Chapitre 30

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Le silence est nécessaire, je pense, il me permet d'assimiler les dires de Marcus, ce qu'il fait, et pourquoi il le fait. Je déteste l'idée que mon passé, soit dévoilé, cela dit, je ne suis plus Marie, mais Lyse... et Lyse est fort, elle peut tout surmonter. Oui, voir les choses de ce point de vu rend l'information plus facile à digérer.

Personne ne saura.

Personne ne me jugera.

Personne ne me prendra en pitié.

Marcus est toujours dans mes bras, étrangement crispé et tendu, et j'ai beau passer mes bras autour de lui, caresser son dos, le rassurer par ma présence, il reste mal à l'aise... Plein de regret... Est-ce parce que je ne veux pas tout savoir sur son passé et ce qu'il a fait pour survivre ? Certainement. Il ne comprend pas que je refuse de l'assimiler au crime du Père.

C'est tellement bon de le revoir, son odeur m'a manqué. Il a tellement changé... Physiquement, Marcus est plus imposant, il a prit du poil de la bête, j'en suis contente. Mais ce qui me fascine le plus est la lueur pleine de volonté dans ses prunelles, sa façon de parler, si sûre de lui, et ses gestes semblent contrôlés. Il n'a plus grand-chose à voir avec l'homme effrayé que j'ai trouvé dans cette cave.

Si seulement il n'y avait pas toute cette peine autour de lui, elle s'acharne à lui enlever toute estime personnelle. Devoir constamment revivre le passé, au centre hospitalier, se rappeler chaque détail, chaque nom, chaque douleur perçut ou affligé doit être insurmontable... Et pourtant, il reste fort malgré tout.

Sa force intérieure me fascine.

Elle a toujours été là, car il faut être mentalement robuste pour survivre à... ça.

Marcus gigote un peu, le malaise revient, la réalité des choses. Je constate qu'il a toujours cet effet étrange sur moi, celui qu'Alexandre déteste. Je ne peux pas lui en vouloir longtemps. Jusque-là, Marcus était loin et je pouvais alimenter ma colère en imaginant mon identité nouvelle s'effriter à cause de ses révélations, et avec quelques mots, mon âme semble s'être calmé.

Je suis toujours terrifiée par ce qui pourrait se produire, cependant... je le crois quand Marcus dit que tout ira bien. J'ignore pourquoi je me sens si calme en sa présence, mais j'apprécie. Nous nous faisons face, son doux parfum m'entoure encore, je te trouve si beau lorsque ses lèvres remontent timidement, mais surtout, que son sombre regard s'illumine par de jolies tâches bleutées.

La tendresse du moment se dissipe instantanément, car les yeux de Marcus descendent sur mon corps, il me reluque sans gêne, son sourire devient rictus, et je pouffe nerveusement de rire. Oui, c'est toujours lui. Mon amusement ne le distrait aucunement de sa contemplation, même lorsque le resserre ma robe de chambre plus brusquement que nécessaire.

- Tu es belle, Lyse, dit-il enfin, des rougeurs s'étendent sur ses joues et Marcus détourne la tête.

- Toi aussi, tu es très beau, répliqué-je sincèrement.

- Non... ce n'est pas vrai, bafouille-t-il, mais c'est bon de l'entendre.

Je passe la main sur son épaule pour le garder au présent, je ne veux pas qu'il soit triste.

- Marcus, ne pense plus à tout ça. Nous devons avancer... et...

- Tu ne veux plus aller au travail, me reproche-t-il. Tu t'enfermes ici tout le temps, je ne veux pas que tu aies peur, Lyse. Quand je sortirais, la première chose que je voudrais qu'on fasse est de nous promener au parc... Tous les deux.

Ces mots me réchauffent le cœur, c'est la preuve en soi que Marcus fait des efforts incommensurable... alors que moi, je me lamente.

- Je suis d'accord, susurré-je, désemparée par cette réalité.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now