Chapitre 28 - Marcus

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N'est-il pas suffisamment difficile d'être isolé, loin de ma raison d'être, condamné à ressasser le passé, secouer les douloureuses mille et unes lames que j'ai dans la poitrine pour — soi-disant— me soigner ? Je vais bien. La normalité prend une définition différente pour chacun... Certes, mes crises de colère peuvent effrayer, mais j'estime avoir le droit d'être furieux. 

Du moins, j'essaye de l'être, car c'est le chagrin qui domine en cet instant. Tout comme hier, et le jour d'avant. Je sens la volonté de guérir s'amoindrir sournoisement, mais je ne peux pas arrêter ce que j'ai commencé... Si ? Se pourrait-il que mn ange vienne enfin me voir dans ce cas ?

Lyse est fâchée, pourtant, je fais tout ça pour elle. Pour la venger... J'ai peut-être été maladroit en refusant ses visites, au début, mais je ne pouvais pas l'avoir en face de moi et... mentir. J'espérais lui dire que notre vendetta était en marche, mais ces fichus journalistes se sont empressés de montrer, une nouvelle fois, l'horreur qui sévis juste sous notre nez.

Bande d'hypocrites, il est facile d'agir quand il est trop tard. Les « si » ne changeront pas le monde.

Alexandre est là, lui, et il m'énerve. Ça fais des jours qu'il vient pour me regarder avec chagrin et m'annoncer qu'il sera seul. Pourquoi a-t-il le droit de lui parler ? Et pas moi. Je fais ça pour sa conscience, merde, je la venge, parce que je n'ai rien à faire de tous ses gens. Le père est mort, et il est le seul à m'avoir fait du mal.

- Il lui faut du temps, Marcus, dit-il après s'être raclé la gorge. Lyse a pris des congés car elle ignore comment agir quand les autres commenteront les infos, elle pense que tout le monde saura parce qu'il lui est difficile de sourire et...

- Personne ne saura, me défends-je encore.

Je suis agacé de devoir m'expliquer face à lui, mais surtout, l'idée que Lyse ne puisse plus sourire par ma faute est insoutenable.

- Je sais... Laisse-lui le temps, d'accord ?

Je déteste ce ton plaintif, Alex oublie une chose importante dans toute cette histoire, je suis un rival et non un ami pour qui il peut éprouver de la sympathie lors d'un coup dur. Je dois garder ça à l'esprit, je ne l'oublierai pas, non, Alexandre possède ce que je veux le plus au monde.

- Je ne t'aime pas, Alexandre, et tu ne m'aime pas non plus, parce que je vais te la prendre, Lyse me choisira à la fin... Alors, pourquoi fais-tu semblant de m'apprécier même quand elle n'est pas là ? Tu es chiant !

Je en me tournant au dehors observe la vie qui continue alors que je suis encore enfermé. il ne neige plus, mais le froid persiste... Je déteste le froid. Alex vient à mes côtés, trop sérieux, silencieux, j'imagine que je lui aie fait de la peine. Il doit comprendre qu'il ne peut pas être mon ami, je refuse de lui laisser Lyse, peu importe combien il se montre gentil, je la veux elle, nous sommes faits pour être ensemble... elle est venue me chercher.

- T'es un petit merdeux, tu sais ? réplique-t-il au bout d'un moment, mais je ne réagis pas. Tu m'aimes bien, avoue-le, et je vais tout faire pour que tu m'apprécies, comme ça, tu ne pourras pas me la prendre... Ça te briserait le cœur.

Je me détourne brusquement vers lui, serrant les poings pour ne pas le bousculer. Parce que j'en ai envie, bordel, j'ai envie de lui enlever ce petit sourire satisfait... Parce qu'il l'a lui... et pas moi. Parce qu'il se trompe. Lyse a été la lumière dans mes ténèbres, la seule ancre à laquelle je me suis accroché pour ne pas... mourir. Maintenant que je suis éclairé, je ne désire qu'éblouir sa vie, comme elle a éblouie la mienne.

- Que sais-tu de mon cœur, Alex ? dis-je entre les dents. Que sais-tu de la douleur qu'on a vécue, ensemble ? Hein ? Sais-tu ce que c'est de se sentir sale ? D'avoir mal partout... littéralement... Au corps tout entier, à la tête à force de pleurer, crier... hurler inutilement combien c'est injuste de subir ce qu'on subit ? Que sais-tu de la douleur intérieure... Celle qu'on ne voit pas... celle qui donne l'impression que notre âme brûle, et que rien ne peut soulager.

Rancoeur du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant