Chapitre 11

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La fumée m'entoure, l'odeur nauséabonde de la chair brûlée me retourne l'estomac, un cri strident retentit, puis un autre, mais je ne vois personne. J'inspire, la puanteur me pique la gorge pourtant je n'ai pas envie de tousser, mon intérêt est visé sur un homme ligoté qui remue et hurle de tout son être. Le père Anton. Il brûle, fond lentement alors qu'il n'y a pas de flamme sur sa peau. Une petite fille se tient devant lui, elle contemple les dégâts tout en arrosant l'homme de Dieu d'un produit inflammable.

— Tout est de ta faute, entends-je l'enfant dire, mon cœur rate un battement.
Maya ?
J'aurais dû te tuer, Marie, comme je l'ai fait pour les autres. J'aurais dû te mater comme j'ai maté ce gamin !
— Tout est de ta faute, répète la fillette et je tente de m'approcher, mais mes jambes son si lourdes. C'est de ta faute si Marie est morte au dedans...

Il me faut toute ma volonté pour me mettre en mouvement, le cœur martelant si fort que s'en est douloureux, je veux la voir. Maya ne peut pas prendre ma place, c'est moi qui est tuée le père, ma sœur doit aller au paradis. L'enfant déverse le liquide sur le prêtre et il part en fumé, littéralement, il se consume dans un cri horrible, et j'ai l'impression d'entendre le mien en échos. J'ai hurlé de tout mon être lorsque j'ai trouvé ma sœur sans vie. Je l'ai perdu pour toujours... je n'ai pas su la protéger.

— Tout va bien maintenant, me dit-elle lorsque je la rejoins enfin pour tomber sur les rotules.

J'aimerais tant la prendre dans mes bras, mais je ne peux pas bouger, l'observant pour réimprimer son doux visage. Maya me sourit avec tendresse et ma vue se brouille. Non je veux la voir encore. Elle est telle que je l'ai connue, elle restera ainsi pour toujours. Ma sœur tend sa petite main et frôle mon visage, elle a l'air d'être en paix. Dieu que j'aimerais que ma petite sœur soit heureuse parmi les anges. Ses traits s'attristent, et mon cœur se resserre douloureusement. Non, ne soit pas triste Maya.

— Soit gentille avec lui, Marie, les larmes de ce garçon ont inondés nos tombes d'enfants, mais il a continué à garder espoir... grâce à toi.

J'écarquille les yeux, tente de poser toutes ses questions, mais elles refusent de traverser mes lèvres tremblantes. Que qui elle parle ? Marcus ? Comment sait-elle pour ... un bien être étrange naît dans mon ventre, il n'a rien à voir avec la douleur de ma poitrine. Maya penche la tête sur le côté, elle m'observe comme si mes traits lui sont étrangers. Ils le sont. Je ne suis plus une enfant, moi.

— Tu dois tenir la promesse que tu m'as faite, Marie, poursuit-elle.

Mes sourcils se rejoignent car l'incompréhension me gagne, une promesse ? Je sonde mes souvenirs à la rechercher de quoi que ce soit qui aurait pu retenir l'attention de Maya. Des promesses, je lui en aie faite pas mal... j'ignore de quoi elle parle. Honteusement, je baisse la tête sur mes mains, la peau de mes bras attire mon attention, il n'y a aucune marque, aucune cicatrice. Elles sont parties en même temps que le père Anton...

— Non, elles sont parties parce que tu penses avoir besoin de les effacer, m'explique ma sœur et je lève les yeux, ébahie.
— C'est vrai, j'aimerai tout effacer, avoué-je, je voudrai retourner au passé et...
— C'est impossible voyons, glousse-t-elle d'abord avant de retrouver un triste sérieux.

Maya pose sa petite main sur ma joue et je m'empresse de mettre ma paume dessus. Sentir ses doigts donner une pression sur ma chair me rempli de bonheur. Ma poitrine est secouée par un sanglot mais je ne me sens pas pleurer. Au contraire, malgré ma peine, je me sens étrangement bien. Comme si mon corps était ailleurs. L'est-t-il ? Je m'en fiche, tout ce qui importe est ma petite sœur... elle me manque tellement.

— Tu dois tenir ta promesse, Marie, je serais triste sinon, insiste Maya et l'incompréhension revient.
— Je vis, soufflé-je, je vis sans toi.... j'ai un bon travail, et un appartement génial, il y a également Alexandre... tu l'adorerais, Maya.
— Il est gentil, mais quelqu'un a besoin de toi, me coupe-t-elle en détourant la tête, comme si on l'appelait.
— Ne t'en va pas, là supplié-je d'une petite voix et j'ai de nouveau son attention.
— Souviens-toi de ce qu'on voulait vraiment, Marie, dit-elle mais je l'entends de moins en moins bien. Il ne s'agissait pas d'appartement, de travail, d'argent ou de luxe. Tout ce qu'on voulait...
— C'est d'être heureuse, terminé-je.

Une fois encore, Maya glousse adorablement, je fais l'erreur de cligner des yeux et il n'y a plus personne. Moi et les ténèbres. Je suis de nouveau seule. Mon cœur cogne si fort dans ma poitrine, ce n'est pas douloureux, juste trop intense. Plaçant ma main sur mon sein, je tente de le calme un peu, étonnée de ressentir avec autant de chaleur ma paume.

Ai-je déçue ma petite sœur en jouant la comédie toutes ses années ? Maya a raison, vivre n'est pas avoir un maximum de chose, mais de savourer chaque instant. Et j'ai passé le mien à ma cacher, à fuir, mentir, jouer un rôle qui n'est pas le mien. Après tant d'année à simuler, j'en viens à ignorer qui je suis vraiment.

Et cela rend Maya triste...

­— Marie... entends-je sans voir personne, je reconnais juste la voix de Marcus. Non, marie n'existe plus... Lyse. Tu es lyse...

Les larmes de cet enfant ont inondés nos tombes d'enfants.

Je dois prendre soins de Marcus parce qu'il n'a plus personne. Il n'a d'ailleurs jamais eu qui que ce soit pour l'aider, alors de quel espoir me parle Maya. Une chose est sûre, je ne peux pas l'abandonner, car au loin dans les ténèbres qui m'entourent, un petit garçon m'observe... Comme s'il me voyait sans que je ne le voie.

Est-ce ce qui s'est passé lors de notre arrivé chez le père Anton ?

Est-ce que Marcus observait de cette petite fenêtre deux fillettes s'amuser dehors alors qu'il n'avait pas le droit de sortir ? Combien d'enfants sont-ils passé par cet enfer avant de finir enterrer dans les bois ? Il était là, mais ne faisait aucun bruit.

Est-ce qu'il m'a vu m'enfuir, ce jour-là ?

Un horrible frisson me traverse l'échine alors que le petit garçon tend la main vers moi, m'appelle, et moi, je sauve ma peau... J'abandonne tout le monde pour me sauver, moi. J'ai tellement honte... Désormais, Marcus est un homme libre, et je vais faire en sorte qu'il soit un homme bon.

Je nous sauverais tous les deux.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now