croire. Dire que je pensais être anéantie en revoyant cette femme... C'est un peu le cas, j'étais terrifiée, j'avais mal de toute cette haine qu'elle m'a voué, jadis, ce destin cruel causé par simple méchanceté, ensuite je l'ai vu pitoyablement tomber, effrayée par ce qui l'attend, implorant une aide qu'elle n'aura jamais, j'ai compris une chose à laquelle je n'avais jamais pensée. Elle est faible. Elle est seule... Elle l'a toujours été, et le sera à jamais.

Moi, je ne le suis pas vraiment...

Il y a Alexandre, penser à lui me réchauffe le cœur.

Il y a Marcus, le grand, le fort, le beau, Marcus...

Et il y a Maya dans mon cœur.

J'ai compris que sa présence n'est pas forcément censée me faire mal, au contraire. Tout ce temps à me flageoler pour souffrir comme elle a souffert, j'en ai oublié son amour. J'ai oublié que Maya m'a aimée comme je l'ai aimée, et qu'elle aurait souhaité mon bonheur comme je souhaitais le sien.

C'est ce que Marie tentait de me dire.

Tout ce temps à la fuir, à me boucher les oreilles pour ne pas entendre ses reproches... Je me suis privée moi-même d'une vie épanouie par culpabilité. Les deux petites filles qui jouaient dans un coin sombre de ma tête n'est que le projettement de mon inconscient, selon le psy, je les retiens par peur, je refuse le détachement pour me punir.

« Ce n'est pas ta faute, Lyse, tu as le droit d'avancer, de vivre, de te battre pour être heureuse, tout en te souvenant de nous. C'est ainsi que notre mémoire connaîtra le repos éternel... avec l'amour innocent que nous partagions inconditionnellement... alors vis. Vis, ma sœur... vis pour nous deux. »

Ce sont les mots de ma sœur, elle est venue me rendre visite durant ma dernière nuit au centre hospitalier. Ce fut le plus beau rêve de ma vie entière, car j'ai pu la sentir dans mes bras, son odeur, sa chaleur... comme si nous y étions vraiment. Ce fut un adieu prometteur, parce que je sais qu'un jour, j'entendrais de nouveau ces rires enfantins, ceux de Maya... Mais ils ne seront plus seul dans un coin de ma tête, non, ils seront mêlés au miens, alors que nous nous retrouveront au paradis.

J'aime le croire...

Désormais, je peux être libre, je peux avancer... je le veux. Mon internement prend fin, et je me sens... légère. Ma valise est prête, j'attends que Alexandre vienne me chercher. J'aimerais rentrer chez moi, et discuter avec lui comme je lui aie promis. Tout se passera bien, il n'a pas cessé de me le répéter, et maintenant, je l'ai compris... Alex est décidément un ange envoyé pour rendre mon malheur moins pénible.

Si seulement j'avais eu la force de comprendre.

Je voudrais dire au revoir à Marcus, il a été très occupé avec la clôture du procès, j'ai également des choses à lui dire. Un pincement de déception m'a piqué en plein cœur, car son absence semble vouloir me dire tout un tas de chose que je refuse de comprendre. Il est hors de question que je me fasse des idées, je ne me laisserais plus aller aux tristes pensées.

Le psychologue entre dans ma chambre avec ce sourire pleine de fierté qui ne le quitte pas depuis quelques jours... Depuis que Marie a parlé, selon lui. Il a les documents pour ma sortie et me les donne sans attendre. Un malaise s'installe quand il remet ses mains en poche, j'attends qu'il se lance mais le docteur Maurice devient très ému.

Rancoeur du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant