Rancoeur du passé

Chapitre 20

Alexandre est hors de lui, il pense vraiment que Marcus pourrait s'en prendre à moi, et plus rien ne semble compter. Pas même le désespoir qui traverse les lèvres de Marcus en un gémissement déchirant. Je le supplie de ne pas dire ce genre de chose devant lui, et j'ai raison, car lorsque je croise son regard, je le trouve horrifié, et il pose enfin son attention sur moi. Le temps semble s'être arrêté, pourtant, j'entends parfaitement tout ce que Marcus s'apprête à me dire.

Tu as promis de ne jamais m'abandonner.

Alex est injuste. Comment pourrais-je l'envoyer dans un centre pour gens mentalement instable ? Ce n'est pas sa faute... J'y suis arrivé, et Marcus y arrivera également. Des cauchemars, j'en ai eu également, le père me cherchait, me trouvait, et pour finir, me faisait payer cher ma fuite. Alexandre le sait parfaitement, puisque j'en fais toujours. Marcus a besoin de temps.

- Alexandre, ne dis pas ça, tu ignores...

- Tu rigoles ? me crie-t-il dessus. C'est la première fois qu'il me crie dessus et je n'aime pas ça. Lyse, tu es en danger ! Pourquoi refuses-tu de le voir, Marcus est un schizophrène, bordel ! Un manipulateur... Il te veut à un point malsain.

- Lyse ne m'abandonne pas... Tu as promis... Je n'ai pas fait exprès de m'en dormir, j'étais fatigué... Je ferais de mon mieux pour que cela ne se reproduise pas... Tu sais que je ne contrôle pas mes rêves, intervient Marcus d'une petite voix effrayée, brisée, comme mon être en cet instant.

Cela ne semble pas plaire à Alexandre, car il le bouscule en hurlant.

- La ferme ! Arrête de la manipuler, bordel, arrête de lui faire crois qu'elle doit s'occuper de toi par obligation ! Ce n'est pas le cas, tu entends ? Tu n'es rien pour elle !

- Alex, tais-toi !

Mon cri est un couinement, je suis choquée par les mots blessants d'Alex, il n'est pas comme ça, lui. Alexandre est un homme bien qui se soucie de son prochain. Marcus le dévisage, tétanisé par cette douleur interne que je peux comprendre, celle de la peur de se retrouver seul. Alexandre se trompe, je dois aider ce pauvre garçon, j'en ai besoin, je le comprends, et s'il est enfermé de nouveau, alors il n'aura plus aucun espoir.

- Lyse, ne vois-tu pas qu'il se fiche de guérir ? Tout ce qui lui importe est de rester enfermer, ici, avec toi... Parce que tu ne sors quasiment plus pour le soutenir dans sa folie !

- Tu ne comprends pas... bafouillé-je en réalisant qu'il marque un point. Il est terrifié, Alex... Je l'étais également, je sais ce qu'il ressent.

- Mais tu as affronté ta peur ! insiste-t-il.

- Tu crois que je l'ai fait en quelques jours ? Cela m'a pris des mois entiers pour oser sortir de la chambre qu'on m'a attribué ! J'avais même peur d'aller à la cafétéria pour manger avec les autres... Chaque regard me faisait penser au père Anton ! Chaque personne était suspecte et pouvait me ramener à lui !

- Sauf qu'il est mort, maintenant, me rappelle-t-il. C'est un soulagement, n'est-ce pas ?

- Il a brûlé... J'ai déversé la bouteille sur son visage, et il a fondu... pourtant, son regard reste toujours sur moi... Il est en colère, souffle Marcus.

S'en est trop, je suis tellement désolée de faire ça à Alexandre mais je ne peux pas abandonner Marcus. Je l'aiderai quoi qu'il advienne. D'un pas, je me place à ces côtés sous le regard abattu de l'homme que j'aime, il comprend tristement que j'ai fais mon choix, mais pas pour les raisons apparentes.

J'ai vécu dans cette ferme. Je sais combien le père pouvait se montrer cruelle, et sa mort n'engendre aucun regret. Deux ans m'ont semblés durer une éternité dans cet enfer au point que je suis devenue l'ombre de l'idée qu'on s'est faire d'une adulte, ma sœur et moi. Marcus à vécu là-dedans toute vie, et je refuse que des médecins s'apitoie sur son sort et le bourre de médicaments.