Chapitre 25

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L'appétit me manque, mes pensées se dispersent, et l'agacement commence à atteindre son apogée alors que mes très chères collègues chuchotent assez bruyamment à quelques mètres de moi. Je peux être antipathique avec les gens qui me déplaisent, la vie m'a ôté des personnes précieuses, alors ces garces ne valent pas la peine que je m'attarde sur elles. C'est ce qui les énerve le plus je crois. L'ignorance est le plus grand des mépris pour ses nombrilistes.

Joseph s'approche, sourire nerveux sur ses lèvres fines, et je prends machinalement mon portable pour feindre une occupation afin qu'il passe son chemin. Je ne suis pas d'humeur à l'écouter me parler de chiffres et d'entées budgétaire. Vraiment, il devrait adopter une nouvelle méthode de drague, celle-ci est... lamentable ? ... Non... Elle a un effet somnifère, et le pauvre perdra les quelques cheveux qui lui reste sur la tête en restant célibataire.

- Bonjour, Lyse, dit-il après s'être raclé la gorge, il recommence avant de poursuivre. Comment vas-tu ?

Je pose mon portable et lui rend hypocritement un sourire, ma sociabilité me fait défaut, certes, mais Joseph est loin d'être aussi sournois que ces femmes plus loin. De plus, ma nouvelle identité ne servira absolument à rien si je persiste à me montrer méfiante. Il faut que j'apprenne à ne plus être hostile.

Je ne risque rien.

Je suis une autre femme.

Je suis normale.

- Je vais bien, merci, répliqué-je avec la ridicule impression de chantonner. Et toi ? Tu as bonne mine.

Joseph écarquille les yeux, étonné, je crois même qu'il rougit un peu alors que je n'ai rien dit d'extravagant. Le pauvre devait s'attendre à mon habituelle haussement d'épaule, ou mes réponses courtes, brèves, pour en finir au plus vite. Il entame un monologue en ignorant mon froncement de sourcils, car Joseph prend place à mes côtés. Je déduis qu'il tente de minimiser son manque de politesse : Je ne l'ai pas invité à s'asseoir.

- Tu as regardé les infos ? me questionne-t-il.

Toujours des banalités, et après la pluie et le bon temps, nous discuterons d'actualité. Génial !

- Pas vraiment, je... je préfère lire un bon livre que d'écouter toutes les conneries qui se disent à l'écran, coupé-je court à cette partie de l'échange.

Malheureusement, cela ne le démotive pas, au contraire, c'est un autre sujet qui s'ouvre à lui.

- Vraiment ? Et quel est ton genre préféré ?

L'agacement m'hérisse les poils, et je dois me contenir pour ne pas prendre mes affaires et changer de place pour être tranquille. Ce serait mal poli, mais libérateur, il faut l'avouer. Habillement, je pose deux ou trois questions, et Joseph est lancé. Les gens adorent parler d'eux et étaler leur vie, c'est étonnant. Dès qu'ils trouvent une oreille attentive, chacun devient psychologue attitré le temps d'un instant.

Psychologue... et voilà, tout me ramène à lui. Comment est-ce que Marcus s'en sort ? Je fais de mon mieux pour vivre et avancer, sachant qu'il se soigne avec de véritables experts. Je ne comprends pas pourquoi il refuse toujours de me voir, et ce, à chaque visite quotidienne, mais rien n'y fait... Je suis aussitôt renvoyée vers la sortie.

- Je crois qu'il est temps de retourner au travail, coupé-je Joseph dans son monologue sur un roman qui est loin d'être pour un trentenaire presque chauve, trop maigre, avec la voix d'une femme ayant trop fumée.

Je n'attends pas qu'il trouve un autre sujet de conversation, me lève en prenant mes affaires et quitte la cafétéria pour retourner à mon bureau. Je rallume mon pc, ouvre les portes et attends les premiers clients. Dès que je terminerais ma journée, j'irais de nouveau voir si Marcus a changé d'avis. Il finira bien par accepter.

Rancoeur du passéWhere stories live. Discover now