Souvenir

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Les enfants jouent, ils rient de bon cœur et je me surprends à sourire en les observant. Touche-touche, j'adorais jouer à ça avec Maya. Je la laissais gagner, pour ensuite la poursuivre lentement, vaillant à rester concentré sur le bruit du moteur qui m'annoncerait le retour du père Anton. Mes lèvres redescendent sans attendre, la honte revient, les souvenirs défilent à toute allure et je ne peux pas les retenir.

Son sombre regard sur elle...

Comment ai-je pu ne pas m'en rendre compte ?

Ma poitrine se comprime et ma respiration devient difficile... encore... Ses yeux... Sur le corps de Maya... Il voulait le faire, il m'a menti. Le père n'attendait que de se lasser de moi pour ensuite salir ma petite sœur.

- Lyse, tu vas bien ?

Si seulement j'avais écouté cette voix dans ma tête. Celle qui me hurlait de fuir au plus vite. De nous sauver... Si seulement j'avais osé, au lieu d'entendre la raison et la peur que m'inspirait cet homme. Il mentait tout le temps... Donc, courir dans les bois n'était pas vraiment dangereux... je n'ai croisé aucune bête... J'aurai pu m'enfuir avec Maya.

- Lyse, tu m'entends ?!

Je me détourne vers cette femme aux cheveux blonds, elle me dévisage avec peine et inquiétude, que veut-elle ? Pourquoi on ne me laisse pas tranquille ? Pourquoi est-ce que je dois toujours être avec des adultes ? des médecins ? Des gens qui disent vouloir m'aider. C'est trop tard, pourquoi ne le comprennent-ils pas ?

Il ne s'agit que de culpabilité.

Ils ont honte de leurs espèces.

Celle d'homme.

L'humain détruit tout, en commençant par son semblable.

La vérité est que nous sommes les plus évolué, c'est vrai, mais nous n'en restons pas moins des bêtes... Les plus cruelles qui soit. Parce que chez les hommes, il n'y a pas de chasse pour la survie, pas de massacre pour le plaisir... Non... Les animaux respectent les races, les différences, les territoires... Ils ne demandent qu'à vivre parmi les autres, en paix.

Les hommes, eux, se détruisent mutuellement. Pour de l'argent. Pour de la place dont ils n'ont pas besoin. Pour se prouver qu'ils sont plus fort. Ils ont trop de chose et s'ennuient rapidement. Pour combler leurs vides, ils s'adonnent à des jeux cruels. Des plaisir monstrueux, personnels, égoïstes, rien ne compte vraiment... Pas même la vie d'un enfant... Et ça se dit, intelligeant, compatissant, humain.

- Je vais bien, réponds-je à Annabelle, l'infirmière qui sanglote sur mon sort, en cachette.

- Mais... tu pleures ! affirme-t-elle d'une voix qui se brise. As-tu mal à tes bras ? Ou... autre part ?

- Non... Je n'ai pas fait exprès de pleurer... Je vais bien, merci.

Je la vois déglutir, elle retient certainement les larmes, comme d'habitude, pour aller se cacher et pleurer sur la pauvre petite fille que je suis. Elle essayera ensuite de savoir, encore et encore... Ils ne veulent que ça. Écouter l'histoire de la pauvre enfant trouvée sur la route... Au milieu de nulle part... Personne n'a vu de ferme. Combien de temps ai-je courue ?

Elle s'en va d'un pas pressé, et je retourne à la contemplation de ces enfants... normaux. Oui, ils sont normaux... Même sans parents. Sans famille. Sans maison... Sans frère ou sœur... Ils sont protégés, ici, ils ont de la chance... S'ils savaient... Ensuite, ils grandiront, et deviendront des monstres.

C'est dans la nature de l'homme, tout ça. Peut-être que ça m'arrivera également ? Non, je ne pense pas. Lorsqu'on goute à l'enfer, on fait attention à ne pas blesser sont prochain. Du moins, je crois... Le temps me le dira. Un temps que je m'accorde pour me protéger et... devenir tout ce qu'on a espéré avec Maya.

Rancoeur du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant