Chapitre 23

757 104 11
                                    

Le bâtiment est imposant, les clôtures et le jardin font penser à un magnifique manoir, malheureusement, la folie anime ses murs et personne ne semblent s'en soucier au dehors. La vie continue, feindre ne rien amoindrit notre culpabilité, le déni soulage notre conscience face à l'abandon de nos proches dans ces lieux prévus pour ceux qui ne pensent pas comme nous.

J'ai goûte malgré moi à l'ignorance d'autrui, car tous ne se sont pas rués sur la pauvre enfant silencieuse que j'étais, et heureusement. Mon corps trop maigre, ma peau trop pâle, abîmée par toute sorte de châtiments visible à vue d'œil, la peur constante dans mes reculs tremblants, et ce mutisme salvateur...

Oui, il y avait de quoi attirer l'attention, pourtant, quelques infirmières et infirmiers lisaient avec acharnement tout ce qui leurs passaient par la main, fixaient au loin comme si je n'étais pas là, ou me souriaient en faisant semblant de ne pas voir mon état.

J'espérais qu'on ne me remarque pas, c'est évident, malheureusement, cette ignorance augmentait également ma pauvre estime de moi-même. J'avais l'impression que le père avait raison, je n'étais personne, les moins que rien, on ne s'en soucie pas, on les ignore.

C'est pareil pour les patients de ce centre médical spécialisé. La douleur de ces êtres condamnés à souffrir de ces maladies invisibles est perpétuelle. Le mental est le moteur du corps, certain guérissent, d'autre se meurt lentement... que ce soit ici, ou chez soi.

Je m'annonce, sachant que ma visite va de nouveau se concentrer sur l'accueil, mais je ne baisserais pas les bras, je dois tout faire pour le revoir. Il faut que je m'assure que Marcus tient le coup, qu'il ne compte pas abandonner parce que je lui aie tourné le dos. Je suis là, comme je le lui aie promis.

- Lyse Marrisson, me présenté-je inutilement, je voudrais voir Marcus Anton, s'il vous plaît.

Je retiens mon souffle.

- Je suis désolée, mademoiselle, monsieur Anton refuse les visites... encore.

Monsieur Anton.

Décidément, je ne m'y ferais jamais.

Ça doit être pire pour lui, porter le nom d'un monstre est un fardeau.

Le désespoir me gagne, mon cœur se resserre douloureusement face à cet énième refus. Pourquoi ne veut-il pas me voir ? Est-il en colère ? Pense-t-il que je lui aie tourné le dos ? J'inspire profondément pour retenir les larmes qui menacent de sortir... comme à chaque fois.

- Très bien... Vous lui direz que je suis passée ? m'assuré-je, sachant que c'est inutile.

- Évidemment, mademoiselle, au revoir.

Je fais demi-tour, avance tête basse et prends place sur un de ces bancs prévus pour donner l'illusion du parfait, comme si personne n'avait remarqué qu'ils sont toujours vides. Qui voudrait faire une pause devant un hôpital psychiatrique ? Le bâtiment est immense, les fenêtres ont des barreaux au-dedans... Tout ce qu'il a de plus horrible est au-dedans... Et Marcus est enfermé là... Par ma faute.

Je rentre dépitée, tout est de ma faute, je déteste ne pas savoir ce qu'il fait, s'il s'en sort ou alors s'il souffre de revivre ce cauchemar. Je ne cesse de penser à toutes ces fois ou ma présence le rassurait. Ces nuits agitées et sa venue dans mon lit pour une maigre consolation face à ce passé qui le hante.

Qui nous hante.

Je sais que c'est pour le mieux, qu'il apprendra à oublier pour avancer dans une vie saine et épanouie, mais ne pas le voir me fait douter. Imaginer ses crises d'angoisse, sa détresse, ses larmes... Peuvent-ils l'aider comme Marcus le mérite ? Sans le juger, sans le blâmer, sans le prendre en peine... Oui, bien sûr que oui, je dois arrêter de penser au pire.

Rancoeur du passéWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu